Les démocraties ont le devoir moral de se défendre. Les libertés individuelles et publiques défendues par les pays démocratiques sont le bien commun de l’humanité : les libertés fondamentales sont un droit pour tous et une espérance pour ceux qui en sont privés, une chance partagée pour qu’un jour, toutes les personnes privées de liberté, opprimées et asservies se libèrent de leurs chaînes de la tyrannie . Sans liberté, il n’y a ni égalité, ni fraternité. Tout commence par la liberté d’être soi dans le respect des autres, d’être libre ensemble, les uns et les autres. Je ne suis pas libre quand l’autre est asservi, c’est tout simple. Or, les pays démocratiques sont numériquement minoritaires dans le concert des Nations, entre le quart et le tiers des Nations selon l’approche retenue, plus ou moins souple, de la notion de démocratie. La liberté religieuse et la liberté d’expression sont respectivement la boussole et le baromètre en la matière.
C’est pourquoi la légitime défense est reconnue par le droit international et que les démocraties doivent faire usage de cette possibilité lorsque les libertés fondamentales des uns et des autres sont menacées, ce qui justifie des interventions dans le respect du droit international. Toute la difficulté est de pouvoir intervenir dans le cadre d’une stricte proportionnalité par rapport aux menaces encourues et alors que les instances internationales telles que l’ONU souffrent de l’existence d’un droit de veto ou de majorités de circonstances pilotées par des dictatures ou systèmes qui affichent un mépris total de la vie, comme par exemple la Russie de Poutine qui a réduit en cendres la Tchétchénie au début de ce siècle et qui recommence en Crimée et dans le Donbass, sacrifiant des vies au nom du « nationalisme russe ». Mais on peut aussi citer la Chine qui en Orient cherche à conquérir par la force des chapelets d’îles pour contrôler les routes du commerce international et de possibles immenses gisements de pétrole et de gaz, sans chercher à négocier avec les Etats concernés, Vietnam, Philippines, Indonésie ou Japon, et en n’hésitant pas à investir des sommes colossales pour construire des ilots artificiels pour édifier des bases militaires, déplaçant insensiblement l’Empire du milieu au milieu des mers disputées.
C’est pourquoi, les sociétés du monde libre ont l’obligation de se défendre ensemble, de s’organiser collectivement et de rallier le plus de pays possible sur le chemin démocratique qui peut parfois être très difficile, rude, très rude lorsque le contexte national ou international s’y prête difficilement.
C’est pourquoi il est important que la France, pays de liberté par excellence en tant que pays de la déclaration universelle des Droits de l’homme, tienne son rang dans le concert des Nations, pas simplement au niveau européen mais au niveau mondial et qu’elle entretienne principalement des réseaux d’alliance avec les démocraties, les pays émergents décidés à adopter les vertus de la démocratie, sans oublier les pays avec lesquels elle entretient de longue date des liens d’amitié.
C’est pourquoi, nous ne pouvons qu’être heureux de la conclusion avec l’Egypte d’accords de défense même lorsqu’ils prennent la forme de ventes d’armes. L’Egypte est un pays pacifique, traditionnellement non belliqueux, allié de longue date de la France dans cette région si compliquée. L’Egypte n’est pas seulement un pays arabe peuplé principalement de musulmans mais aussi une terre d’histoire, celle de l’Afrique des Pharaons et des Chrétiens coptes, l’une des plus anciennes églises chrétiennes d’Orient, une église vivante, forte et fervente. J’ai visitée l’Egypte voilà tout juste trente ans, après m’être perdu dans le cimetière des Mamelouks : cette ville nécropole, la Cité des morts, est peuplée de dizaines de milliers de personnes vivant misérablement au milieu des tombes, là où les personnes n’ont pas peur des morts mais des vivants, tant la violence peut y être grande, ce qui n’était pas le cas il y a trente ans. Mais le monde a changé, et je ne suis pas sûr que les personnes nous ayant alors guidés pour retrouver le chemin du quartier copte seraient toujours aussi bienveillantes, surtout quand l’une des personnes perdues serait susceptible d’être considérée par les faibles d’esprit comme « une espionne » si on en s’en tenait simplement à sa carte d’identité et sa confession. Tout cela pour vous dire que nous ne pouvons que nous féliciter de la conclusion de la vente des avions de chasse Rafale à l’Egypte. Il en va du rang de la France en tant que Terre des Lumières et phare des libertés démocratiques dans le monde. Etre « amoureux de l’humanité », un « croisé pacifique » ne signifie pas être aveugle et naïf. Être humaniste ne signifie pas accepter de devenir un mouton que l’on égorge. Si nous voulons être tous libres et offrir à tous la possibilité d’être libres un jour, il faut adopter la philosophie du « pacifisme insurgé », en veillant à rester en vie, demeurer vivants et vivre libres, ce que tout le monde ne souhaite pas visiblement, demandez aux Chrétiens d’Irak ou aux Africains du nord du Nigéria. Ils ont besoin de notre secours.
N’oublions pas les leçons de l’histoire. Le pacifisme dans l’entre-deux-guerres a fait le lit du fascisme et du nazisme. Ne recommençons pas la même erreur. Retenir ces principes ne justifient pas pour autant de faire n’importe quoi, comme par exemple Bonaparte lorsqu’il chercha à conquérir tout l’Orient, se prenant pour un nouvel Alexandre le Grand. Ses rêves de grandeur furent balayés à Jaffa. Une stèle en témoigne, rappelant le sort cruel qui attendait les soldats de la conquête égyptienne devenus les pestiférés de Jaffa. Un peintre de commande, Gros, en a fait un tableau à la gloire du futur empereur. Pour ma part, je préfère la stèle.