Au Saint-Sépulcre à Jérusalem : les redoutables mystères

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 Le Christ pantocrator, mosaïque décorant la coupole à tambour située au centre du périmètre quadrangulaire du catholicon grec orthodoxe du Saint-Sépulcre

Le catholicon qui signifie en grec église d’un monastère,  est construit sur l’ancien choeur des chanoines de la basilique des croisés. Son architecture est de forme quadrangulaire. La coupole du dôme, perchée à vingt mètres de haut, est décorée  d’un Christ pantocrator qui est la représentation  du  Christ glorieux « tout-puissant », par opposition au Christ souffrant de la Passion.  L’enfant Jésus est, sinon, la troisième représentation traditionnelle du Christ.

Le Christ pantocrator de la basilique du Saint-Sépulcre possède tous les attributs de l’art byzantin habituel :  le Christ est montré en buste ; la main droite est levée invitant à la vie éternelle par le signe discret des doigts, index et majeur unis pointant vers le ciel tandis que l’annulaire et l’auriculaire demeurent recroquevillés ensemble dans la paume. Il porte dans la main gauche le livre des Saintes Ecritures. La tête du Christ est entièrement entourée d’un nimbe crucifère, et non d’une auréole qui se détacherait de la tête, la croix signifiant qu’il s’agit du Christ. Les deux lettres grecques alpha et oméga qui encadrent le nimbe, sont les symboles de la vie éternelle.

Les patriarches de Jérusalem, au nombre de seize, constituent le premier cercle entourant le Christ pantocrator.

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Les huit demi-cylindres de voûte du dôme catholicon forment quatre espaces triangulaires qu’on appelle pendentifs en architecture.  Ces espaces sont ici recouverts de mosaïques récentes sur lesquelles sont représentés les quatre évangélistes, Luc, Jean, Marc et Matthieu.

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Contrairement à ce que l’on pourrait croire, la basilique n’est pas envahie d’objets religieux ou par l’art liturgique, sauf en de rares exceptions. On y trouve de très grands porte-cierges destinés à accueillir d’immenses cierges pascaux, ou encore des tableaux accrochés ici où là aux murs, mais on est très loin de l’ambiance artistique surchargée de dorures des églises baroques ou de certaines chapelles à l’intérieur des cathédrales gothiques.

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De nombreuses lampes de sanctuaire suspendues à huile ou à cire liquide éclairent les parties les plus ténébreuses de la basilique ; de même, l’aigle de saint Jean veille sur une chaire en bois, décorée de la réprésentation des quatre évangélistes.

C’est dans la crypte de Sainte Hélène, là où la mère de Constantin 1er aurait retrouvé en 326 les trois croix, celles du Christ et des deux larrons, dans le lieu le plus sombre du Saint-Sépulcre qui exige prudence dans la descente de l’escalier à peine éclairé, que l’on compte le plus grande nombre de lampes et brûleurs d’encens suspendus.

Le tour de la basilique effectué, l’heure vient d’approcher les redoutables mystères que Chateaubriand évoque dans l’Itinéraire de Paris à Pérusalem.

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Le premier mystère est celui de la Croix. La tradition chrétienne qui remonte  aux recherches menées par Hélène voilà dix sept siècles, situe le Golgotha juste à droite de l’entrée principale du Saint-Sépulcre. On y accède par un escalier étroit d’où l’on découvre trois autels richement ornementés et décorés, les autels du Calvaire, du Stabat Mater et de la Crucifixion. C’est sous l’autel de la chapelle grecque orthoxe dite du Calvaire que se trouve la pierre de Golgotha que les pélerins viennent toucher pour demander que leurs voeux soient exaucés et retirer une indulgence.  Les historiens discutent toujours pour savoir si le jardin du Golgotha évoqué par les quatre évangélistes et qui aurait été une ancienne carrière de pierres,  se trouvait bien ici, mais cela ne change véritablement rien aux intentions du pélerin qui ne vient pas rendre hommage à une pierre ou à une croix mais se recueillir devant le Christ crucifié.

Car, si mystère de la Croix il y a, il est bien antérieur à la crucifixion, il remonte au moment où la foule, menée par les grands prêtres, choisit de sauver Barrabas plutôt que le Christ, Agneau immolé nous délivrant de tous nos péchés, qui devient aussi, pour tous les humains, la figure emblématique du bouc émissaire, de génération en génération.

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En qutitant l’autel du Calvaire, nos pas nous conduisent sous le calvaire à l’oratoire de Sainte Marie l’Egyptienne dont le récit de sa vie au désert est conté dans la Légende dorée de Jacques de Voragine. Non loin se trouve aussi la chapelle de Saint Grégoire l’Illuminateur qui convertit toute l’Arménie, avant même la conversion de Constantin, à la bataille du  Pont Milvius en 312.

Le deuxième mystère se présente alors à nous. Il est situé sur la pierre dite de l’Onction après que le corps du Christ eut été détaché de la Croix, pour être posé sur une pierre et recevoir les préparatifs d’ensevelissement par Joseph d’Arimathie et Nicodème.

Le lieu est solennel, face à l’entrée principale de la basilique. La pierre recouverte d’une dalle de marbre qui n’a guère plus de deux siècles, est entourée de six porte-cierges de la hauteur d’un homme supportant des cierges d’un mètre de hauteur environ. Ils représentent ainsi, par deux, les trois communautés arménienne grecque et latine, en charge liturgique de cette pierre éclairée par huit lampes suspendues, dévolues en nombre différents aux différentes communautés religieuses se partageant le lieu Saint.

Une chose est sûre cependant, la pierre n’est pas d’époque. Il s’agirait d’une pierre retirée du Golgotha. On raconte aussi que sous cette pierre seraient enterrés Godefroy de Bouillon et  Baudoin II, rois croisés de Jérusalem. Mais, en vérité, c’est sans intérêt. Le Christ fait homme est mort, nous lui demandons miséricorde sans chercher à comprendre comment il est devenu le Fils de l’Homme. Qui peut comprendre en dehors des Pères de l’Eglise ? et Encore ?  C’est un mystère qui mérite que les Chrétiens touchent cette pierre, comme ils prennent dans leur main un chapelet, attrapent leur croix ou font tourner leur dizainier autour du doigt.

Ce besoin de contact des chrétiens fait penser à une phrase du poète, et président du Sénégal devenu indépendant, Léopold Sédar Senghor : « au contraire de l’européen classique, le négro-africain ne se distingue pas de l’objet, il ne tient pas à distance, il ne le regarde pas, il ne l’analyse pas. Il le touche, il le palpe, il le sent ».

Mettez chrétien à la place de négro-africain et laïc ou athée au lieu d’Européen classique, le tour est joué au bénéfice du Chrétien car pour être Vivant, il faut être au plus proche de l’eau, des racines et des traditions pour pouvoir s’initier à la vérité. Il n’y a nulle vérité dans la science et dans la logique, juste des combinaisons de chiffres et de calculs imparables qui nous éloignent de la nature, de l’être et de l’eau. Au contraire, il nous faut toucher, il nous faut palper, il nous faut sentir.  Soyons humain. 

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Le troisième mystère redoutable qui attend le visteur au Saint-Sépulcre est celui de la Résurrection. Curieusement, le lieu le plus sacré de la basilique est le plus fragile d’entre tous en ce lieu. Le tombeau du Christ est protégé par un édicule qui menace à tout moment de s’effondrer au point qu’ en l’absence d’arrêté de péril, il a été nécessaire d’engager des travaux provisoires de maçonnerie pour sauver l’édifice. Ce provisoire dure ce qui n’empêche pas un célébrant grec orthodoxe de veiller à ce que la foule qui s’agglutine à l’entrée de la chapelle grecque, ait un peu de dignité pour celui qui résidait en ces lieux, car même si le mort a quitté brutalement les lieux sans prévenir, il s’agit tout de même du Christ ressuscité. L’attente peut être longue pour accéder au sanctuaire car seules trois personnes peuvent s’agenouiller en même temps devant le tombeau du Christ. Un moine grec, chronomètre à l’estomac, fait défiler tout ce petit monde avec vigueur et parfois hurlements tant le recueillement n’est plus dans la tradition de l’Occident. Il y a longtemps que Baudelaire n’est plus lu et que le chewing gum et les canettes s’invitent au festin des noces de l’Agneau.

Peu importe en vérité. La seule question qui présente de l’intérêt à l’issue de cette visite est celle-ci : Et le mystère de la Résurrection, dans tout celà, vous en pensez quoi ? Et bien, pour ce qui me concerne, en tant qu’auteur, je pourrais m’en remettre à Chateaubriand ou à Pascal. Après tout ce ne sont pas des imbéciles, ils ont écrit pas mal de choses intéressantes sur le Génie du Christianisme par exemple ou à travers le recueil de Pensées loin d’être farfelues. Mais je préfère revenir aux sources, retrouver les racines, tenter de palper l’impalpable, saisir l’insaisissable, toucher l’intouchable et voir ce qui est invisible, et je m’en remets donc à Saint Paul qui dit quelque chose comme : pour nous Chrétiens qui avons la foi, nous croyons en Christ et en la Résurrection. et si nous ne croyons pas en la Résurrection, alors nous ne croyons pas en la parole du Christ et nous ne sommes pas Chrétien. CQFD.

C’est pourquoi, pour nous qui sommes Chrétiens, il n’y a pas de redoutable mystère de la Résurrection : nous avons la foi, l’espérance et l’amour, ce qui est déjà beaucoup. Et fort peu, car nous ne sommes que des hommes voués au péché. Un peu d’humilité tout de même.

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Et ensuite, le tombeau du Christ visité , que faire au Saint-Sépulcre ? Et bien, on peut regarder un célébrant grec orthodoxe passer sa chasuble pour dire la messe au choeur grec.

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Ou bien s’en retourner à la crypte de Sainte Hélène, pour dans la pénombre crépusculaire, compter le nombre des lampes allumées.

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Ou bien observer des pélerins qui viennent d’arriver en nombre et prient agglutinés dans une minuscule chapelle, un missel en main.

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Et enfin, se demander qui est cet homme debout représenté sur cette fresque ?

Je n’en sais plus rien. Au milieu de tout cet encens qui s’élève et qui enivre, j’ai tout oublié de l’araméen et de l’hébreu, du grec et du latin, de l’arménien et de l’amharique, et de tous ces alphabets qui nous encombrent l’esprit. Il est l’heure de s’en retourner maintenant, le gardien musulman accélère le pas, approche, demande de partir. Heureusement qu’il y a un gardien musulman. Nos six compères seraient bien capables de m’enfermer pour la nuit dans ces lieux redoutables, à creuser pour retrouver le crâne d’Adam laissé au pied du Golgotha par les descendants de Noé, allez savoir pourquoi ! Ce ne serait pas une mince affaire, et il ne manquerait plus que je le retrouve.

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