Trois cents bougies de grande joie

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Quel est le rapport entre Léonidas le chocolatier, Noé qui embarqua sur ordre divin tout son petit monde marchant, volant, nageant ou rampant, le satrape de Babylone qui fonda la ville d’Antioche, l’acteur David Niven  et The Dude qui joue aux quilles ? Et bien, tout simplement, ils sont tous appelés aujourd’hui à fêter en grande joie la trois-centième chronique de l’auteur virtuel, pas moins de trois cents bougies virtuelles, imaginez le souffle qu’il faut (tableau introductif : la tour de Babel, de Pieter Brueghel, 1563)

Abbatiale de Saint Savin sur Gertempe, Fresque, Arche de Noe

L’arche de Noé, fresque de Saint-Savin : l’arche ressemble à un drakkar avec les trois compartiments évoqués par la Bible, pour les mammifères, les oiseaux et les humains.

Tout le monde n’a pas la chance de souffler trois cents bougies, il faut appartenir aux héros du temps jadis, ces hommes fameux,  la descendance d’Adam qui vécut neuf cent trente ans ou ses successeurs immédiats tels Seth, Enosh, Qénan,Mahalaléel, Yéred, Henok, Mathusalem qui atteint l’âge de neuf cent soixante-neuf ans, et encore Lamek et Noé. C’est alors que Yahvé dit : que mon esprit ne soit indéfiniment humilié dans l’homme, puisqu’il est chair ; sa vie ne sera que de cent vingt ans. » A cela, la Genèse apporte une explication  intéressante : lorsque les hommes commencèrent d’être nombreux  sur la face de la terre et que des filles leur furent nées, les fils de Dieu trouvèrent que les filles des hommes leur convenaient et ils prirent pour femmes toutes celles qui leur plut. (Genèse 6:1-2). Et c’est là que les ennuis commencèrent sérieusement.  Yahvé vit la méchanceté de l’homme, la terre pervertie; et il amena le déluge. De là à conclure que ce furent les femmes qui amenèrent le désordre, les avis sont partagés, mais ce qui est sûr c’est que Dieu ne vit la méchanceté que lorsque ses fils trouvèrent en grand nombre des filles.

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L’Hiver, de Nicolas Poussin, 1664, musée du Louvre (à l’arrière-plan à gauche, l’Arche de Noé)

Heureusement, Noé trouva grâce aux yeux de Yahvé. C’était un homme juste, intègre parmi ses contemporains et il marchait avec Dieu, ce qui tombe assez bien puisqu’il eut surtout à naviguer. Dieu lui ordonna de construire une arche, la pluie tomba sur la terre pendant quarante jours et quarante nuits ; et auprès de Noé entra dans l’arche une paire de tout ce qui est chair, ayant souffle de vie, et ceux qui entrèrent étaient une mâle et une femelle de tout ce qui est chair comme Dieu le lui avait commandé. « Et Yahvé ferma la porte sur Noé » est-il précisé, ce qui laisse penser que Noé a construit un ferry-boat, peut être même un hydroglisseur. La crue des eaux sur la terre dura cent cinquante jours jusqu’à ce que les écluses du ciel furent fermées. Les eaux baissèrent au bout des cent cinquante jours et l’arche s’arrêta sur les monts d’Ararat qu’il est conseillé d’aller voir d’Arménie maintenant  que le Grand Turc se prend à nouveau pour un sultan au petit pied aimant châtier et estropier tout ce qui n’est pas ottoman.

Domaine peinture Type d'objet tableau Auteur / Exécutant BRUEGHEL Jan I Précision auteur Bruxelles, 1568 ; Anvers, 1625 Ecole Flandres Titre L'Entrée dans l'Arche Période 1er quart 17e siècle Millésime 1600 Matériaux / Techniques peinture à l'huile, bois Dimensions H. 73 ; L. 104 Sujet représenté scène biblique (Noé, Arche de Noé, chargement, oiseau, hibou, perroquet, chat ; canard, chauve-souris, chèvre, héron, cygne, singe, chien, grue oiseau, flamant, lionne, lion, tortue, cochon d'Inde, écureuil, porc-épic, âne, vache, coq, poule, lapin, souris, dindon, dinde, cheval, antilope, cochon, paon, léopard, cerf, loup, buffle, autruche, renard, cochon, éléphant, taureau, chouette, fouine, panthère, grenouille, spatule oiseau, plante, forêt, personnage, coiffe, panier, gourde, vêtement, mare, nénuphar, château, arbre, feuillu) Statut juridique propriété de la commune ; don ; Pau ; musée des beaux-arts N° inventaire 39.1.1 Ancienne appartenance BONNAFFE de LANCE Mme Lieu de conservation Pau ; musée des beaux-arts

Entrée des animaux dans l’arche, Jan Brueghel l’Ancien dit Brueghel de Velours, 1613, J.P.Getty Museum, Los Angeles

Sans Noé et la colombe que Noé lâcha pour voir si les eaux avaient diminué à la surface du sol, à en croire le récit biblique, et pourquoi ne pas le croire puisque nous n’avons pas d’enregistrements sonores ou de vidéos des premiers temps de l’homme en dehors de ce récit, Sans Noé donc, son arche et le mont Ararat, nos ne serions pas là à deviser et l’auteur virtuel ne soufflerait pas trois cents bougies correspondant à la trois-centième chronique, trois cent qui est, après tout, un nombre qui sans être heureux est de grande joie, paraît-il.

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Le Déluge, William Turner, 1805, Tate Gallery, Londres

Savoir qu’il existe des nombres heureux est d’ailleurs apaisant pour l’homme, c’est réconfortant en ces temps difficiles, d’autant que 300 n’est pas un nombre facile, même s’il est de grande joie. Il ne se passe pas grand chose avec 300, ce n’est pas comme 3, 7, 12, 36, 40, 64, 100, 666 et tant d’autres nombres chargés de symboles ; ou d’histoire comme 52, 496, 732, 800, 1492, 1515, 1789, 1804, 1815, 1914, 1916, 1933, 1939, 1945 ou ecore 1989.

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300, Naissance d’un Empire, péplum américain réalisé par  Noam Murro

En 300, l’évêque Théonas d’Alexandrie meurt et c’est à peu près tout. On sait peu de choses des « people », des « stars » et des sportifs de l’époque, ils n’ont laissé guère de souvenirs. Constantin va bientôt transformer l’empire romain, mais ce n’est pas encore son heure, pas plus qu’en Ethiopie ou en Arménie dont la conversion au christianisme approche aussi.  Heureusement, il se passe un peu plus de choses en 300 avant Jésus-Christ. Le 9 mars qui correspond au 1er avril du calendrier romain, un nouveau consulat commence à Rome , celui de Corvus et Pansa. Avec la loi Ogulnia, les charges magistrales des pontifes et des augures deviennent accessibles à la plèbe, la démocratie est en marche.

Vestale flagellée par le grand pontife, d’où provient le titre de Pontifex Maximus, souverain pontife, appliqué aux papes depuis le Pape Léon Ier (440-461) après que l’empereur romain Gratien eût abandonné le titre en 376 ou 382, pour lutter contre les religions païennes.

Séleucos 1er  Nicator , général d’Alexandre Ier et satrape de Babylonie, de son côté crée dans l’empire Séleucide une soixantaine de villes nouvelles dont la tétrapole Antioche – Laodicée – Apamée – Séleucie de Pierie en Syrie. Antioche construit sur l’emplacement de la ville d’Antigonia devient la capitale de la Syrie. Il semble bien qu’Antigone ait donné pas mal de fil à retordre à Séleucos Ier avant que ce dernier ne prenne le dessus et fonde le royaume de Syrie puis la dynastie des Séleucides dont l’empire couvre les anciens territoires orientaux conquis par Alexandre 1er, de la Syrie à l’Indus, et dont on retrouve les contours dans les objectifs géopolitiques actuels des dirigeants iraniens, comme quoi rien ne change véritablement en histoire, les empires passent, les constantes géographiques demeurent.

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Partage de l’empire d’Alexandre en -301 ap. J.-C., après la bataille d’Ipsos : Séleucos fonde l’empire Séleucide qui s’étend de Syrie à l’Indus. Il crée la ville d’Antioche en -300.

C’est aussi en 300 v. J.-C. que le roi Archidamos IV commence son règne à Sparte. Sparte justement nous permet d retrouver le nombre 300 aux Thermopyles, comme les 300 hoplites spartiates de Léonidas venus en renfort pour arrêter les Perses de Xerxès dans le défilé. De cette bataille en 480 av. J.-C.,   parmi les plus fameuses concernant les Spartiates avec la bataille des Champions, il nous reste le souvenir du sacrifice de Léonidas et de ses 300 hoplites pour retarder l’avancée des 200.000 hommes de la formidable armée perse de Xerxès, sacrifice annoncé par l’oracle de Delphes dans la célèbre réponse apportée par Apollon :

Pour vous, citoyens de la vaste Sparte,
Votre grande cité glorieuse ou bien sous les coups des Perséides
Tombe, ou bien elle demeure ; mais sur la race d’Héraclès,
Sur un roi défunt alors pleurera la terre de Lacédémon
Son ennemi, la force des taureaux ne l’arrêtera pas ni celle des lions,
Quand il viendra : sa force est celle de Zeus.
Non, je te le dis,
II ne s’arrêtera pas avant d’avoir reçu sa proie, ou l’une ou l’autre. 

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Léonidas aux Thermopyles, œuvre de Jacques-Louis David, 1814, musée du Louvre

Sparte ne fut pas détruit, mais le roi Léonidas mourut aux Thermopyles comme l’avait prédit l’oracle. Et le cinéma nous en dresse un tombeau moderne virtuel avec un péplum:  300, naissance d’un Empire ; ce qui nous permet d’en garder un souvenir ému à chaque fois que nous le regardons à nouveau en même temps que nous laissons fondre  dans la bouche un chocolat de la marque belge éponyme. Evitons cependant d’en croquer 300 d’un coup, cela ferait beaucoup même si nous aimons le chocolat et qu’il est conseillé d’en manger sans fin, c’est excellent pour la santé, il n’es plus un jour qui ne se passe sans qu’une revue ou une émission en vante les bienfaits, plus pour la femme que pour l’homme : le chocolat est l’arme absolue pour que celui-ci regarder un match de foot ou de rugby en toute tranquillité.

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Sinon, s’agissant de 300, nous en revenons aux nombres. Donc, c’est un nombre triangulaire, somme de deux nombres premiers jumeaux (149 et 151) qui est aussi la somme de  dix nombre premiers consécutifs ( 13+17+19+23+29+31+37+41+43+47), ce qui n’est pas rien tout de même reconnaissez-le, même si cela semble à premier vue sans rapport avec les 300 chroniques de l’auteur virtuel.  Mais avoir écrit 13+17+19+23+29+31+37+41+43+47 chroniques, c’est pas mal non plus, une précision un peu précieuse, mai qui permet de répartir logiquement les bougies virtuelles sur 10 gâteaux au chocolat.

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300 n’est certes pas comme 301, un nombre heureux. Mais il est de grande joie. Car c’est un nombre Harshad, ce qui est une bonne nouvelle pour tous quand on sait ce que c’est Harshad en mathématiques récréatives : le nombre Harshad, ou nombre de Niven, ou nombre multinumérique est un entier numérique qui est divisible par la somme de ses chiffres dans une base donnée. Le nom de Harshad leur a été donné par le mathématicien Dattatreya Ramachandra Kaprekar et signifie en sanskrit grande joie. Le terme Niven est un hommage au mathématicien Ivan Niven qui a publié un article et présenté une conférence en théorie des nombres sur leur sujet en 1977. En base b, tous les nombres compris strictement entre zéro et b sont des nombres Harshad (car divisibles par eux-mêmes) et toutes les puissances de b aussi.

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Voilà qui est très clair. Et hélas, le nombre de Niven n’a rien à voir avec l’acteur David Niven, ce qui est fort dommage et nous aurait mis en plus grande joie encore. Peu importe, car 300 est véritablement Harshad quand on se rappelle qu’au bowling, 300 est le nombre parfait, correspondant aux trois cents points réalisés en douze strike consécutifs : le strike revient à faire tomber les dix quilles avec la première boule, la marque du lancer étant égale aux dix boules abattues plus celles tombées lors des deux lancers suivants, soit au maximum, 10+10+10 ; renouvelés dix fois, le dernier lancer étant suivi de deux lancers complémentaires, le nombre maximum de lancers pour atteindre le total de 300 dans le jeu est donc de douze (10+2 lancers).

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Pour conclure cette trois-centième chronique, saluons nos amis canadiens qui ne jouent pas au bowling mais au jeu de quilles ou aux quilles tout simplement ; ils délaissent aussi les strikes pour les abats, ainsi que les spare pour la réserve, tous termes qui mériteraient d’être défendus dans la langue française aussi vivement que Léonidas et ses 300 hoplites le firent au défilé des Thermopyles face aux Perses.

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Cela nous rappelle qu’il est l’heure de vous laisser et d’aller retrouver The Dude. Lui aussi nous met en grande joie, il  nous fait souvenir que de Strike again en Harshad, même les nombres peuvent rendre heureux, les chroniques aussi ; surtout s’il s’agit de souffler des bougies virtuelles avec un champion des anniversaires, qui est aussi un chevalier anglais pas commode n’aimant rien tant que le chocolat ou les fraisiers.

Mais que cela ne nous empêche pas d’aller rechercher sur le mont Ararat les traces de l’arche de Noé avant le prochain déluge qui nous est promis avec le changement climatique. Ensuite, il nous restera le Graal à retrouver, de quoi nous occuper jusqu’à cent vingt ans : Au-delà de cette limite, notre ticket n’est plus valable, d’après la Genèse. Cela laisse un peu de temps pour écrire quelques chroniques, si Dieu veut.

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300 chroniques enchanteresses, d’accord : et après ?