Maintenant que nous commençons à connaître un peu les Maharadjahs, leur histoire, leurs autos et leurs pierres précieuses, voici venu le moment de les présenter armés de pied en cap, à cheval ou immobiles sur leur trône, dans toute leur magnificence. Leur effacement de l’histoire indienne est récent à l’échelle de leurs dynasties, moins de cinquante ans, alors que pour la plupart ils avaient survécu à l’empire moghol et à l’empire britannique des Indes. Le processus de création des états séparés du Pakistan et de l’Inde aboutira à leur éviction du pouvoir et des honneurs, à l’image du Nizam d’Hyderabad, Osman Ali Khan, Asaf Jah VII, qui fit la couverture du Time Weekly newsmagazine. Il gouverna de 1911 jusqu’à l’indépendance de l’Inde en 1948, étant à cette date considéré comme l’homme le plus riche du monde avec des actifs estimés à deux milliards de dollars.
Voici maintenant le Maharadjah Srikantadatta Narasimharaja Wadivar debout sur son trône en or, dernier descendant direct d’une dynastie qui régna sur une province du Sud de l’Inde de 1399 jusqu’en 1947. Bien qu’ayant perdu ses pouvoirs officiels, le descendant sans héritier du dernier maharadjah de Mysore, continua de recevoir ses anciens sujets et de défiler lors des fêtes religieuses, jusqu’à sa mort en 2013. Au passage, en 1399, c’est Charles VI le fou, un Valois, qui régnait alors en France, en plein milieu de la Guerre de cent ans, ce qui ne nous rajeunit pas.
La succesion n’attend pas comme le montre cette protographie du Raja Lala Deen Dayal en 1880, entouré de sa maison royale.
Notre maharadjah suivant est une contrefaçon issue d’un défilé de mode présentant une collection haute couture de Sherwanis dont le succès durable témoigne que l’Inde conserve une certaine nostalgie des empires moghols et britanniques; les Sherwanis sont en effet des tenues croisant à la fois la redingote anglaise (The frock coat) et le shalwar kammeez, un vêtement d’origine caucasienne dont la mode se développa en Inde du nord en même temps que les invasions d’Asie centrale.
Pour revenir à nos maharadjahs, voici le Raj Rishi Shri Sawai, maharadjah Sir Jai Singh Virendra Shiromani Dev Bharat Dharam Prabhakar of Alwar (1882-1937), dont l’exactitude des titres ne peut être garantie. Son turban rappelle quelque peu les chapeaux de la Renaissance au temps d’Henri II. Les serviteurs portent des sortes de massue dont on imagine facilement qu’il vaut mieux éviter de les prendre sur la tronche.
Et pour terminer, voici des portraits de maharadjahs qui mettent en évidence un certain nombre de points communs : solitaire accroché au turban, lours colliers de diamants, pougnards et sabres incrustés de pierres précieuses, port de la barbe en général bien que ce ne soit pas systématique, et quelques décorations, y compris celles remises par la vice-royauté des Indes britanniques. Les carats sont le signe de la puisance et de l’opulence, bien qu’il exista par ailleurs une codification stricte de la puissance des différents états princiers en fonction du nombre de tirs de canons autorisés lors des fêtes et réjouissances. Suivant l’importance du royaume, le nombre de tirs variait de trois à vingt-et-un, seuls quatre états princiers atteignant l’échelle maximale de ces vingt-et-un tirs. La couronne britannique de son côté avait le droit de tirer jusqu’à cent un coups de canon, et même beaucoup plus lors de la révolte des cipayes que nous évoquerons une fois prochaine.
Et pour terminer cette galerie, un maharadjah et une maharani occidentaux, la reine Marie de Teck, femme du roi Georges V, le jour du couronnement le 22 juin 1911, à l’apogée de l’empire britannique.
Allez savoir pourquoi, les allumettes de sûreté, dites suédoises en raison de l’origine de son inventeur Gustav Erilk Pasch, ont choisi le dessin d’un maharadjah pour illuminer les paquets vendus dans le monde entier, preuve s’il en était que dans l’imaginaire populaire, les maharajahs ont toujours été perçus comme flamboyants. Sans eux, les notions de magnificence et de faste ne seraient pas les mêmes, même s’il ne faut surtout pas oublier que ce fut au prix de formidables injustices et d’une immense détresse pour le plus grand nombre des habitants placés sous leur autorité. Nous n’avons pas à avoir de regrets ou de nostalgie, il n’y a rien de mieux que la démocratie.