Le retour des Enragés

Dans une chronique passée inaperçue, qui avait été publiée le 25 novembre 2016 et intitulée « La Guerre civile française aura bien lieu« , L’auteur virtuel annonçait le prochain déclenchement d’une guerre civile en France.  Mais il se trompait sur un point en faisant preuve d’optimisme : ces horreurs étaient envisagées d’ici une décennie !  Voici ce qu’il avait alors écrit.

Quand on réfléchit un peu à l’avenir proche de la France, la question n’est plus de savoir quand les esprits échauffés s’embraseront mais quand la guerre civile aura lieu. Car cette guerre aura bien lieu. Ce n’est plus qu’une question de temps d’ici une ou deux décennies au plus, si des principes de justice et d’équité ne viennent pas mettre fin aux désordres établis par une élite de plus en plus mesquine et méprisante. Nous allons aussi sûrement vers la catastrophe que la république de Weimar en son temps. 

Jouer les Cassandre n’est pas agréable. Mais il faut bien faire preuve de lucidité. Tous les ingrédients d’une guerre civile surgissent l’un après l’autre pour que la France renoue avec ses vieux démons, les déchirements internes, les confrontations sociales ou religieuses, la répression silencieuse de toute opinion divergente en dehors des courants de pensée traditionnels, sans oublier l’arrogance de la classe dominante qui fait preuve d’un aveuglement délirant, arrogance qui pourrait bien devenir la cause immédiate de la déflagration comme fréquemment par le passé. Trop souvent les incertitudes et angoisses qui bouillonnent dans la marmite du désespoir, sont retenues sous le couvercle jusque l’explosion irrémédiable qui sidère mais s’accompagne ultérieurement, de commentaires et polémiques faciles sur l’évidence du désastre inéluctable.

Notre patience est à bout | 9782364810105 | Histoire, politique et société

Nous voici donc à l’heure du désastre annoncé. Depuis le 17 novembre 2018, des foules qui réclament du pain, des jeux et du sang, ont pris le pays en otage, bloquant les routes aux ronds-points comme autrefois les bandits de grand chemin aux carrefours des forêts. Ils sèment la terreur dans les villes, dévastent les grands boulevards, affrontent chaque semaine les forces de l’ordre et pillent les commerces avec la satisfaction du devoir accompli qu’ils manifestent jusqu’aux plateaux de télévision, radios ou réseaux sociaux. Quand on les écoute, les autres ont toujours tort et eux forcément raison, puisque de toute façon, le recours à la violence paye, le pouvoir finissant par céder à leurs revendications pourtant bien plus légères que légitimes. Leur arrogance est telle qu’ils peuvent désormais s’en prendre aux personnes, ciblant des journalistes, des représentants de la Nation ou simplement des détracteurs qui auraient l’audace de ne pas les soutenir dans leur combat populaire. Ces « gilets jaunes » se prétendent le peuple. Ils ne sont  pourtant que la populace se défoulant, une version remise au goût du jour des « Enragés » de la Révolution.

On doit à Jacques Roux, le « curé rouge » de la paroisse de Gravilliers située dans le Paris populaire, le « Manifeste des enragés » issu de son discours au club des Cordeliers le 22 juin 1793, au cours duquel il affirme : « la liberté est un vain fantôme, quand une classe d’hommes peut affamer l’autre impunément. L’égalité n’est qu’un fantôme, quand le riche, par le monopole, exerce le droit de vie et de mort de son semblable. La république n’est qu’un vain fantôme, quand la contre-révolution s’opère de jour en jour par le prix des denrées auquel les trois quarts des citoyens ne peuvent atteindre sans verser des larmes.« . Ce manifeste ouvre la voie à Gracchus Babeuf, au marxisme et… au totalitarisme. L’un des leurs, Jean-François Varlet, tirera cependant avec lucidité  les leçons de ces aventures révolutionnaires après la chute de Robespierre, le 9 Thermidor de l’an II : Quelle monstruosité sociale, quel chef-d’œuvre de machiavélisme que ce gouvernement révolutionnaire ! Pour tout être qui raisonne, gouvernement et révolution sont incompatibles, à moins que le peuple ne veuille constituer ses fondés de pouvoir en permanence d’insurrection contre lui-même, ce qu’il est absurde de croire. 

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Tout comme les Enragés de la Révolution française, les Gilets jaunes considèrent la liberté comme un vain fantôme, ils dénoncent les représentants élus du peuple, exigeant d’appliquer les principes d’une démocratie directe qui leur serait inféodée. Et de même que les révolutionnaires réclamaient et obtenaient une loi dite du « maximum des prix », il suffit désormais d’exiger plus de pouvoir d’achat, de supprimer les taxes et faire payer les riches, pour que tout aille mieux.  L’ennui c’est qu’il n’y a plus beaucoup de riches en France, le plus grand nombre est parti depuis longtemps au-delà des frontières. Quant aux impôts et taxes ils servent à financer retraites, hôpitaux, chômage et multiples dépenses sociales jusqu’à 35% du PIB au total, toutes sommes ristournées au peuple et qui constituent un record mondial, toutes catégories. Et qu’il ne soit pas question d’amputer de 5 euros quoique ce soit, sans que ne se lèvent à nouveau colère, révolte, et violence. La France est  le Teddy Riner des prélèvements obligatoires et entend le rester.

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Le mouvement des gilets jaunes a pour mérite cependant de nous rappeler l’existence des régions naturelles de la France qui en comporte plus de cinq cents, dont chacune est « un territoire d’étendue souvent limitée (quelques dizaines de kilomètres) ayant des caractères physiques homogènes (géomorphologie, géologie, climat, sols, ressources en eau) associés à une occupation humaine également homogène (perception et gestion de terroirs spécifiques développant des paysages et une identité culturelle propres). Ces régions naturelles sont ignorées des découpages administratifs, ce qui est grand tort et explique que nombre de Français ne se retrouvent pas dans l’administration bureaucratique de la France au point de manifester une certaine impatience pour le retour à l’échafaud.

Face à ces nouveaux enragés que sont les « gilets jaunes », c’est la débandade sous prétexte que leur patience est à bout. Il n’y a personne pour leur expliquer qu’il n’y a pas d’argent dans les caisses de l’Etat et que depuis quarante ans le pays vit à crédit. Les Français, gilets jaunes en tête, ont préféré partir à la retraite à soixante ans à financement constant ou presque depuis 1982,, travailler trente-cinq heures payées trente-neuf, mettre en place le système d’assurance-chômage le plus généreux au monde, adoptant le mode de vie des cigales plutôt que celui des fourmis, comptant plus sur le loto que sur le travail pour s’enrichir. Et maintenant qu’aux vents mauvais de la mondialisation économique, succèdent les perspectives funestes du réchauffement climatique et qu’il conviendrait d’investir et se mobiliser pour faire face à ces nouveaux risques, les forces d’autodestruction et les voix du renoncement s’élèvent pour adopter collectivement une politique nationale de l’autruche : ne rien faire, ne rien voir, attendre et mourir. Car, c’est bien connu, si tout va mal c’est toujours la faute de l’autre.

Il ne fait pas de doute que les Gilets jaunes qui appellent au coup d’Etat, sont, à leur façon, les héritiers directs des Enragés de la Révolution, qui affirmaient : Nous entrerons dans l’Assemblée avec les Droits de l’homme voilés de noirIls chantent la Marseillaise comme les révolutionnaires russes de 1905, battent le pavé parisien comme les insurrectionnels de 1848 ou de la Commune de 1871, et manifestent leur haine du gouvernement représentatif associé au règne des notables dès lors que les principes démocratiques sont le plus souvent bafoués comme le constate Bernard Manin : Le rôle des édiles, n’est pas de transmettre une volonté politique formée en dehors de leur groupe d’intérêts particuliers, il est de convaincre que leurs électeurs ont raison d’avoir confiance en lui, afin qu’ils puissent agir à leur guise ». 

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Pour avoir pris plus que de raison les électeurs pour des imbéciles, nos élites arrogantes ont mené le pays au bord du gouffre économique, sociale et moral, réussissant l’exploit de transformer des ronds-points en impasse et des avenues luxueuses vouées à la promenade en boulevards de la désolation. Et alors que s’accumulent dans les villages, terroirs et territoires, des cahiers de doléances exigeant plus d’argent et d’équité fiscale, voici que nous sommes promis à un grand débat pour tous, une consultation citoyenne sur l’internet d’où il ressortira que les Français veulent, chacun pour soi d’abord, plus d’argent et d’équité fiscale, c’est à dire, pour être clair : touchez pas au grisbi ! Demandez au voisin …

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Grisbi : nom familier pour désigner l’argent, la monnaie.