Le génocide arménien et le négationnisme turc

Le 24 avril, dans le cadre d’une cérémonie oecuménique regroupant trente-huit églises chrétiennes catholique, orthodoxes et protestantes autour du patriarche arménien Kérékine II,  l’Arménie, les Arméniens et tous ceux qui veulent se souvenir pour qu’aucun génocide ne recommence où que ce soit, commémorent le centenaire du génocide de 1915, la principale des trois grandes vagues d’extermination qui frappa les différentes populations chrétiennes de Turquie entre 1895 et le début des années 1920.

This project was designed to commemorate the upcoming April 2015 centennial of the Armenian Genocide.

Le nombre précis des morts arméniens, assyriens, chaldéens ou syriaques, tous emportés dans l’horreur planifiée par les Turcs, est difficile à établir : il serait de l’ordre de 1.500.000. Mais le nombre des victimes réelle est bien plus vaste si l’on tient compte des déportés, orphelins et convertis de force. Il est relativement simple à établir, de l’ordre de 2.500.000. C’est en effet la population chrétienne estimée qui résidait en 1895  entre la mer méditérranée, la mer Noire et les montagnes du Caucase, au pied du mont Ararat qui selon la tradition abriterait l’arche de Noé. Soit alors 30% de la population de l’actuelle Turquie où ne résident pas plus de 1% de chrétiens aujourd’hui.

April 24 is Armenian Genocide Day! Please remember and say a prayer for all the people who suffered and were torchured and died.

Les premières conversions au christianisme remontent aux premiers voyages de l’apôtre Paul en Asie mineure ; ce mouvement fut renforcé à partir du début du quatrième siècle par la conversion quasiment simultanée de l’Empire romain de Constantin et du petit royaume d’Arménie à l’époque de saint Grégoire l’Illuminateur.  En 1925, ils n’étaient plus que quelques dizaines de milliers, tous les autres ayant été massacrés, déportés à pied dans le désert de Syrie vers Alep ou pour les femmes en âge de procréer, converties à l’Islam, vendues à des harems ou mariées de force à des Musulmans. Les biens furent dispersés et les propriétés tranférées aux populations turques qui vinrent s’installer dans les villes et villages précédemment occupés par les Arméniens, Assyriens ou autres populations chrétiennes, sans oublier les Grecs !  Sur le génocide arménien, voir : https://cervieres.wordpress.com/wp-admin/post.php?post=1392&action=edit ; Early pamphlet on Armenian Genocide.

Les faits sont connus, les témoignages innombrables, y compris de sources diplomatiques de pays alors alliés de la Turquie comme l’Allemagne pendant la Première guerre mondiale ; et des procès se sont tenus, y compris en Turquie, pour juger plusieurs hauts dirigeants Jeunes-Turcs responsables des massacres, qui les premiers initièrent cette politique de terreur destinée à éradiquer les Arméniens de la Turquie orientale dans le but nationaliste de créer un Etat « pan-turc » s’étendant à la Turquie, l’Azerbaïdjan et le Turkménistan actuels. Car ce génocide ne présente pas un caractère principalement religieux. Son inspiration est d’origine ultra-nationaliste pour reporter vers l’Est des ambitions territoriales destinées à oublier les revers successifs subis en Europe orientale.

The Armenian Genocide- not just the Jews...

Pourtant, l’actuel gouvernement turc continue de nier l’évidence de ces faits atroces. C’est un peu comme si l’Allemagne, soixante-dix ans après, considérait que les chambres à gaz n’avaient jamais existé et que l’extermination des Juifs et des Tziganes relevait d’actes intervenus dans le cadre d’une guerre civile pour les Juifs allemands ou à la suite d’actes de résistance pour les Juifs non allemands. Car c’est exactement ce que prétend le Gouvernement turc : tous ces morts ne seraient que la conséquence d’une guerre civile déclenchée pendant la Première guerre mondiale par des Arméniens ayant pris fait et cause pour la Russie alors en guerre avec la Turquie. Or, à aucun moment, les Arméniens occidentaux ne se sont soulevés, ayant même été enrôlés dans un premier temps par les Turcs dans l’armée ottomane, tandis que de l’autre côté les Russes mobilisaient les Arméniens orientaux.

Oct 1915 article in National Geographic - This would be at the beginning of the the Armenian Genocide, which was committed by the Turks. Even now almost 100 years later, (2014) the Turkish government refuses to admit that this genocide even took place, let alone that they encouraged it and participated in it. Some 2 million Armenians were massacred between 1915 and 1919, and these massacres may have continued until as late as 1923.

Alors, pourquoi un tel acharnement à nier l’évidence ? On peut citer trois raisons. D’abord l’ultranationalisme virulent habite toujours les dirigeants turcs comme en témoigne leur comportement avec la minorité kurde dont les droits à l’égalité sont bafoués au sein même de la Turquie ; ensuite, le gouvernement turc redoute que « la quête des origines » vienne bouleverser l’unité de façade d’un pays dont le gouvernement manifeste un autoritarisme de plus en plus affiché : de nombreux Turcs sont aujourd’hui en effet les descendants directs de ces femmes converties et mariées de force, ce qui n’est pas sans poser des questions de morale ou de religion dans une société de moins en moins laïque et tolérante. Enfin, il est plus facile de maintenir fermée la frontière avec l’Arménie et d’empêcher ainsi les descendants d’Arméniens qui ont survécu au massacre et rejoint l’Arménie alors orientale, de venir se recueillir sur les lieux des massacres de leurs ascendants en Arménie occidentale désormais entièrement peuplée de Turcs qui se sont allègrement appropriés voilà un siècle les biens des Arméniens massacrés ou déportés.

Armenian Genocide

Pourtant, la Turquie est dèja confrontée à cette question. Nombreux sont les Arméniens de la diaspora habitant au Liban, aux Etats-Unis, en Australie ou en France qui se rendent en Turquie à la recherche des traces d’un passé enfoui, et qui rencontrent une population turque plus ouverte que leur gouvernement sur cette question. Les cent mille personnes qui s’étaient recueillies après l’assassinat d’un journaliste turc-arménien perpétré par un nationaliste turc le 19 janvier 2007, avaient déjà apporté un témoignage manifeste que la société turque est loin d’être monolithique s’agissant du négationnisme de ce génocide et que le déni des autorités turques relèveraient d’une posture politique dont une partie de la population n’est pas dupe.

My Armenia C’est pourquoi, le négationnisme du gouvernement turc sur cette question est un peu anachronique, voire ridicule lorsqu’il en vient à geler les relations diplomatiques avec le Vatican sous prétexte que le pape François a utilisé l’expression de « génocide arménien » lors son homélie du 12 avril 2015 consacrée au centenaire des massacres en présence du président arméien.  Ce refus du dialogue est le témoignage tout simplement d’un Etat autoritariste et inamical, qui fonde ses relations internationales sur des rapports de force et de chantage qui rendent impossible son entrée dans l’Union européenne, ce dont on ne se plaindra pas, car l’Europe a déjà assez de soucis pour ne pas ajouter celui d’intégrer un pays clairement engagé dans une dérive autoritariste et dont l’avenir, forcément, ne peut que mener à l’impasse en matière de démocratie et de libertés qui sont les principes fondateurs de l’Europe. Le génocide arménien est reconnu aujourd’hui par une trentaine de pays dont la Russie et la France, même si certains d’entre eux, pour ne pas froisser le Grand Turc ombrageux, évitent de mentionner le pays auteur de cette extermination de masse, ou bien se limitent à évoquer l’empire ottoman disparu. Les représentants du peuple kurde dispersé entre plusieurs Etats, semblent de leur côté, avoir manifesté leurs regrets pour avoir contribué aux massacres en tant que troupes supplétives de l’Empire ottoman à l’époque.

Vintage Armenian Genocide Poster

Pour conclure, en cette année de centenaire du génocide, nous ne pouvons que vous inviter à aller en Arménie et rendre visite aux Arméniens dont la Foi, la culture et leur amitié authentique sont magnifiques, malgré toutes les difficultés que ce jeune Etat, mais cette vieille nation, rencontre dans son développement économique et social. Longue vie à l’Arménie et aux Arméniens ! The interior of monolithic church Abraha Atsbeha is adorned with frescoes dated from the seventeenth century, most in excellent conditions, representing various saints and biblical scene

Expositions, émission et rassemblement : En dehors de l’Arménie même, de nombreuses manifestations se tienent cette année pour se souvenir de ces massacres et témoigner de notre amitié envers le peuple Arménien.

Deux expositions se tiendront en France :

Arménie 2015, centenaire du génocide, du 29 avril au 4 juillet 2015 à l’Hôtel de ville de Paris ;

Le génocide des Arméniens de l’Empire ottoman : stigmatiser, détruire, exclure, jusqu’au 27 septembre 2015,  au mémorial de la Shoah, 17 rue Geoffroy l’Asnier , Paris 75004 Western History  Genealogy Blog The Armenian Genocide And Denver's Charitable Response

Sur France 2, dimanche 26 avril, à partir de 9h30, l’émission Chrétiens orientaux sera consacrée à un hommage et la prière pour les victimes du génocide de 1915.

Enfin, un rassemblement du souvenir est prévu le vendredi 24 avril, à 18 heures à Paris devant la statue du père Komitas à place de Canada à Paris 75008.

De nombreuses autres manifestations sont prévues dans toute la France. On peut en suivre l’organisation et les lieux sur le site, en langue française, de Nouvelles d’Arménie Magazine  :  http://www.armenews.com/ Nouvelles d’Arménie publie un numéro spécial consacré au génocide. Pour tous ceux qui s’intéressent à l’Arménie, il s’agit d’un site utile et indispensable.

German postcard: Orphans of the Armenian GenocideOrphelines rescapées du génocide arménien jouant, prises en charge en Arménie orientale  

Le père Komitas est un prêtre orthodoxe arménien et ethnomusicologue qui oeuvra à la sauvegarde et au renouveau de la musique arménienne ; né en Turquie ottomane, déporté et emprisonné, il tomba malade, puis sombra dans la folie, ; il fut transféré en France où il est mort en 1935. Il est entré au Panthéon à Erevan où, ce 21 avril 2015 vient d’être inauguré un musée-institut dédié à sa vie et son oeuvre.

Komitas

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