La Jérusalem Noire

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Classé au patrimoine mondial de l’Humanité par l’UNESCO depuis 1978, Le complexe des églises monolithitiques de Lalibela en Ethiopie n’aurait probablement jamais existé si Saladin n’avait repris aux Croisés la ville de Jérusalem en 1187, rendant alors particulièrement difficile aux Chrétiens l’accès à la Terre Sainte et au tombeau du Christ, ce qui n’empêche pas aujourd’hui que l’église orthodoxe éthiopienne dispose d’un monastère sur les toits du saint-Sépulcre.

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Pour contourner la difficulté, le roi Lalibela reçut en songe de Dieu l’idée de construire une nouvelle Jérusalem destinée à devenir un lieu de pélerinage pour les Chrétiens d’Ethiopie de sorte que les pêcheurs y trouveront infailliblement leur salut. C’est ainsi que sont nées les onze églises monolithiques de Lalibela qui s’appelait alors Roha et dont le roi Lalibela en fit sa capitale avant que ses successeurs ne lui donnent son nom pour célébrer les vertus de celui que l’église orthodoxe éthiopienne béatifia. Car le roi Lalibela ne fut pas qu’un constructeur avisé, il fut aussi pieux et sage au point de renoncer au pouvoir pour devenir moine après vingt ans de règne, un exemple que de nombreux hommes politiques de par le monde devraient suivre au lieu de s’accrocher aux illusions de la puissance.

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Carte extraite du site personnel de Philippe Meursault qui propose de remarquables reportages sur les sites éthiopiens

L’ambition du roi Lalibela était que la nouvelle Jérusalem rivalise en beauté avec Aksoum, toujours en Ethiopie où la tradition chrétienne éthiopienne affirme que l’Arche d’alliance s’y trouverait, à l’église Sainte-Marie-de-Sion : celle-ci qui contient les tables de la Loi donnée par Dieu à Moïse, aurait été dérobée à Jérusalem par Ménélik, le fils de la reine de Saba et du roi Salomon, qui l’aurait ramenée à Aksoum, l’Ethiopie devenant de ce fait la Nouvelle Sion. On constate à ce sujet que les scénaristes des Aventuriers de l’arche perdue, se sont totalement égarés, le coffre étant sous bonne garde à Aksoum. Car l’histoire religieuse de l’Ethiopie puise ses racines dans la Bible. L’épisode de la reine de Saba visitant Salomon se trouve dans le premier livre des Rois, chapitre 10, versets 1 à 29  :

1 La reine de Saba entendit parler de la réputation de Salomon
pour le nom du SEIGNEUR,
et elle vint le mettre à l’épreuve par des énigmes.
2 Elle arriva à Jérusalem avec une suite très importante,
des chameaux portant des essences odoriférantes,
de l’or en très grande quantité et des pierres précieuses.
Elle vint trouver Salomon
et lui dit tout ce qu’elle avait dans le cœur.
3 Salomon lui expliqua tout ce qu’elle demandait ;
il n’y avait rien de caché que le roi ne pût lui expliquer…

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Quant au Livre des Actes des Apôtres, il évoque la conversion par Philippe d’un Ethiopien eunuque, haut fonctionnaire de Candace, la reine d’Ethiopie, administrateur de tous ses trésors,  venu à Jérusalem pour adorer, et qui poursuivra sa route tout joyeux après avoir demandé le baptême (chapitre 8, versets 27 à 39).

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Saint Philippe baptisant l’eunuque de la reine Candace

Le Yemen revendique l’héritage de la reine de Saba et de Candace. Jusqu’à l’Inde du côté de Goa, a des prétentions sur les deux reines. Si les revendications sont nombreuses, seule l’Ethiopie possède une certaine légitimité tant du côté biblique, avec les Falashas dont les rites judaïques ne sont pas tombés du ciel, que du côté évangélique, même si rien ne prouve que l’eunuque de Candace est revenu au pays qui, de toute façon, ne correspondait pas à l’Ethiopie actuelle mais bien plus à l’Afrique nilotique et nubienne, à un « Soudan élargi jusqu’aux sources du Nil au moins Bleu, l’eau qui fume.

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La conversion du royaume d’Ethiopie remonte donc plus probablement au début du quatrième siècle. Les églises de Lalibela, au delà de la sainteté du roi ermite, témoignent de la profondeur de la foi chrétienne en Ethiopie, de sa permanence dans le temps, pas moins de seize siècles. Ces églises enterrées et creusées dans la roche, sans équivalent dans le monde, ne sont pas simplement des prouesses techniques mais aussi des splendeurs architecturales incomparables qui sont loin d’avoir révélées tous leurs secrets. Longtemps ignorées ou méconnues, elles font désormais l’objet d’étude archéologiques approfondies qui permettront de mieux en cerner les dimensions non seulement matérielles mais aussi spirituelles.

D’un point de vue architectural, le site de Lalibela fait penser à Pétra, la cité nabatéenne au sud de la Jordanie, devenue chrétienne lorsqu’elle tomba sous domination byzantine au IVème siècle  et rattachée dès la première croisade au royaume franc de Jérusalem, avant de tomber dans l’oubli lorsque Saladin pris possession de la région après la bataille de Hattin en 1187.  On comptait alors au moins quatre églises à Petra et deux forteresses.

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L’une des onze églises monolithiques de l’incomparable Cité de la Foi aussi surnommée Saint-Pierre d’Afrique

Loin du monde, Lalibela demeure une petite ville  de 20.000 habitants au tissu économique fragile, dont les ressources sont principalement agricoles et artisanales. Appelée à un fort développement touristique en raison de son authenticité remarquable, l’ancienne ville royale du pays Amhara n’en est pas moins aussi menacée par l’érosion des édifices qui appelle un effort soutenu de protection parfois contesté pour des raisons d’esthétique ou d’efficacité. Avec Aksoum et Gondar, elle est le témoignage de la foi chrétienne millénaire qui habite l’Ethiopie, ce royaume longtemps resté légendaire tant il était difficile d’y accéder et qui a su préserver son indépendance malgré les innombrables tentatives extérieures d’asservissement, la dernière en date, celle de l’Italie fasciste, n’ayant duré que quelques printemps.

De nombreux articles fort bien documentés existent sur la Jérusalem Noire qui mérite cette appellation dans la mesure où la construction des églises a été entreprise pour offrir aux croyants éthiopiens un lieu de pèlerinage de substitution dès lors que l’accès à Jérusalem était devenu dans les faits impossibles avec l’extension de l’hégémonie islamique en Orient. C’est à la même époque que le pèlerinage vers Saint-Jacques de Compostelle se développe et que les chemins qui y mènen, se précisent dans toute l’Europe.

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Monastère éthiopien rupestre à proximité immédiate de la Jérusalem africaine

S’agissant de Lalibela, nous savons peu de choses sur cette destination en tant que pèlerinage dans les siècles écoulés. Les églises sont devenues des Lieux saints pour les chrétiens orthodoxes d’Ethiopie qui resta longtemps isolée jusqu’à ce que des Portugais, en 1520, visitent la ville et en fassent connaître la beauté au monde extérieur. Les portugais seront chassés d’Ethiopie un siècle plus tard pour prosélytisme catholique.

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Sculptures et peintures  à Bet Golgotha et Bet Mikael 

Il existe un certain parallélisme entre l’Ethiopie et l’Arménie de ce point de vue, les deux pays revendiquant l’antériorité de leur conversion au christianisme, avant même celui de l’empire romain sous Constantin : les Arméniens ont leurs monastères perchés dans les montagnes, les Ethiopiens, leurs églises creusées dans le sol. Il est assez insolite de constater une certaine similitude entre les édifices éthiopiens et les monastères d’Arménie lorsque ces derniers son creusés dans la roche.

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C’est pourquoi il faut visiter l’Ethiopie, pas simplement pour la beauté de ses paysages et les richesses de sa faune, mais encore pour son patrimoine architectural et religieux largement méconnu et pourtant unique au monde.

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Maisons circulaires de Lalibela

Pour aller plus loin, on peut consulter  :

http://www.sacred-destinations.com/ethiopia/lalibela

Cartographier le site de Lalibela : usages et enjeux d’un outil scientifique

Le Centre français des études éthiopiennes (CFEE)

Mission archéologique à Lalibela (INRAP)

Panorama

Panorama du plateau éthiopien

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Situer Lalibela en Ethiopie, accessible par avion (aéroport à 45 km)

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