Lorsque le Normandie, en juin 1935, s’empara à New York du Ruban bleu de la traversée transatlantique la plus rapide, nul ne pouvait imaginer la tragédie qui allait briser le destin du plus beau paquebot du monde quelques années plus tard, le 9 juillet 1942, dans ce même port, victime indirecte du droit d’angarie.
Quand la guerre éclate sur le continent européen en septembre 1939, les temps sont loins où l’arrivée du Normandie était fêtée par les sirènes des remorqueurs à New York tandis que les passagers se précipitaient sur le pont pour crier : New York, New York !
Pendant quatre ans, le normandie avait assuré un service de ligne régulier entre le Havre, Southampton ou Plymouth et New York, luttant evc le Bremen et le Queen Mary pour détenir le ruban bleu, accostant aux mêmes quais.
De bas en haut, Le Hamburg, le Bremen, le Colombus, le de Grasse, le Normandie, le Britannic, le Comte de Savoie, l’Aquitania, le Fort Townsend and le Monarch of Bermuda, soit dix paquebots totalisant un tonnage de 360.000 tonnes
Et pourtant six plus tard, les temps ont bien changé comme en témoigne cette photo en couleur anodine des paquebots Aquitania, Queen Mary, Normandie et Ile-de-France, arrimés au port de New York.
A y regarder de plus près, les peintures de deux paquebots ont été modifiées, celles du Queen Mary et de l’Aquitania. Ce sont désormais des navires de guerre destinés à assurer des transports de troupes ou de matériel entre l’Amérique et l’Angleterre. Et au titre de l’angarie, le Normandie va subir le même sort.
Le Normandie et le Queen Elizabeth en 1940
L’angarie est en matière maritime un droit qui autorise un pays en temps de guerre à réquisitionner les navires d’un Etat neutre en contrepartie d’une indemnisation. Le dictionnaire de diplomatie et de droit international public et privé publié par Carlos Silva en 1885, apporte les précisions suivantes :
Angarie : on appelle ainsi en droit maritime les prestations et les obligations qu’un souverain impose aux navires arrêtés dans ses ports ou sur ses plages, comme de transporter pour lui en temps de guerre, des soldats, des armes, des munitions mais moyennant indemnités ; en résume l’angarie est la mis en réquisition d’un navire marchand pour un service quelconque.
Le droit d’angarie fait partie de la souveraineté ; aucun navire ne peut se soustraire à l’obligation des angaries ; mais l’exercice de ce droit en raison des risques et des charges qu’il impose au navire qui le subit, engage la responsabilité matérielle et financière de l’Etat qu’une nécessité d’ordre supérieur entraîne à y recourir. La règle universellement consacrée en cette matière est que le gouvernement de cet Etat ne soit pas seulement responsable des conséquences matérielles de l’angarie, pour le navire qui en est l’objet, mais encore qu’il soit tenu, avant d’imposer la réquisition, de débattre avec les ayant-droit et de solder l’indemnité due pour le service réclamé.
Du reste le droit d’angarie appartient par sa nature aux droits imparfaits, et un grand nombre de traités en ont formellement interdits l’exercice ou subordonnés l’emploi au paiement préalable d’une juste compensation judiciaire (voir les traités conclus par la France avec le Chili en 1851, avec le Guatémala et le Vénézuela en 1854, avec la nouvelle-Grenade en 1856, avec le San Salvador en 1858, avec le Nicaragua en 1859 et avec le Pérou en 1861).
Le Normandie avait entamé au Havre son dernier voyage en temps de paix le 23 août 1939, jour de la signature du pacte germano-soviétique, pour entrer quelques jours plus tard à New York alors que la guerre entre la France et l’Allemagne éclate. Devenu cible de choix pour les sous-marins allemands, il reste à quai à New York, est désarmé le 6 septembre 1939, et son équipage renvoyé en France dans les jours qui suivent. Le te’mps des traversées pacifiques entre New York et plymouth apparaît bien lointain, désormais ce n’est plus que du matériel de guerre qui voyage entre les Etats-Unis et l’Angleterre après l’adoption du Lend and Lease Act en janvier 1941 qui autorise le président Roosevelt à aider le gouvernement de Churchill en lui fournissant des armes.
L’attaque de la base navale américaine de Pearl Harbor par la flotte japonaise, le 7 décembre 1941, conduit le gouvernement américain, dès le 11 décembre, à faire usage du droit d’angarie sur le Normandie qui est un navire dont les propriétaires français sont considérés comme appartenant à un Etat neutre, en l’occurence la France de Vichy. Les Etats-Unis réquisitionnent moyennant indemnité le Normandie qui était alors désarmé, pour en faire un transport de troupes, après avoir un temps étudié la possibilité d’en faire un porte-avions.
La décision sera fatale au paquebot. le Normandie rebaptisé USS Lafayette est vidé de tout son ameublement Art déco pour pouvoir transporter le maximum de soldats dans des conditions de confort qui n’ont plus rien à voir avec la traversée en temps de paix. Au lieu d’embarquer deux mille passagers, l’US Navy envisage que ce soient seize mille hommes qui fassent le voyage, soit huit fois le nombre des civils d’avant guerre ! Il est alors temps que le navire prenne ses couleurs de guerre, à l’égal du Queen mary ou de l’Aquitania, appelés aussi à effectuer des transports de troupes.
Mais rien ne se passera comme prévu. Le 9 février 1942, des milliers de gilets de sauvetage entassés dans le grand salon qui avaité vidé de son mobilier, prennent feu vers 14 heures, à la suite d’une utilisation hasardeuse d’un chalumeau qui provoque des étincelles dans un environnement hautement inflammable. L’incendie se propage, il est fait appel aux bateaux-pompes qui déversent des milliers de tonnes d’eau pour éteindre l’incendie.
Vers 18 heures, on croit le navire sauvé quand enfin le feu s’éteint après quatre heures de combat. Mais le navire commence à gîter. On vide l’eau qui stagne dans la carène et le haut du navire. Et quand on croit le Normandie sauvé, la mer se retirant puis montant, déséquilibre le paquebot qui chavire. C’en est fini de la gloire de l’océan Atlantique, c’est désormais le bassin de raboud qui l’attend après plus d’un an passé pour redresser le navire, opération qui s’achève en octobre 1943. La coque du navire étant désormais à Bayonne dans le New Jersey, il faudra attendre septembre 1945 pour que la décision de démanteler soit prise par l’US Navy, ce qui sera fait entre janvier et octobre 1947. Le Normandie devenu USS Lafayette a vécu.
Au bout du compte, l’histoire du Normandie sans être aussi tragique que le Titanic, n’en est pas moins aussiheureuse qu’on pouvait l’espérer d’un tel paquebot accumulant les prouesses techniques : la grande dépression retarde sa construction qui exige quatre ans, entre 1931 et 1935 ; il vogue commercialement pendant quatre ans, de 1935 à 1939 ; il reste à quai plus de deux ans attendant au niveau mondial des jours plus pacifiques, entre septembre 1939 et février 1942 ; et il faut cinq ans pour se débarrasser de la coque devenue inutile, soit au total quatre ans passés à naviguer sur un total de quinze années de vie aventureuse. L’Angarie ne lui aura été guère profitable, c’est le moins que l’on puisse affirmer.
Et pouyrtant, à y regarder de près, il n’y eut peut-être aucun autre navire susceptible de rivaliser avec l’étrave du Normandie, de toute beauté, qui en fait un paquebot de légende, comme si tout ce qui relève de la Normandie est appelé à devenir légendaire, Vikings, Angevins Plantagenêts, débarquement, cidre, calva et paquebots, que ce soit le Normandie ou le France construit à Cherbourg.
Bien. JE rectifie un terme de vocabulaire maritime. On amarre un navire – avec des aussières frappées sur les bittes d’amarrage. Elles portent différents noms suivant leur point de départ sur le navire et leur point sur le quai (garde…).
On arrime une marchandise, maintenant un conteneur, à bord par des saisines.
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