Maintenant que l’excitation de la traque retombe, que l’indignation peut s’effacer et que l’émotion finira par retomber comme un soufflet, nous allons peut-être en venir à l’essentiel.
D’abord, nous devons refuser de participer à l’hallali qui est l’affaire de la police et de la justice dans le respect des règles de droit qui fondent notre démocratie. Ne tombons pas dans l’illusion des mesures d’exception qui sont le plus souvent inutiles et continuons de vivre comme si de rien n’était avec un peu de ce flegmatisme anglais à l’heure du thé.
Et donc, toujours dans cette logique, laissons la justice faire son travail, sans que nous ne lançions aucune pierre car non seulement personne ne nous le demande, mais la lapidation n’est pas dans notre tradition. Abstenons-nous de condamner dès lors qu’il ne nous est pas demandé de le faire ; la justice, là encore, est chargée de le faire, même si elle n’est pas forcément toujours bien éclairée. C’est affaire de circonstances et de moyens le plus souvent.
Et nous en revenons à l’essentiel dans ce monde cruel. Il nous faut regarder chaque être humain comme une personne, même le criminel le plus endurçi. Pour reprendre une expression de Maritain dont on peut conseiller la lecture avec modération, ce qui importe c’est « la primauté du spirituel ». A cet égard, qui aujourd’hui lit Péguy, Maritain ou Mounier ? ce dernier, fondateur de la revue « Esprit » qui fut illustre, est à l’origine ce que nous pouvons appeler la doctrine « personnaliste communautaire« . Engagé dans la résistance intellectuelle au nazisme, il joua après-guerre un rôle essentiel, dès 1947, dans ce qui paraissait alors une mission impossible, « la réconciliation franco-allemande », influençant des professeurs, hommes de lettres et philosophes aussi divers qu’Alfred Grosser, Jean-Marie Domenach ou Gabriel Madinier.
Ce courant de pensée chrétien à joué un rôle important dans le développement de la démocratie chrétienne qui porta, dès la fin des années quarante, sur les fonds baptismaux l’Europe communautaire constituée de six pays, devenus aujourd’hui vingt-huit. Croire que le temps de l’Europe serait révolu est une erreur colossale, car l’Europe est notre unique avenir ; et tous ceux qui participent inlassablement par un discours démagogique et pernicieux à la destruction de cet idéal, pour diverses raisons nationalistes ou totalitaristes, sont des gens fort dangereux, forcément et terriblement dangereux.
Au-delà même de l’enjeu européen, la démarche de type personnaliste communautaire serait susceptible de favoriser la réconciliation entre juifs et palestiniens au Proche-Orient ou, de manière élargie, la réconcilation entre l’univers « occidental » et le monde musulman. Et c’est sans doute à la France et l’Europe de montrer le chemin. Pour le moment contentons-nous de souligner que cette doctrine associe deux termes, la personne et la communauté, ce dernier terme jouant un rôle crucial en terres d’Islam, ce qui n’est pas sans importance pour aborder des lieux où le spirituel et le temporel s’entrelacent sans cesse.
C’est à cela que nous devons participer, à notre échelle modeste, pour que cessent, même si cela demande une ou deux générations, ces exactions inqualifiables, fruits pourris d’une violence incontrôlable engendrée par une haine nourrie de l’ignorance de l’autre.
Au terme de ce billet, nous voici devenus prêcheurs involontaires alors que la salsa, la samba ou le Boogie woogie ont des attraits bien plus féconds sur les corps et les âmes. Apprenons alors à tous nos enfants ces pas de danse et organisons une tournée d’Eddy Mitchell dans nos écoles, il le mérite bien !