Le fils de forgeron, le peintre lombard et le douanier

La Vocation de saint Matthieu - Wikiwand

Que le hasard existe ou non, seules les circonstances comptent. Telle pourrait être l’une des lignes directrices constantes des récits de l’Auteur virtuel, comme en témoigne celui-ci, consacré à un enfant du pays angevin, fils de forgeron, qui devenu cardinal, rencontra sans le croiser le Caravage, un Lombard, fils de maçon devenu peintre, tous les deux destinés à s’élever pour la plus grande renommée d’un douanier nommé Matthieu, appelé par le Christ (ci dessus, le doigt du Christ, détail de la vocation de Saint Matthieu par le Caravage).

Heureux qui, comme Ulysse (Joachim Du Bellay)

Paysage avec les ruines du mont Palatin à Rome, de Pierre Paul Rubens

Plus me plaît le séjour dans les palais romains

Les Français n’aiment rien tant que la littérature. Peuple d’intellectuels dont ils ont frappé la racine lexicale, fâchés avec l’économie et la finance en ne forgeant leur salut que dans l’avarice, ils préfèrent, à l’image de Joachim du Bellay, encore et toujours le Loir gaulois au Tibre latin et le petit Liré au mont Palatin. A en croire l’ami de Ronsard avec lequel il rédigea Défense et illustration de la langue française, les voyages n’existent que pour s’en retourner heureux comme Ulysse vers sa patrie, lorsque surgiraient les inéluctables regrets du petit village, de la pauvre maison, de l’ardoise fine et de la douceur angevine d’une province qui nous est beaucoup d’avantage.

Longtemps, il n’y eut pas un écolier en France n’apprenant par coeur Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage. Rien n’est plus français que ce poème et il n’est rien n’est de plus parfait que ces vers pour illustrer la langue française, son usage et sa beauté. Ce sont les poètes de la Pléiade, qui au temps de François 1er,  ont donné leur lettre de noblesse à la langue française appelée à accueillir au fil des siècles des auteurs toujours plus nombreux qui ont transformé son usage pour en distiller l’encre universelle des sentiments, de l’émotion et de l’amour, sans cesse enrichie et renouvelée pour  basculer, au moment des adieux terrestres, dans l’éternité des éditions de La Pléiade.

Terre d’écrivains, la France ne laisse guère de place aux autres arts , musique, sculpture ou peinture. On en veut pour preuve la mésaventure posthume arrivée à un contemporain de Joachim du Bellay, oublié de tous ou presque, lui aussi natif de l’Anjou au nord de la Loire que tout oppose au sud ligérien, jusque dans la notoriété touristique. Alors qu’on ne compte plus les écoles, collèges lycées, rues, avenues et places qui honorent de son nom Joachim du Bellay, jusqu’à lui confier la place accueillant la fontaine des Innocents dans l’ancien ventre de Paris aux Halles, il n’est point en France, si on en croit Google maps, un petit coin de rue, une impasse ou un chemin vicinal attribué à Matthieu Cointerel ou Cointereau qui n’est pas sans rappeler Cointreau, la liqueur angevine autrement plus réputée dans le monde entier que du Bellay ou Cointerel [il faut une pandémie pour qu’une marque d’alcool ou de bière comme la Corona, puisse être battue de nos jours en matière de notoriété].

Et l’air latin plus que la doulceur angevine

Matthieu Cointerel, contemporain de Joachim du Bellay, né, lui aussi, dans un petit bourg angevin, mériterait, lui aussi une fois encore, que la postérité lui accorde une plus grande attention pour les talents dont il a fait preuve au même siècle que Joachim du Bellay, qui plus est  au même lieu et aux mêmes heures, dans cette ville de Rome qui avait accueilli Michel-Ange, Raphaël, Botticelli, Bramante ou le Pérugin pour y édifier quelques années plus tôt la basilique Saint-Pierre du Vatican.

Bien plus encore que pour le poète angevin, les circonstances hasardeuses ont conduit à ce qu’un jeune homme sans fortune, né dans un bourg boueux du Haut Anjou, devienne un jour cardinal et porte la pourpre au siècle où la puissance temporelle de l’église catholique et apostolique romaine est à son apogée, ne craignant pas d’affronter par inertie et aveuglement, les vents considérés comme mauvais de la Réforme. Et ce siècle qui avait commencé en apothéose avec la construction de la basilique Saint-Pierre de Rome, sombra dans la violence et le sang versé des guerres de Religion, que Matthieu Cointerel devenu Cardinal Contarelli,  se garda bien d’en connaître les aléas en restant  avec prudence loin du royaume de France pour se consacrer au mécénat artistique en édifiant l’une des églises de Rome les plus célèbres, l’église Saint-Louis-des-Français, achevée en 1589, quatre ans après la mort du cardinal angevin Cointerel devenu Contarelli. C’est là, dans cette église, que se trouve le tombeau du cardinal, dans la chapelle mondialement célèbre pour y accueillir le triptyque du Caravage, consacré à l’évangéliste Matthieu, peintures commandées et exécutées par l’enfant de Morannes sans fortune, devenu le cardinal Contarelli, mécène pour la gloire de Catherine de Médicis et, accessoirement celle du Christ, que le Caravage, en ce qui le concerne et heureusement, n’oubliera pas.

Nunquam retrorsum: Le Caravage : La vocation de saint Matthieu

La vocation de Saint Matthieu, chapelle Contarelli, église Saint-Louis-des-Français, Rome

Comment un enfant parmi tant d’autres né dans un bourg crasseux et miséreux du haut Anjou peut devenir cardinal en ce Seizième siècle de guerres religieuses sans merci ? Il y faut beaucoup d’obstinations hasardeuses et encore plus pour que s’élève au-dessus de la terreur des champs de bataille en Europe, le génie juvénile d’un artiste encore peu connu appelé à marquer l’histoire de la peinture comme fort peu de ses prédécesseurs et successeurs. Il se peut que la confrontation du Caravage à l’appel de Matthieu retracé par l’évangéliste, ait donné au peintre les ailes de l’homme qui sont le symbole de l’évangéliste : Etant sorti, Jésus vit, en passant, un homme assis au bureau de la douane ; son nom était Matthieu. Il lui dit : Suis-moi ! Et se levant, il le suivit (Mt, 9 10).

Il est impossible de connaître les motivations profondes de Matthieu Cointerel pour suivre le Christ, les origines secrètes de sa vocation religieuse. En revanche, on retrace facilement les pas de la carrière ecclesiastique du futur cardinal Contarelli. Fils d’un forgeron du bourg de Morannes, placé auprès de son oncle chanoine de la cathédrale d’Angers, il poursuit ses études au collège de Bueil dans l’Eure avant de revenir à l’université d’Angers. Alors qu’il se trouvait à la cathédrale, il aurait rencontré fortuitement un prince en visite dans la ville du roi René, qui aurait demandé de lui faire visiter. Subjugué par ses connaissances historiques et sa culture, ce prince lui aurait proposé de l’accompagner à Venise où il vivait, ce que le fils de forgeron s’empressa d’accepter. Dans la cité des Doges aux canaux nauséabonds il tombe malade et est soigné par un docteur Boncompagni qui lui propose de devenir le précepteur de ses enfants.

Eglise de St Louis des Français

La chapelle Contarelli et les trois oeuvres du Caravage

L’élévation à la pourpre cardinalice du fils de forgeron

La carrière de Cointerel prend un tour nouveau. Le frère du docteur, Ugo, est professeur de droit à Bologne et surtout cardinal. Il deviendra le pape Grégoire XIII et se souviendra de son protégé le moment venu. Car, tout aussi impressionné par les facultés intellectuelles du jeune Angevin, le cardinal le pousse à entrer dans les ordres et le place auprès du cardinal Andréa de Boni qui vient d’être appelé à Rome par le pape Paul III pour le nommer prélat référendaire de la signature papale au concile de Trente réuni en 1542 à la requête de Charles Quint et qui se prolongera vingt ans. Voici notre Angevin au coeur des intrigues de la Curie romaine. Il devient alors dataire du cardinal Hippolyte d’Este puis du cardinal Michelle Bonelli chargé de représenter le pape en Espagne, au Portugal et en France en 1573, à la poursuite commune de la conquête du Nouveau monde, et confronté en Europe aux disputes religieuses et conflits armés.

Entre-temps, Matthieu Cointerel a été élevé à la prêtrise puis est devenu évêque du diocèse du Mans où il est ordonné, nommé au siège titulaire sans y résider. C’est au consistoire du 12 décembre 1583 que le cardinal Ugo Boncompagni devenu le pape Grégoire XIII, élève à la pourpre cardinalice Matthieu Cointerel qui devient alors le cardinal Matteo Contarelli. Il rejoint alors en dignité un célèbre cardinal que l’Anjou avait accueilli comme évêque, Jean de la Balue, dont la gloire posthume est rattachée a son statut de prisonnier du roi Louis XI à Loches dans une cage de fer pendant onze ans.

Le cardinal Contarelli ne rencontrera pas un sort aussi funeste, loin de là. Titulaire de la basilique mineure Saint-Etienne-le-Rond, il aura comme lointain successeur, le Vénérable cardinal hongrois Jozseph Mindszenty, emprisonné et persécuté par le régime communiste. Quant au cardinal angevin, il achèvera sa carrière en tant que Préfet du dicastère des Brefs pontificaux destinés aux Princes et aux évêques, participant au conclave de 1585 qui élira le pape Sixte V, avant de s’éteindre en 1589.

Saint Matthieu et l'Ange du Caravage

Saint Matthieu et l’Ange par le Caravage, Chapelle Contarelli.

Mais que vient faire le Caravage dans cette carrière tout en finesse cardinalice ? Il faut remonter à ses rencontres avec les cardinaux Hippolyte d’Este et Michelli Bonelli qu’il accompagne à la Cour du roi de France. Le voici qu’il croise Catherine de Médicis ayant eu vent que cet Angevin cultivé est féru en architecture, menant à bien l’édification de l’église Santa Sinferosa à Tivoli, ville de son protecteur Hippolyte d’Este, fils de Lucrèce Borgia, réputée pour la célèbre villa d’Este. La Grande Catherine lui confie alors mission de rénover, sans un sou vaillant ou presque, l’église nationale des Français à Rome qui subit l’outrage des ans, ce à quoi  le cardinal Matteo Contarelli va consacrer ses dernières années, devenant mécène et maître d’ouvrage pour le plus grand bonheur architectural de l’Eglise et de la France. Il financera sur ses deniers la reconstruction de la façade qui accueille des statues de Charlemagne, Saint Louis, Sainte Clotilde et Sainte Jeanne de Valois ainsi que la salamandre de François 1er.

La petite histoire laisse entendre que la fortune du cardinal Contarelli proviendrait de quelques entourloupes financières au détriment des mécènes ce qui est fort possible de la part d’un fils de forgeron sachant ce que battre monnaie veut dire. Toujours est-il que le cardinal édificateur songera à acquérir en monnaie sonnante et trébuchante les droits de reposer dans l’église, son tombeau étant prévu pour occuper la cinquième chapelle de gauche, proche de l’autel, lieu appelé à devenir un chapelle consacrée au douanier Matthieu. Les exécutants testamentaires respecteront les voeux du cardinal, se mettant alors à la recherche d’un artiste digne d’une foi de fils forgeron devenu cardinal. Après maintes péripéties, les circonstances hasardeuses voudront que leur choix se porte sur le jeune Michelangelo Merisi dit Caravage, appelé à devenir Maître du baroque pour les générations futures.

caravage - genie imparfait - le blog alain Barré

Le martyre de Saint Matthieu, par le Caravage, chapelle Contarelli

Quand le cardinal ne rencontre pas l’homme qui lui donne la gloire

Entre 1599 et 1602, Caravage va exécuter trois chefs d’oeuvre consacrés à la vie de Saint Matthieu : à gauche La Vocation de saint Matthieu, en face Saint Matthieu et l’Ange qui constitue le retable, et à droite le Martyre de saint Matthieu. Ce sont des oeuvres à la fois stupéfiantes de beauté et édifiantes pour la foi en Dieu et l’humanité. Il suffit de s’en remettre au pape François qui  déclara en septembre 2013, être profondément touché par cette Vocation de saint Matthieu : « Ce doigt de Jésus… vers Matthieu. C’est comme cela que je suis, moi. C’est ainsi que je me sens, comme Matthieu« . Qu’il soit permis d’ajouter : si nous n’étions pas aussi faibles à manquer autant d’humilité, nous tous, pourrions être comme Matthieu.

Heureusement, les circonstances hasardeuses sont là pour témoigner dans cette église de la vocation de Matthieu et de sa vie d’apôtre. Le fils de forgeron de Morannes, bourg perdu dans le bocage du Haut Anjou qui deviendra terre de Chouans, n’a jamais rencontré Michelangelo Merisi, né en 1571 et dont la famille est originaire de Caravaggio, une petite ville proche de Bergame, où selon différentes sources, son père aurait exercé un métier dans la construction sans qu’il soit possible d’affirmer assurément qu’il fut contremaître, maçon, décorateur ou architecte, son grand-père étant quant à lui arpenteur. De toute façon, ces deux derniers ayant été emportés par la peste en 1577, la mère de Michelangelo le place en 1583 à douze ans comme apprenti dans l’atelier du peintre lombard Simone Peterzano, année où Matthieu Cointerel devient le cardinal Contarelli et consacre son temps libre à ses passions artistiques en  recherchant des mécènes pour reconstruire l’église Saint-Louis-des-Français à la demande de Catherine de Médicis.

Fichier:Michelangelo Merisi da Caravaggio - The Calling of Saint ...

L’appel, détail de la vocation de Saint Matthieu par le Caravage

A la mort de sa mère en 1589, et alors que le cardinal Contarelli n’est plus de ce monde, Caravaggio quitte l’atelier de Simone Paterzone, épuisant l’héritage familial et commençant  à partir de 1592 les années de vagabondage pictural où s’affirme un style hors du commun appelé à être reconnu pour l’éternité comme le Caravagisme. Ce seront de longues années de souffrance, de dénuement et de maladie jusqu’à ce qu’il arrive à Rome où ,un temps, il va rejoindre l’atelier de Guissepe Cesari, plus connu comme le Cavalier d’Arpin.

LA DISEUSE DE BONNE AVENTURE

La diseuse de bonne aventure, par le Caravage, première manière, musée du Louvre

L’obstination des circonstances hasardeuses veut qu’après avoir exécuté plusieurs oeuvres devenues célèbres dont la Diseuse de bonne aventure et les Tricheurs, le Caravage  fait connaissance d’un marchand de tableaux décidé à le faire connaître, dont la boutique est toute proche de l’église Saint-Louis-des-Français. Le destin de Caravaggio va alors basculer. Parmi la clientèle du marchand, se trouve un homme de grande culture, aux passions artistiques sûres et affirmées, le cardinal Francesco Maria del Monte qui s’éprend de la peinture du Caravage. Il lui passe de nombreuses commandes pour bientôt le faire entrer en 1597 à son service pendant trois ans puis lui offrir une place dans la compagnie des gentilhommes de sa maison.

C’est le cardinal del Monte, protecteur du peintre, qui convaincra, en 1599, les exécuteurs testamentaires du cardinal Contarelli, plus de douze ans après sa mort, de confier à Caravaggio la décoration picturale de la chapelle dédiée à Saint Matthieu où se trouve le tombeau de celui qui fut dans sa jeunesse Matthieu Cointerel, le fils du forgeron angevin qui avait choisi de le prénommer ainsi en l’honneur d’un douanier probablement bien tatillon, qui se leva pourtant sans hésiter lorsque le Christ lui demanda de le suivre d’un signe du doigt qui n’était rien d’autre que l’écho pictural de celui de Dieu dans la représentation de la création d’Adam par Michel-Ange au firmament de la chapelle sixtine.

Fichier:The Fortune Teller (1594) Caravaggio.jpg — Wikipédia

La diseuse de bonne aventure, seconde manière, commande du cardinal del Monte à Caravage, musée de Rome

« Suis-moi »

Il faudrait être une formidable diseuse de bonne aventure pour entrevoir la destinée du jeune Matthieu Cointerel arrivant à Rome, qui le mena au soir de sa vie au tombeau de Saint-Louis-des Français, entouré des oeuvres du Caravage consacré à l’apôtre Matthieu après avoir obéi au doigt du Christ lui faisant signe de le suivre. Dans ses premières années romaines, il croisa probablement Joachim du Bellay  qui avait accompagné son oncle cardinal. Epris de regrets, le gentilhomme de Liré ne songeait qu’à rentrer en Anjou, la maladie le renvoyant à Paris au chevet de Notre-Dame avant de ne mourir encore jeune à trente-huit ans ;  son compatriote angevin, le fils de forgeron de Morannes demeura à Rome pour atteindre son but d’élévation dans l’Eglise qu’il servit en déployant des talents de mécène. Un peintre lombard encore méconnu, lui rendit un hommage posthume inattendu en saisissant l’instant précis où naît la vocation de Matthieu qui est aussi celle dont tout homme est à la recherche, qu’il devienne charpentier ou forgeron, peintre ou poète.

Que le hasard existe ou n’existe pas, seules les circonstances décident. A condition de ne jamais oublier de se lever quand le moment est venu. En attendant d’éclaircir ce point obscur du hasard au milieu des circonstances qui s’obstinent, il ne serait pas trop tard pour que les édiles du bourg de Morannes dans le Haut Anjou, honorent enfin la pourpre cardinalice de l’enfant le plus illustre du pays à ce jour, en baptisant pour le moins une impasse comme celle menant au cimetière où se rejoignent, un jour qui n’est plus l’autre, toutes les illusions que les hommes forgent au fil de leur vie.

Ultime observation tirée d’un récit picaresque où se croisent des fils de forgeron et de maçon qui consacreront leur vie à la gloire des hommes et de Dieu,  l’Education nationale qui ne semble plus guère connaître Joachim du Bellay au prétexte fou d’une égalité des chances galvaudée, devrait bien plus méditer sur l’élévation à la dignité cardinale d’un simple fils de forgeron en des temps anciens considérés comme obscurs par rapport à notre époque où la machine scolaire ne laisse guère de chance aux enfants démunis et fragiles qui sont laissés à l’abandon dès leur plus jeune âge et relégués pour ne pas répondre à des critères sournois de classe sociale bien plus  que de réussite scolaire. Il n’est pas la peine de s’aventurer très loin pour le constater. Il suffit de franchir au nord ou à l’Est, le périphérique parisien.

La Diseuse de bonne aventure (Le Caravage) — Wikipédia

La diseuse de bonne aventure par le Caravage, détail

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Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage

Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,
Ou comme cestuy-là qui conquit la toison,
Et puis est retourné, plein d’usage et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son âge !

Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village
Fumer la cheminée, et en quelle saison
Reverrai-je le clos de ma pauvre maison,
Qui m’est une province, et beaucoup davantage ?

Plus me plaît le séjour qu’ont bâti mes aïeux,
Que des palais Romains le front audacieux,
Plus que le marbre dur me plaît l’ardoise fine :

Plus mon Loir gaulois, que le Tibre latin,
Plus mon petit Liré, que le mont Palatin,
Et plus que l’air marin la doulceur angevine.

Joachim du Bellay (1522-1560)

Photo aérienne de Morannes - Maine-et-Loire (49)

Ardoises fines des toits du village de Morannes dans le Haut Anjou

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