Au lieu de prendre la poudre d’escampette, il est préférable de rechercher une terre d’asile, ce que propose ci-après l’auteur virtuel en explorant des lieux où se réfugier, en attendant de soumettre à bannissement ceux qui ont oublié toutes les vertus naturelles des rêveries du promeneur solitaire contées par Rousseau.
A l’heure du Covid19, nous rappelant qui est le véritable maître des horloges en ce nouveau monde de pandémie, plus a plu à nombre de Français de prendre la poudre d’escampette que d’escompter sur une hypothétique poudre de perlimpinpin qui se fait attendre et n’empêchera pas d’avaler une sévère potion amère en matière d’économie et de société, sans oublier l’inéluctable recours de l’Etat à la fiscalité brutale pour ajouter à la confusion générale. Que les temps sont loin où la potion amère était réservée aux âmes sensibles telles que celle de Jean-Jacques Rousseau l’intempestif, écrivant dans Julie ou la nouvelle Héloïse paru en 1761 à Amsterdam : On m’a fait boire jusqu’à la lie la coupe amère et douce de la sensibilité.
1. Le cerveau bouillant de Rousseau
Lire Julie ou la nouvelle Héloïse donne l’envie de visiter Clarens, Vevey et les bords du lac Léman près de Montreux, tous lieux qui se trouvent dans le canton de Vaud en Suisse. De là à s’y réfugier, il y aurait un pas à ne pas franchir si on en croit Jean-Benjamin de Laborde qui écrivit en 1763 dans les Lettres de Suisse : Me voici à Vevey. Je ne saurais vous exprimer, madame, combien je désirais de voir cette ville et ses environs si vantés par Rousseau, et devenus si célèbres par son roman d’Héloïse. Je me disais souvent, si le fonds de toute cette histoire n’est qu’un conte, au moins les descriptions qu’il fait des sites, des mœurs, etc. doivent être des vérités. Mais, madame, mon attente a été entièrement trompée. J’ai trouvé, il est vrai, la situation de Vevey charmante, et ses habitants de bonnes gens ; mais les divins bosquets de Clarens, l’Élysée, les charmes que l’on goûte en habitant des chalets, tout cela n’a jamais existé que dans le cerveau bouillant de Rousseau. »
C’est là l’ennui avec les gens de lettres, ils sont parfois brouillons ou bouillant comme Rousseau, quelquefois effervescent comme une aspirine, une foule ou un vin. Il en est d’excellents comme les Crémants d’Alsace de Bourgogne ou de Loire sans oublier le Vouvray, le Montlouis-sur-Loire ou l’Anjou fines bulles. En ces heures de confinement, il n’est peut-être rien de mieux que de déguster des bulles pour attendre en toute tranquillité le passage de la mort qui rôde et des amis de la mort qui vous empêchent de vivre libre, à force d’amendes, diktats, oukases plus délirants les uns que les autres, autant de coups d’épée dans l’eau qui n’empêchent pas le virus de se promener en toute quiétude.
2. Dérogatoire ? Vous avez dit dérogatoire ?
Tout cela ne dit pas où aller se réfugier et quelle terre d’asile choisir pour attendre des jours meilleurs. Point n’est besoin de forcément voyager, emprunter le chemin de Compostelle ou le transsibérien, et encore moins de traverser le lac Léman à la rame, à la voile ou en pédalo au bénéfice de l’âge du capitaine. Un voyage virtuel peut faire l’affaire en toute légalité isochronique et sans bourse déliée. C’est ce que propose l’auteur virtuel qui trouve au confinement au moins un mérite si ce n’est le seul à mettre en balance de l’assassinat en masse des libertés : avoir appris la différence entre le rayon dit à vol d’oiseau qui correspond à une zone isométrique et la zone isochrone qui prend en compte les distances réelles parcourues pour respecter le principe des « déplacements brefs dans la limite d’une heure et d’un rayon maximal de 1km autour du domicile« .
Il faut reconnaître à l’administration française une constance rare en matière d’inventivité décrétale qui en fait son charme sournois et sa cruauté délétère digne d’un supplice chinois appliqué à la statistique en temps de coronavirus. N’est pas préfet de police qui veut pour accepter de porter une casquette carnavalesque et émettre des opinions aussi tranchées que « nous ne sommes pas dans le même camp« , en s’adressant à une dame manifestant en gilet jaune, histoire de rappeler qu’il se contrefichait des principes républicains attachés à sa fonction ; ou plus récemment en éclaircissant un aspect scientifique méconnu du Covid19: Ceux qui sont hospitalisés, ceux qu’on trouve dans les réanimations, désormais, ce sont ceux qui, au début du confinement, ne l’ont pas respecté. C’est très simple, il y a une corrélation très simple. Il est en effet des préfets qui sont simples à un poing de simplicité qui en font des simplets grotesques, arbitraires et foulant au pied les libertés avec une joie consommée. Après de telles performances, ne vous attendez pas à ce qu’il s’amende face à terre comme un officiel coréen ou japonais et encore moins qu’il ne démissionne ventre à terre.
Pour en revenir aux terres d’asile virtuel au temps du covid-19, voici donc des chroniques d’un temps révolu où il était possible de se déplacer sans attestation de déplacement dérogatoire, preuve s’il en est encore de la finesse du vocabulaire administratif pour explorer une langue française mystérieuse qui est le jargon administratif, loin d’être simple et clair, vertus fort volontairement méconnues d’un Etat tout-puissant. Nul doute que celui-ci réussira à imposer à l’avenir le contrôle systématique de tous les déplacements aux fins les plus diverses et de plus en plus comminatoires. Voici venir les temps du dépistage, du pistage et du traçage, tous assignés à résidence avec un bracelet électronique qui prendre la forme d’une appli pour faire geek se contrefichant de la liberté, comme celle développée pour vous tenir à moins d’un kilomètre de votre demeure, l’appli covidradius. Dans cette ambiance de restriction à-tout-va des libertés, le voyage virtuel a un bel avenir.
3. C’est Rousseau qu’on assassine
N’en déplaisent à tous ceux qui tremblent devant la mort et qui ont la pétoche, et ils sont nombreux, l’immense majorité même, le confinement non proportionné, total, donc totalitaire, est un crime odieux en infligeant une peine insupportable à l’être humain. Tout enfermement expérimental de l’homme dans une cage à rat l’éloigne de la nature et de sa nature humaine en lui empêchant d’accéder aux murmures des souvenirs qui sont la Vie, et que sont le vent et les vagues, les gouttes de pluie ou les flocons de neige qui tombent, jusqu’au brouillard et aux nuages qui filent dans la nuit au-dessus des herbes bruissantes. Confiner c’est non seulement oublier Rousseau, c’est aussi l’assassiner : pourquoi enseigner Rousseau s’il peut être interdit à tout moment de flâner et se promener où bon nous semble, et pourquoi pas, s’exercer à débusquer en marchant les Rêveries du promeneur solitaire, sans prendre la peine de penser, tout comme Rousseau qui, réfugié au château d’Ermenonville lors de ses deux dernières années de vie, nous offre ses dix dernières promenades en offrande ultime de liberté d’aller et venir :
Quand le soir approchoit je descendois des cimes de l’Isle et j’allois volontiers m’asseoir au bord du lac sur la gréve dans quelque azyle caché ; là le bruit des vagues et l’agitation de l’eau fixant mes sens et chassant de mon ame toute autre agitation la plongeoient dans une rêverie delicieuse où la nuit me surprenoit souvent sans que je m’en fusse apperceu. Le flux et reflux de cette eau, son bruit continu mais renflé par intervalles frappant sans relâche mon oreille et mes yeux suppléoient aux mouvemens internes que la rêverie éteignoit en moi et suffisoient pour me faire sentir avec plaisir mon existence, sans prendre la peine de penser.
Cette chronique invitant à la promenade et au voyage est écrite au souvenir de toutes celles et ceux qui au péril de leur vie ont affronté et affrontent à mains nues, le Covid-19, sans avoir obtenu l’assistance matérielle que leur devait l’Etat dès l’apparition de l’épidémie et bien avant même. Elle est aussi dédiée aux résidents des EHPAD et aux personnels qui se préoccupent chaque jour de leur sort menacé à tout instant. La faillite de l’Etat à prévenir l’éventualité d’une épidémie avec les moyens modernes dont il devait impérativement disposer, surtout quand on se targue d’être une start up nation, est, elle et elle-seule, totale, comme en août 1914 en envoyant au front des bataillons de fantassins portant un pantalon garance, comme en mai 1940 où la ligne Maginot fit office d’assurance sur la mort. Pour dissimuler l’impréparation, l’Etat impuissant invente dans la précipitation un stratégie désespérée du confinement totalement abrutissant, au mépris des souffrances de la population pour dompter une courbe statistique qui se cabre comme un cheval blessé, et alors même que la course à la vie ou à la mort est perdue depuis le premier jour. Celui-ci est facile à dater puisque c’est le 31 janvier 2020 que sont arrivés les rapatriés de Wuhan sur le sol français, tarmac en cet instant devenu linceul de toutes les cruelles désillusions provoquées par cette pandémie inattendue.
4. Terres d’asile virtuel
Il est des lieux où se réfugier qui sont des terres d’asile idéal comme ci-dessus les îles nuageuses, surtout quand on est francophone et que l’on tient à le rester. La langue française n’est pas qu’une langue vernaculaire depuis le concile de Tours de 813 qui imposa d’utiliser la langue romane pour les sermons dans la liturgie latine afin que les paroissiens puissent le comprendre ; plus tard, François 1er, en 1539, imposera la langue française dans tous les actes juridiques, toujours pour faciliter la compréhension entre les hommes, tout ce qui est mal exprimé étant par nature l’expression d’une volonté despotique. Notre administration française aujourd’hui se contrefiche de ces principes de clarté, elle ne cherche plus à se faire comprendre simplement et clairement, mais à imposer des décrets abscons, accompagnés d’english brexisant ridicule baragouiné à la sauce américaine. La société y perd en cohésion au risque de l’implosion sociale.
Car le français n’est pas qu’une langue, c’est en même temps un art de vivre universel, et partout où l’on peut s’exprimer en français, on peut, nous Francophones, s’y réfugier. Il existe cependant des terres d’asile plus accueillantes, façonnées par la géographie et l’histoire des hommes. En voici quelques exemples.
A la recherche de terres d’asile
Sur les bords de l’Asse au milieu de Russes blancs
Se réfugier près d’un monastère en ruines
Le Camino Francés vers Compostelle
A Chicoutimi, chez nos amis du Québec
Au Queyras, en compagnie des marmottes
Aux îles nuageuses avec les manchots royaux

5. Lieu privilégié de bannissement
Pour conclure il est primordial de pouvoir accéder en toutes circonstances à une terre d’asile, un lieu de refuge librement choisi quand naît le danger. Cette liberté est une et indivisible, s’étant manifesté avant même la sédentarisation néolithique. Par nature l’homme est nomade, tout simplement pour se protéger des risques naturels, que ce soit les animaux ou le climat. L’homme doit pouvoir s’abriter de tous les dangers qui l’épient en permanence, choisissant des grottes, des branchages puis des tentes de peaux facilement transportables lors de ses déplacements, avant qu’il ne s’installe dans des maisons en pierre dont la construction remonte au développement de l’agriculture et de la culture des céréales. Les premières habitations fixes apparaissent voici 12.000 ans en Israël et en Jordanie, en même temps que s’organise la vie en société, la spécialisation et l’interdépendance des métiers conduisant à procéder à des échanges et développer le commerce qui devient impossible si l’on tombe dans le piège du confinement absurde.
C’est pourquoi, lorsque le déconfinement viendra, pour tous ceux qui ont oeuvré par imprudence ou impudence à faire courir des risques insensés à la population en pratiquant l’art du mensonge, il conviendrait d’envisager non pas la prison et encore moins l’exécution qui n’est pas un principe de liberté, mais une mesure de bannissement, nous souvenant ce que Rousseau écrit du mensonge dans la quatrième promenade des Rêveries du promeneur solitaire : Je me souviens d’avoir lu dans un livre de Philosophie que mentir c’est cacher une vérité que l’on doit manifester.
L’île de sable, terre de bannissement idéale
Et le lieu pour le bannissement est tout trouvé. C’est l‘île aux esclaves ensablés, une terre française idéale au milieu de l’océan Indien, pour méditer en toute tranquillité sur les méfaits du confinement à tous ceux qui ont exercé un pouvoir absolu sur les hommes sans discernement en ignorant sincérité et recherche de la vérité. On peut facilement imaginer par exemple qu’il conviendrait d’y envoyer en avant-garde une ancienne ambassadrice des pôles pour qu’elle découvre sur cette île qu’on ne peut indéfiniment se moquer du monde et des manchots qui ont besoin de notre aide toute entière pour les sauver des désastres climatiques à venir. Il n’y a pas que le covid19 dans la vie, il y a aussi la fonte des glaces tout aussi précipiteuse pour l’homme et certaines espèces animales.
N’imaginez pas le manchot royal tout penaud. Il n’aime rien tant, lui-aussi, que d’être libre.