Au jardin de Gethsémani à Jérusalem

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Après avoir quitté le carmel du Notre Père, longé le cimetière juif et visité le sanctuaire Dominus Flevit, descendant toujours le mont des Oliviers, tout proche de la vallée du Cédron, voici le jardin de Gethsémani, là où le Christ entra en agonie avant son arrestation par une bande à la tête de laquelle marchait le nommé Judas, l’un des Douze (Luc, 22,47). D’un côté du sentier se trouve la basilique de Toutes-Les-Nations, à laquelle on accède en traversant un jardin carré planté d’oliviers chargé de huit cents ans d’histoire ; et de l ‘autre côté du chemin, un jardin privatif tout aussi planté d’oliviers, réservé à la prière en petits groupes.

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De là, on aperçoit fort bien les remparts de la vieille ville et la vallée du Cédron traversée aujourd’hui par la Jéricho road, un des principaux axes de la ville de Jérusalem.

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La basilique est récente, édifiée entre 1919 et 1924  sur un terrain appartenant aux Franciscains depuis le milieu du quatorzième siècle, et où se trouvaient les ruines d’une église croisée elle-même construite sur les vestiges d’une basilique byzantine datant du quatrième siècle, détruite par un tremblement de terre, Jérusalem étant un lieu régulièrement frappé par les séismes. Les statues des quatre évangélistes ornent le fronton de l’église.

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Lors de la construction de la nouvelle église, des mosaïques de la basilique du temps de Théodose ont été retrouvées et les ruines de l’église croisée conservées. Ces traces archéologiques sont visibles qu’ainsi le rocher où la tradition place la scène de l’agonie du Christ au jardin de Gethsémani, et la grotte où il aurait été livré par Judas aux gardes du Grand Prêtre.

La mention des nationalités des donateurs qui permirent aux Franciscains de financer la construction de l’église figure dans l’église de Toutes-les-nations dont le nom a justement été donné pour souligner le caractère universel du financement de cette église, les dons provenant du monde entier. On lui donne aussi le nom de basilique de l’Agonie :

Ils parviennent à un domaine appelé Getshémani et Jésus dit à ses disciples : Restez ici tandis que je prierai. Puis il prend avec lui Pierre, Jacques et Jean et il commença à ressentir effroi et angoisse. Et il leur dit : mon âme est triste à en mourir ; demeurez ici et veillez. Etant allé un peu plus loin, il se prosterna contre terre, et il priait pour que, s’il était possible, cette heure passa loin de lui. Et il disait : Abba (Père), tout t’est possible : éloigne de moi cette coupe ; non pas comme je veux, mais ce que tu veux !

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Quant à l’entretien de l’oliveraie, ce sont des bénévoles de passage qui proposent de venir en aide aux Franciscains pour tailler les arbres et récolter les olives. Presser les olives est justement à l’origine du nom du jardin, Gesthsémani en araméen signifiant Pressoir. Et chaque Jeudi saint une procession est organisée de la basilique, lieu de l’arrestation du Christ, à Saint Pierre en Gallicante, prison où le Christ fut détenu avant d’être présenté au grand prêtre Caïphe puis Ponce Pilate.

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La récolte faite, voici le moment de quitter la basilique pour se rendre au jardin privatif, lieu de prière.

29 octobre Gethsemani

Les lieux étant destinés à la prière, le bavardage est inutile. Avant d’entrer dans le seul endroit de Jérusalem qui ressemble peut-être un peu à ce qu’était la Palestine au temps de Jésus, observons tout de même deux ou trois choses. Le Golgotha n’est évidemment plus tel qu’il était au jour de la Passion, il y a été construit  la basilique du Saint-Sépulcre sur les ruines d’un temple romain alors spécialement construit pour empêcher les Chrétiens de venir prier au Calvaire et au tombeau ; le second temple, la ville, le palais de Caïphe et celui de Pilate ont été détruits, des églises et des basiliques ont été édifiées en différents lieux saints où la tradition considère que les principaux événements de la vie de Jésus sont survenus ; et d’ouest en est et du nord au sud la ville s’est étendue. Au bout du compte, ne reste de plus ou moins authentique rappelant la Jérusalem au temps de Jésus, que le cimetière juif pour partie, avec ses cailloux posées sur les tombes, les marches menant à la prison où aurait été détenu Jésus la nuit de sa Passion, et ce minuscule jardin des Oliviers protégé des hordes de touristes et pèlerins qui envahissent  et piétinent, au sens propre du terme, les lieux saints,  que ce soit au Saint-Sépulcre, au sanctuaire de Dominus Flevit, à la basilique de l’Agonie ou encore à Saint Pierre en Gallicante.

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Pour préserver les lieux et les réserver à la prière, la Custodie prévoit de ne recevoir que de petits groupes de toute obédience chrétienne, sans distinction de culte. Il faut simplement et souvent s’y prendre longtemps à l’avance. On vient du monde entier, car si la France est un pays qui oublie tout de ses racines chrétiennes, atteinte d’une rage égalitariste qui la conduit à l’inertie au détriment de son énergie universelle qui en fait la beauté, l’honneur et la gloire de ce pays, le christianisme, de son côté, est sans frontières, universel et tenu par le message de Paul : c’est pourquoi nous ne faiblissons pas (2, Co 4,16).

Ce jour là, donc par la grâce de Dieu, étaient présents, venus du monde entier, des Coréens ne pouvant se passer de technologie même pour une messe en plein air, des Chiliens priant en cercle, des Américains dont le pasteur au chapeau de cowboy célébrait un mariage, et des Français au troupeau dispersé comme toujours.

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Et pour seuls témoins de leurs prières, des oliviers descendant de boutures communes datant du temps des croisés, issues d’un olivier millénaire présent au jardin de Gethsémani lorsque le Christ tomba en agonie. C’est l’avantage avec les oliviers, quand ceux-ci ne sont pas subitement décimés comme en Sicile ces jour-ci, ils résistent au temps et ne faiblissent pas, comme l’homme qui n’est qu’un roseau, mais heureusement un roseau pensant. Et si l’on suit Pascal, car il faut suivre Pascal :

L’homme n’est qu’un roseau, le plus faible de la nature; mais c’est un roseau pensant. Il ne faut pas que l’univers entier s’arme pour l’écraser : une vapeur, une goutte d’eau suffit pour le tuer. Mais quand l’univers l’écraserait, l’homme serait encore plus noble que ce qui le tue, parce qu’il sait qu’il meurt, et l’avantage que l’univers a sur lui, l’univers n’en sait rien.

 C’est pourquoi, la prière nous est utile : car si une goutte d’eau suffit à nous tuer et que l’univers peut nous écraser en toutes circonstances, nous avons cependant conscience de notre faiblesse et de notre fragilité, du caractère misérable de notre vie qui fait que nous ne sommes plus tout à fait misérables, cette conscience de notre misère nous invitant à penser, ce qui nous rend digne, car pour citer à nouveau Pascal : Toute notre dignité consiste donc en la pensée. Et rien n’est plus digne de prier, car prier c’est penser pour autrui, pardonner et demander pardon : à chaque fois que nous prions, nous frappons par la pensée à la porte de Dieu, Knockin’ on Heaven’s Door.

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