Le Bowling fiscal de Bercy

Bretzel liquide ! Tandisque dans les Aventures du concombre masqué qui constituent l’univers onirique du dessinateur Mandryka, les éléphants se font envahissants pour prendre un bain, il en va de même en France en matière de fiscalité avec les fonctionnaires de Bercy qui ne reculent devant rien pour imposer aux politiques les solutions les plus invraisemblables pour vainement combler depuis quarante ans les déficits budgétaires et sociaux au détriment de l’efficacité économique. Résultat des courses de ce bonneteau fiscal : nous vivons en déficit depuis quarante ans, tout en superposant des mécanismes fiscaux de plus en plus complexes et illisibles qui ruinent l’économie du pays, sapent systématiquement l’esprit d’entreprise et provoquent un chômage de masse dévastateur pour la société française.

Les extravagances de Bercy qui joue en permanence au bowling fiscal, sont pour beaucoup dans la déroute économique de la France, ce qui est d’autant plus dommageable que la classe politique actuelle sous influence grandissante de l’oligarchie de la fonction publique, a totalement renoncé à prendre les décisions politiques qui s’imposent en matière fiscale pour redresser l’économie. Or, la première mesure est de reprendre d’urgence le contrôle de la forteresse de Bercy. Car dans le grand jeu de la vie, la fiscalité, surtout en France, tient une place importante, déterminant le revenu disponible ainsi que les revenus de remplacement et de transfert. Tout est politique en fiscalité, rien n’est technique. Et les gars de Bercy sont chez nous un peu comme les éléphants dans la maison de Mandryka, très envahissants et carrément imposants, même si le jeu de mot de mot est facile !

Ce n’est pas dans un court article consacré à la fiscalité  que l’on pourra décliner toutes les aberrations fiscales qui ont conduit la France au bord du précipice. Mais autant que le chômage, la course à l’impôt nouveau qui conduit toutes les réflexions budgétaires et sociales ont fini de désespérer ces dernières années les forces vives de la Nation. Il y a dans la classe politique française une faiblesse insigne dans le refus de comprendre que l’exaspération sociale visible dans les urnes est liée à l’absence totale de contrôle de la dépense publique qui représente désormais 56% des richesses produites dans l’année, nous mettant au premier rang mondial avec le Danemark sans les avantages de l’esprit de solidarité danois. Ce record s’accompagne de prélèvements obligatoires à hauteur de 48%, de ressources non fiscales atteignant 4% qui laissent tout de même un déficit des finances publiques de 4% accroissant chaque année un endettement proche désormais d’une année de PIB. Voilà quarante ans que cela dure, et ceux-là même qui sont incapables de mettre fin à cette situation s’étonnent après, non sans hypocrisie, que le quart de la population vote n’importe quoi d’un point de vue économique alors même qu’au pouvoir ils ne font rien depuis quarante ans pour renouer avec les grands équilibres économiques.

Si nous voulons restaurer la compétitivité de la France, si nous voulons redresser l’économie, créer des emplois, retrouver de la croissance, il faut commencer par rétablir la confiance, ce qui suppose de nettoyer les écuries de Bercy, en finir avec la dictature fiscale qui règne en France et qui menace tout simplement l’esprit de liberté.

Le jugement peut être sévère, mais il faut parcourir les documents budgétaires, les rapports du Parlement ou de la Cour des comptes, ceux du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) et bien d’autres encore pour mesurer l’étendue du désastre. Toutes les décisions fiscales sont prises en France non par rationalité économique mais pour occuper Bercy, ses technocrates et ses inspecteurs qui jouent allègrement avec l’argent des autres. Le temps du bowling fiscal dans le grenier du contribuable a assez duré.

Le rapport de juillet 2013 du CPO consacré aux taxes dites affectées est à cet égard un exemple édifiant. Ces taxes affectées dérogent au principe d’universalité budgétaire qui prévoit que l’ensemble des recettes de l’Etat couvre l’ensemble de ses dépenses, ce qui induit de ne pas contracter dépenses et recettes de l’Etat et de ne pas affecter les recettes à certaines dépenses. Ce principe d’universalité est le fondement de la démocratie budgétaire car non seulement il permet au Parlement de décider et de contrôler l’utilisation des deniers publics, mais aussi de les allouer. De plus, ce principe participe au renforcement du consentement à l’impôt du citoyen qui contribue à l’ensemble des dépenses de la Nation.

Ce principe démocratique d’universalité budgétaire est aujourd’hui bafoué. A cette date, selon le CPO, il n’existait pas moins de 214 taxes affectées à des tiers autres que la sécurité sociale et les collectivités locales, pour un montant total de 28 milliards d’euros bénéficiant à pas moins de 435 entités telles que les agences de l’Etat (15 milliards pour 138  taxes), chambres consulaires (2 milliards pour 6 taxes), organismes techniques ou professionnels (1,4 milliards, 66 taxes), et autres dispositifs de solidarité nationale (10 milliards, 6 taxes) dont l’efficacité est toute relative : les rapports de la Cour des comptes sur ces entités et opérateurs de l’Etat aboutissent systématiquement à constater inefficacité, gaspillages, prébendes et prévarications.

C’est pourquoi, il faut reprendre énergiquement le contrôle démocratique de la fiscalité applicable en France en revenant aux principes d’universalité et d’unité  budgétaires dans le respect de l’article 34 de la Constitution qui confie au législateur le pouvoir de fixer les règles concernant l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures.

Ces règles doivent être claires, simples et faciles à comprendre pour tous. Cela suppose de démanteler tous les mécanismes fiscaux inutilement développés par Bercy depuis quarante ans, qui ont conduit à ce que le nombre des chômeurs passe de 1 million en 1975 à 3,5 millions en 2015, en même temps que tout contrôle était perdu sur l’évolution des dépenses publiques.

Pour cela, il faut quelques méthodes  efficaces : en premier lieu, ne conserver tout au plus qu’une douzaine de mécanismes d’imposition, et supprimer tous les autres dont l’efficacité économique et sociale est d’autant plus faible que leur montant est dérisoire et leur assiette, taux et modalités contestables et contestées.  En deuxième lieu, revenir systématiquement au principe d’universalité budgétaire, à l’exception des principales recettes des organismes sociaux pour lesquelles la règle de l’équilibre budgétaire annuel doit être impératif. Cela signifie, que plus aucun démembrement fiscal de l’Etat ne doit être accepté ni même maintenu, ce qui simplifiera d’autant l’organisation de l’Etat.  Enfin, suivant le principe que le consentement à l’impôt est fondamental pour la bonne santé économique d’un pays, l’affectation des différents impôts aux administrations dépensières doit être clairement identifiable et traçable pour que les citoyens soient informés de l’utilisation de leurs contributions aux dépenses de la Nation et en acceptent d’autant plus facilement le principe d’imposition.

Ces considérations n’ont rien de théoriques. Il s’agit simplement de volonté économique, volonté qui doit conduire à ne pas se laisser dicter des choix politiques par des technocrates uniquement préoccupés de conserver leur pouvoir d’influence.

Quelques chiffres suffisent pour expliquer les enjeux. Avec un taux de prélèvements obligatoires de 46 % en 2013, le montant des impôts perçus par l’Etat, les collectivités territoriales et les organismes de sécurité sociale s’élèvait à environ 900 milliards d’euros. Le montant des cotisations sociales prélevées s’établissait à 230 milliards, celui de la CSG et CRDS à 90 milliards, la TVA à 136 milliards, les impôts sur les revenus des particuliers et sociétés à respectivement 67 et 47 milliards, la taxe sur les produits pétroliers à 14 milliards, et les principales taxes sur assurances (7), boissons (6), tabac (15), industrie pharmaceutique (4) et production d’énergie( 5) à un total de 37 milliards, et donc à un total global de 621 milliards. Si on ajoute les taxes constitutives de ressources propres des collectivités territoriales, 106 milliards, on constate qu’une quinzaine d’impôts et taxes représentent 727 milliards, soit  80% des recettes. Ce sont ces impôts et taxes qu’il faut simplifier tout en ajustant les taux et assiettes pour obtenir les 920 milliards de ressources budgétaires ; et dans le même temps démanteler tout le reste, ce qui ferait oeuvre d’assainissement général.

©Nikita Mandryka

Car dans le même temps, il faut envisager de clarifier les règles relatives aux taux, assiettes et modalités de recouvrement des impositions qui seraient conservées. Lisez, par exemple, quelques barèmes actuels d’imposition, que ce soit l’IRPP, l’IS ou l’ISF. Visiblement, on ne fume plus simplement de l’herbe à Bercy, ni même du shit ou du khat, le temps des babas cool est passé avec la génération de mai 68, on en est au crack. Ils ont totalement disjoncté. J’ai devant moi le tableau n°12 du rapport du CPO de février 2015 qui s’intitule Impôt sur le revenu, CSG, quelles réformes ?, on a d’ailleurs envie d’ajouter : faites nous rire. Et bien, on y apprend que le taux de CSG sur les revenus d’activité est de 7,5% applicable à l’assiette de 98,25% du revenu brut (salaires + primes) si le montant ne dépasse pas 4 fois le plafond de sécurité sociale, et au-delà 100% du revenu brut. Pour les pensions de retraite, le taux est de 6,6%, pour les allocations chômage, 6,6% et sur les revenus du capital 8,2%, soit quatre taxes et 2 assiettes, avec toute une liste d’exonérations, pas moins de quatorze. Et encore, On ne parle que de taux global car il faut distinguer entre la CSG déductible et la CSG non déductible de l’impôt sur le revenu qui aboutit en fait à mesurer huit incidences différentes de taux sur les revenus. Une pure folie technocratique. On est très loin du point de départ initial de 1991 qui était un taux unique de 1,1%. Quant à l’impôt sur le revenu, jusqu’en 1981 les taux d’imposition s’échelonnaient de 5% en 5% de 0 à 60%, soit treize tranches. Aujourd’hui, on brutalise avec quatre tranches et de forts sauts de taux qui s’établissent à 14%, 30%, 41% et 45% et qui n’ont aucune logique pour rassurer tout le monde, y compris le CPO qui conclut que le système d’imposition des revenus est devenu illisible et peu cohérent. C’est le moins qu’on puisse dire.

C’est pourquoi il est impératif que la prochaine réforme fiscale soit d’envergure et intervienne sans les experts de Bercy et les cabinets de fiscalistes qui sont pour la plupart peuplés d’anciens inspecteurs des impôts passés à l’ennemi et à la recherche de niches fiscales.  Car si l’espoir fait vivre, en terminer avec la tyrannie fiscale actuelle à l’origine du chômage et de l’extension inexorable de la pauvreté en France est une nécessité absolue sauf à se satisfaire du sort du lion en cage dans un zoo.


Merci à Mandryka et Gotlib pour leurs dessins illustrant les principes de la logique absurde, qui ne seront jamais aussi forts que ceux auxquels l’administration des impôts a recours.

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