Voici plus de soixante-dix ans qu’un jeune géographe, jean-François Gravier, dénonçait en 1947 dans un livre passé à la postérité, « Paris et le désert français », soulignant l’exception française qui fait que le centralisme politique hérité de l’Ancien Régime a gagné, de proche en proche, les sphères économique, culturelle, éducative, jusqu’à faire de la centralisation parisienne la règle générale (voir l’article ci-joint de J.L. Andréani paru le 15 juillet 2008 dans le journal Le Monde). A l’heure où les Gilets jaunes errent à Bourges ou Valence, en recherchant le bonheur économique de leur foyer tout en manifestant leur désespérance sociale dans la rue, il serait temps de passer de la réflexion et diagnostic à l’action, car pour citer Gravier, Peut-on fonder l’avenir d’une nation sur l’hémorragie interne ? Peut-on fonder sa renaissance sur le gonflement congestif de 4 % de son territoire et sur l’appauvrissement continu en hommes et en productions de la moitié de ses provinces ? » Gravier résume d’ailleurs en trois mots « les vrais problèmes français » : « population, énergie, investissement ».
Paris lives and let die France
Et l’action, c’est chercher à éviter que l’attractivité de la Ville lumière n’étouffe les talents de province et asphyxie aujourd’hui plus qu’hier, plus de la moitié des territoires, condamnant leur population à piétiner sur les ronds-points pour exprimer bien plus que leur mal-être, tout simplement leur souffrance et désespoir d’être abandonnés à leur triste sort, entre chômage et précarité, sans plus même pouvoir payer le carburant aux taxes de dingue.
Organisation ferroviaire de la France depuis Paris
C’est pourquoi l’heure est venue de marcher sur les traces historiques de François Ier et Léonard de Vinci qui avaient engagé le projet de création d’une capitale à Romorantin, projet dont nous avons fait état dans une précédente chronique datant de l’été 2015. Car l’urgence territoriale, économique et sociale est bien, aujourd’hui, d’engager l’édification d’une capitale écologique idéale située dans le centre de la France, et pourquoi pas Romorantin, pour saluer cinq siècles plus tard le caractère visionnaire de Léonard de Vinci, disparu en 1519.
Vue de la Cité idéale d’Urbino, attribuée à Pierro della Francesca
Voici le moment d’apporter les preuves qu’il s’agit là d’un projet ni farfelu ni utopique, sans même avancer les arguments d’évidence en matière d’aménagement du territoire ou de développement durable, projet qui participerait à la décongestion bienfaitrice de l’Île-de-France. Pour montrer l’évidence de ce projet, il suffit d’imaginer à quoi ressemblerait cette capitale si cette décision visionnaire avait été prise le 10 mai 1981 au lieu de passer à la retraite à 60 ans et plus tard aux 35 heures, décisions funestes qui ont asséché le dynamisme économique, jouant le rôle d’accélérateur pour la paupérisation de la France sur les dernières quarante années. Aux trente Glorieuses ont succédé les quarante funestes, si loin de l’esprit de la Renaissance.
Qui dit capitale, dit gouvernement, ministères, administrations publiques et bureaucratie, donc bureaux et m². Quittant à partir de 1981 le Louvre, la rue Saint Dominique, le boulevard Saint-Germain et autres lieux de pouvoir parisien, la future capitale aurait accueilli les nouveaux immeubles du ministère des finances de Bercy, celui de la Défense à Balard, ou de l’équipement installé dans les hauteurs de la Grande Arche. Mais encore, le site des Archives nationales implanté à Pierrefitte ou la très grande bibliothèque François-Mitterrand.
La Grande Arche, Balard, Bercy, Convention, les archives de Pierrefitte, la TGB
D’autres investissements immobiliers moins connus ont été entrepris. On peut citer la direction générale de l’aviation civile à Issy, le Centre de gouvernement de Ségur et bien d’autres réalisations pour le confort des administrations publiques à Paris. Le complexe de la gendarmerie nationale à Issy-les-Moulineaux aurait aussi pu rejoindre la nouvelle capitale. Et la Caisse des dépôts qui finance prétendument le territoires sans trop s’y astreindre, au lieu de s’accrocher à Paris, aurait implanté dans la nouvelle capitale ses immeubles d’Austerlitz et de la gare de Lyon.
DGAC et gendarmerie nationale à Issy, Ségur
Les acquisitions immobilières prolifiques et coûteuses de l’Assemblée nationale ou du Sénat au fil des ans, auraient permis de financer les hémicycles parlementaires de la nouvelle capitale.
Bureaux (provisoires) du Sénat, le 35 avenue saint Dominique acheté par l’AN à l’Etat, l’immeuble Austerlitz de la CDC
S’agissant de la Justice, la cité judiciaire des Batignolles et une prison sur le modèle de Nanterre ou Villepinte, pouvaient tout à fait rejoindre le projet de nouvelle capitale.
Dans le domaine sportif, l’Arena de Bercy, le vélodrome de Saint-Quentin, ou le Stade de France auraient trouvé leur place dans la nouvelle capitale, sans oublier le prochain village olympique 2024 à Pleyel ou les futurs bassins olympiques et le plan d’eau pour l’aviron et le kayak.
Côté culturel, la nouvelle capitale aurait pu compter sur la cité des sciences et de l’industrie du parc de la Villette avec la Géode, la Philharmonie de Paris, et aussi l’Opéra-Bastille, le musée des Arts premiers du quai Branly, ou encore l’IMA, l’institut du monde arabe.
En matière d’éducation, s’agissant des universités, de la recherche ou des médias, le campus Paris-Rive-Gauche de l’université Diderot, le campus Condorcet de Sciences humaines de la Plaine-Saint-Denis, le cluster-Paris-Saclay, sans oublier par exemple le siège du CEA ou celui de France Télévisions, trouveraient naturellement leur place dans la nouvelle capitale, sans oublier Science-po ou l’ENA, jamais loin des cercles du pouvoir.
Dans le secteur de la santé, la rénovation du ministère de la santé aurait été inutile puisque transféré dans la nouvelle capitale. Et l’hôpital européen Pompidou ainsi que le futur hyper-hôpital de Paris Nord y auraient trouvé leur place, bien plus facilement pour ce dernier, qu’à Saint-Ouen où il devra enjamber acrobatiquement une rue.
Ne reste plus alors qu’à déplacer la pyramide du Louvre pour transformer celle-ci en sarcophage pharaonique d’une seule oeuvre d’art, la Joconde, afin de rendre hommage à Léonard de Vinci qui avait été chargé de construire la capitale à Romorantin. Louvre-Romorantin et Centre Beaubourg-Romorantin,pourraient alors voir le jour selon les modèles de Lens et Metz.
Ce serait l’occasion de développer le tourisme dans la nouvelle capitale à l’échelle mondiale même si cette fonction serait dévolue à Paris pour accueillir non plus près de cent millions de visiteurs par mais le double ou le triple d’ici 20 ans.
Paris, capitale mondial des arts et des lettres, du tourisme et du tourisme d’affaires : touche pas à la tour Eiffel !
Il faudrait encore tracer une avenue de 10 à 12 kilomètres jusqu’au Cher pour y implanter une perspective Louvre – la Défense du 21ème siècle avec casinos et champs de course, en commençant par reconstituer un nouveau jardin des Tuileries qui serait dédié aux cultures biologiques et à la sauvegarde des hannetons.
Resterait alors à aménager une maison forestière à Chambord en palais présidentiel pour que le chef d’Etat ne regrette point l’Elysée, Versailles et ses charmes, à condition que l’architecte des Bâtiments de France accepte d’y construire un tennis, sinon le projet de construction d’une nouvelle capitale pourrait bien capoter faute de soutien des candidats se bousculant à la présidence, qui pourraient alors se montrer réfractaire comme un Gaulois, à un tel projet. En fait, ce futur palais existe déjà, c’est la maison dite justement des réfractaires, une ancienne maison forestière transformée en hôtel 4 étoiles, où le Président en fonction a déjà séjourné !
Quant au financement du projet, on peut compter sur l’adage royal et présidentiel : « je prends ce que je veux« , que les lecteurs assidus de l’auteur virtuel connaissent bien, puisque celui-ci en septembre 2017 dénonçait les abus et dérives fiscaux de l’Etat, un an avant le surgissement des Gilets jaunes. A ce sujet, le dernier paragraphe de cette chronique était prémonitoire des événements !
Il est donc plutôt préférable de procéder à un montage financier habile en revendant systématiquement tous les immeubles publics cités dans ce plaidoyer, lors de l’implantation future des administrations publiques dans la nouvelle capitale. Pour ne pas lasser ici, on ne ne reprendra pas les montants dispendieux de tous ces ouvrages financés sur le dos des Français tondus comme des moutons depuis 1981, au moins cent milliards d’euros !
La Cour des Comptes porte une lourde responsabilité dans le désastre économique et social de la France depuis 40 ans. Si elle prétend toujours s’inquiéter de l’état préoccupant des finances depuis 40 ans (!), elle a toujours fait preuve de beaucoup de complaisance envers les dérives des projets, les gestions approximatives, les excès de dépenses, privilégiant les petits arrangements entre amis durant ces mêmes 40 ans.
Il serait aussi fait appel à l’épargne nationale et en comptant sur la spéculation boutiquière qui résulterait de la construction d’une nouvelle capitale, attirant l’édification de sièges sociaux, quartiers d’affaires, centres commerciaux et de loisirs, sans oublier les organisations religieuses rivalisant pour l’édification de cathédrale, temple, synagogue ou mosquée. On pourrait aussi imaginer de transformer le quartier de Bercy en nouvelle City à l’orée du Brexit ou bien obliger les entreprises du CAC 40 à quitter la Défense en transformant d’autorité la destination des tours en immeubles d’habitation pour ériger une ville nouvelle futuriste, incitant les grandes entreprises à rejoindre la nouvelle capitale idéale.
La cathédrale d’Ivry et le Centre orthodoxe russe du quai Branly rivalisent d’audace architecturale
Et puis, pour l’activité économique, ce projet serait une forte impulsion pour booster la croissance atone, suivant le principe que « lorsque le bâtiment va tout va », avec des promesses de travaux publics gigantesques : routes, autoroutes, chemins de fer, TGV, aéroports, canaux, barrages, bref, tout ce que les Français ne font plus depuis quarante ans, rêver et avoir de l’imagination, prendre de l’élan, construire et songer ne serait-ce qu’un instant que le monde nous appartient et que tout est possible.
Il n’y a pas que les galères et le pouvoir d’achat, il faut vivre heureux aussi. N’est-ce pas là ce que doit apporter un Grand débat ? Une perspective de changement salutaire pour les Français ? Et si Paris n’est plus Paris, si Paris ne devient plus le Grand Paris écrasant les provinces, mais une simple gigantesque métropole entre les autres, et qu’un nouveau Paris « hors-les-murs », surgit par enchantement comme nouvelle capitale, alors la France aura véritablement changé. Ce serait la décision d’un grand homme appelé à véritablement transformer le pays au lieu de se contenter d’être comptable ou bateleur. Et cela mérite de prendre le risque de lancer un RIC, le référendum d’initiative citoyenne !
La France ne serait certes pas le premier pays à ériger une nouvelle capitale. New Delhi, redevenue en 1900 capitale de l’Inde aux dépens de Calcutta, Brasilia au Brésil, Ankara en Turquie, Astana au Kazakhstan mais encore Yamoussoukro en Côte d’Ivoire ou « Future City », la capitale sans nom en Egypte, sont autant d’exemples de projets plus ou moins réussis.
Entièrement nouvelle et inaugurée en 1960, la capitale Brasilia est peuplée de 2,5 millions d’habitants.
Au fait, Connaissez-vous Romarantin, ville audacieuse, été comme hiver, appelée à un destin hors du commun pour abriter et orchestrer les effets d’un bon gouvernement, ce qui est le plus rare depuis quarante ans, sagesse et amour des hommes.
Le bon gouvernement aujourd’hui c’est de décider de transférer la capitale de Paris vers une ville du centre de la France qui pourrait être Romorantin, suivant en cela l’audace de François 1er, en ayant en tête ce qu’écrivit Jean Bodin Langevin : Or il ne faut jamais craindre qu’il y ait trop de sujets, trop de citoyens : vu qu’il n’y a richesse, ni force que d’hommes : et qui plus est la multitude des citoyens (plus ils sont) empêche toujours les séditions et factions: d’autant qu’il y en a plusieurs qui sont moyens entre les pauvres et les riches, les bons et les méchants, les sages et les fous : et il n’y a rien de plus dangereux que les sujets soient divisés en deux parties sans moyens : ce qui advient ès Républiques ordinairement où il y a peu de citoyens.
Ce passage est extrait du chapitre 2 du livre V des Six livres de la République, intitulé : Les moyens de remédier aux changements des Républiques, qui adviennent pour les richesses excessives des uns, et pauvreté extrême des autres, l’auteur virtuel ajoutant dans une précédente chronique écrite en mai 2017, consacrée aux Effets du bon gouvernement : « tout un programme en ces temps de discorde et disette intellectuelles ! ».
Pour les « Effets du mauvais gouvernement à la campagne », point besoin de se remémorer la fresque de Lorenzetti, il suffit de se promener dans les campagnes françaises en 2019.
Et au fait comment s’appellerait cette nouvelle capitale ? Pourquoi pas Paris-hors-les-murs ?