Roman de l’été écrit au fil de l’eau, L’enquête normande est le sous-titre Des choses que l’on n’oublie jamais. A l’ère numérique, on n’écrit plus comme autrefois à la plume d’oie, sur une vieille machine à écrire Remington ou sur un ordinateur immobile pour envoyer un manuscrit grassouillet à son éditeur, qui sera retourné à l’expéditeur avec la mention : n’habite plus à l’adresse indiquée. Il faut inventer des romans différents qui autorisent le lecteur à entrer dans la tête de l’auteur ou plutôt qui laisse à l’auteur la possibilité au lecteur de consulter quelques neurones en action, avant liquidation générale. Alors, tant qu’il est temps, prenons des risques, soldons un peu d’imagination et inventons le roman publié au fil de la plume virtuelle. Commençons déjà par boire un café d’Ethiopie, Abyssinia oblige, dans une tasse du service en porcelaine de Limoges du paquebot Normandie.
Et rêvons un moment que nous traverserons l’Atlantique autrement qu’en avion, sur un paquebot de ligne à trois cheminées, comme dans le bon vieux temps, si tenté qu’il y eut un bon vieux temps, L’enquête normande le dira.
Le Normandie survolé par un DC3 à New York en 1938
Pour ne pas déroger au principe de l’auteur de n’écrire toute sa vie qu’un seul livre toujours recommencé, après réflexion, Des choses que l’on n’oublie jamais trouve sa place dans Roman d’espoir, se substituant à un livre prévu qui s’intitulait l’Or du matin, passé aux oubliettes et qui ressortira peut-être un jour du cachot pour retrouver le soleil sous une ombrelle.
Loin des images pieuses véhiculées par les Rastas, le livre consacré au Négus, de Ryszard Kapuscinski qui est aussi l’auteur d’Ebène, décrit un régime arbitraire, absurde et cruel qui explique en partie la violence constatée lors de la chute d’Haïlé Sélassié.
Pour le moment ce projet de roman croupit dans les bas-fonds, attendant des jours meilleurs. La substitution est d’ailleurs si parfaite que L’enquête normande va reprendre l’intégralité du sommaire prévu pour l’Or du matin, à un mot près, d’importance : paquebot remplace pirogue, dans l’un des titres du futur roman.
Le Normandie à New York
Voici dons le sommaire de L’enquête normande. On y retrouve tous les principes d’organisation de l’écriture développés à l’infini dans Roman d’espoir, une structuration fondée sur la théorie des jeux et des Six âges de la vie déjà évoqués dans ces chroniques et qui dans L’enquête normande va permettre de dérouler l’histoire. Car les six âges de la vie constituent l’infranchissable horizon de la mémoire vivante au-delà de laquelle on ne peut que s’en remettre aux témoignages écrits ou accepter les incertitudes et approximations de la transmission orale des faits.
Ne reste plus qu’à écrire les trente-deux chapitres, enfin pas tout à fait : trente-et-un en fait ! Le premier chapitre est déjà écrit, c’est tout simplement le chapitre introductif de L’or du matin recyclé dans L’enquête normande : on reprend les mêmes et on recommence, ou l’art du roman durable à l’ère du recyclage : ce sont dans les vieux pots et les casseroles cabossées que l’on fait la meilleure cuisine.
Et si vous demandez à l’auteur virtuel de quoi il est question dans L’enquête normande, il vous répondra qu’il n’en sait fichtre rien à l’heure actuelle mais que le roman aurait pu commencer ainsi : Il y a 80 ans, en mai 1935, le paquebot Normandie quittait les chantiers navals de Saint-Nazaire pour débuter sa carrière sur la ligne Le Havre – New York… Sauf que ce début est celui d’un reportage alors que pour sa part l’auteur virtuel écrit principalement des romans accompagnés d’articles ou chroniques parfois éloignés de l’intrigue, mais qui toujours nourrissent ou célèbrent l’imagination romanesque.
Il ne sera d’ailleurs pas seulement question du Normandie, on n’est pas dans une enquête d’Hercule Poirot, hélas pour le lecteur ! Il y sera aussi question du Négus et de Rastas, de Montmartre et de saint Lô, d’enluminures et de gravures anciennes, allez savoir pourquoi. Et de Baudelaire, de Rimbaud et d’Apollinaire pour garantir le succès : un roman français sans références littéraires, c’est comme un cycliste sans vélo, on n’y croit pas. Et puis, sans Rimbaud dans le paysage, point de salut.
La mère Catherine, place du Tertre, Montmartre
Voici donc le sommaire de l’Enquête normande, enfin !
« Le soleil s‘est noyé en son sang qui se fige », Baudelaire
Titre 1 Les dés
• 1, a noir, l’éperon rocheux
• 2, e blanc, vallon du ciel
• 3, i rouge, sillon de l’écume
• 4, o bleu, galion azur
• 5, u vert, ballon sur l’océan
• 6, Y pourpre, rayon solaire
Titre 2 : le Bestiaire
• Le héron noir
• Le léopard des neiges
• L’ibis rouge
• Le bel ara bleu
• L’iguane vert
• Le loup puissant
Titre 3 : regarde, regarde, le paquebot !
• Les hippocampes noirs
• Soleils d’argent
• Le ciel rougeoyant
• Immobilités bleues
• L’eau verte
• De longs figements violets
Titre 4 Les phares
• Fleuve d’oubli
• Miroir profond et sombre
• Triste hôpital
• Lieu vague
• Cauchemar
• Lac de sang hanté
Titre 5 Où les routes sont tracées
• L’enveloppe noire
• Le jardin d’agonie
• La rose de porcelaine
• Le jour n’est plus, là près du gué
• La Reine de la nuit terrible
• L’Ancien et le Nouveau Monde
# Au jour de la mort du Roi
# A Dieu, au Seigneur, par l’Esprit « C’est par l’Esprit que l’on va à Dieu » (A. Rimbaud)