Pourpre impériale

Cour de cassation

Le livre premier de la Tempête, Pourpre impériale, est placé sous la protection de messire Honoré D’urfé, qui fut gentihomme de la chambre du Roy, capitaine de cinquante hommes d’armes et ses ordonnances, publiant en MDCVII un roman, Astrée, dont l’extrême popularité se prolongea auprès du public lisant, pendant les deux siècles qui suivirent sa publication, jusqu’à ce que la Révolution engloutit un monde qui ne reviendra plus. Cet univers était celui d’Ovide, de Virgile ou Jean de la Fontaine qui cite Astrée dans l’Ode de la paix:

Le noir démon des combats

Va quitter cette contrée;

Nous reverrons ici-bas

Régner la déesse Astrée

Comme nous le rappelle Ovide, Astrée (ou Astrapé), est la fille de Zeus et Thémis, détentrice des attributs de la Justice, dernière des Immortelles à vivre durant l’Âge d’or au milieu des humains. A l’Âge de fer, alors que la corruption l’emporte sur la Terre, elle la quitte pour le Ciel où Zeus l’installe, prenant la forme de la constellation de la Vierge, comme nous le rappelle Ovide dans les Métamorphoses, livre I : La piété est vaincue, foulée aux pieds; loin de cette terre trempée de sang se retire, la dernière, après tous les Immortels, la vierge Astrée.

Plus prosaïquement, le château de messire D’urfé se trouve à quelques lieues des hautes montagnes de Cervières, Noirétable, Feurs, Chamazel, Montbrison, où se déroule la première partie de l’intrigue qui traverse la Tempête, au milieu du pays nommé Forests ou Forez de nos jours, qui arrosent le grand fleuve de Loyre, qui emporte les ruisseaux dont le Lignon pour tribut à l’Océan.

Exergue du Livre 1 : POURPRE IMPERIALE

Auprès de l’ancienne ville de Lyon, du costé du Soleil couchant, il y a un païs nommé Forests, qui en sa petitesse contient ce qui est de plus rare au reste des Gaules : Car estant divisé en plaines & en montagnes, les unes & les autres sont si fertiles, & scituées en un air si temperé, que la terre y est capable de tout ce que peut desirer le laboureur. Au cœur du païs est le plus beau de la plaine, ceinte comme d’une forte muraille des monts assez voisins, & arrousée du grand fleuve de Loyre, qui prenant sa course assez pres de là, passe presque par le milieu, non point encor trop enflé ny orgueilleux, mais doux & paisible. Plusieurs autres ruisseaux en divers lieux la vont baignant de leurs claires ondes : mais l’un des plus beaux est Lignon, qui vagabond en son cours, aussi bien que douteux en sa source, va serpentant ceste plaine depuis les hautes montagnes de Cervieres & de Charmasel, jusques à Feurs, où Loyre le recevant, & luy faisant perdre son nom propre, l’emporte pour tribut à l’Océan.

Astrée,

Première partie, Livre 1

DE  MESSIRE HONORE DURFE, Gentilhomme de la chambre du Roy,

Capitaine de cinquante hommes d’armes et ses ordonnances, Comte de Chasteauneuf, Baron de Chasteaumorand &c.,

A Paris, chez TOUSSAINCTS DU BRAY, au Pallais, en la galerie des prisonniers, MDCVII.

Avec Privilege du Roy

Enfer et damnation

Le roman Astrée écrit par messire Durfé a été publié chez Toussaincts du Bray, né en 1580 et mort en 1637. Voici ce que nous apprend la base Data de la Bibliothèque nationale de France (BNF) sur cet imprimeur libraire dont le prénom est Toussainct ou Tussanus: Libraire ; libraire juré de l’université [de Paris] (1624). – Fils d’un maître fripier parisien décédé peu avant le 28 octobre 1583. Beau-frère du fondeur et imprimeur parisien Jacques de Sanlecque. En apprentissage en 1600. Établi avant le 21 déc. 1602. Encore mineur (moins de 25 ans) au 1er octobre 1603. Décédé à Paris le 28 février 1637. Inventaire après décès 11 mars 1637. Veuve attestée en 1637.

Le travail d’imprimeur libraire de Toussainct du Bray représente une soixantaine de ressources documentaires à la BNF, l’ensemble ayant été publié avec le Privilège du Roy. A noter que le catalogue général de la BNF nous apprend aussi qu’Honoré d’Urfé, né en 1567 et mort en 1627, à soixante ans donc, a publié Astrée, roman pastoral en cinq parties, entre 1607 et 1627, année de sa mort, soit sur une durée de vingt ans.

L’atelier de l’imprimeur libraire, était établi au Palais de Justice à l’île de la Cité à Paris, au pavillon central, galerie des prisonniers qui fut détruite par un incendie dans la nuit du 10 au 11 janvier 1776:

  • « la salle qu’on appelait la galerie des Prisonniers « s’écroula dans le préau de la Conciergerie au-dessus duquel elle était bâtie. Le feu gagna toutes les parties intérieures entre la galerie des Prisonniers, la Sainte-Chapelle et l’hôtel du premier président, c’est-à-dire toute la partie centrale du Palais, une partie des bâtiments de la Conciergerie et la vieille tour de Montgomery. »
  • Le pavillon central, reconstruit sous Louis XVI d’après les plans de l’architecte Desmaisons, et consacré principalement aux audiences de la Cour d’appel de Paris, est limité sur la cour du Mai par la grande façade, précédée d’un bel escalier, qui conduit à un péristyle couvert appelé galerie Mercière ; à droite par une autre galerie nommée galerie Marchande ou galerie Lamoignon ; à gauche, par la cour de la Sainte-Chapelle, au fond par des cours intérieures, qui permettent de traverser le Palais de part en part, du quai de l’Horloge au quai des Orfèvres. » (source : le Paris pittoresque)

Ce même Paris pittoresque, nous rappelle un autre incendie de nature criminelle au Palais de justice, le dernier en date: Enfin, le dernier incendie fut allumé par les ordres de la Commune insurgée, le 26 mai 1871, pendant l’entrée, des troupes dans Paris. Il dévora la grande salle, les bâtiments de la Conciergerie, les anciens bâtiments qui longeaient la Cour d’assises ; démantela les vieilles tours, et consuma, perte irréparable, les archives civiles et criminelles, le greffe et les casiers judiciaires, à la destruction desquels les incendiaires étaient spécialement intéressés.

Palais de Justice. Galerie des prisonniers. Fronton de la connétable et  maréchaussée 1780. 1er arrondissement, Paris. | Paris Musées
Fronton de la connétable et maréchaussée, Galerie des prisonniers, la Conciergerie, Palais de Justice, île de la Cité, Paris