Rimbaud en Australie

Nous qui aimons les Australiens, savons pourquoi. Ils n’ont pas seulement le grand mérite d’avoir inventé le slip kangourou qui est à l’élégance ce que la peau de putois est à la descente de lit, un « truc bizarre » comme d’être président de la République française. Ils nous ont aussi fait découvrir le diable de Tasmanie et tout plein de curieuses créatures que Dieu n’avait pas trouvé le temps de reproduire sur d’autres continents, comme les mignonesques okapis, wallabies ou koalas, et d’autres animaux qui attirent moins la sympathie à première vue, telles certaines espèces de crocodiles ou de requins  avec lesquels la prestigieuse équipe de natation australienne s’entraîne en eaux vives, ce qui assure aux survivants vivaces et vivifiés d’être parmi les meilleurs dans des lignes d’eau plus paisibles à l’occasion des compétitions internationales.

Diable de tasmanie

Le diable de Tasmanie, aussi amateur d’os que diablotin

Bien d’autres animaux moins connus méritent notre attention à commencer par le cygne noir qui, comme son nom l’indique est justement noir, ce qui prouve que les Australiens sont à l’évidence  un peuple fortement anglo-saxon : les Français, influencés par Buffon, lui auraient trouvé une racine latine et un adjectif romantique comme nocturne, orageux ou sombre, voire aujourd’hui « black », maintenant que tout doit se dire en Anglais en France, sans que rien ne change à cette mode avec le Brexit, ce Waterloo à rebours qui voit les descendants de Wellington quitter dans la  précipitation Bruxelles pour se retrouver piteusement à tourner en rond  sur leur île à l’heure du thé. Les Australiens remplaceraient d’autant plus avantageusement en Europe ces Anglais qu’ils élèveraient alors le niveau du tournoi des Six nations. C’est au fond le seul reproche que nous puissions faire à L’Australie, nous battre facilement au rugby, ce n’est pas être bon camarade que de donner trop souvent la pâtée en mêlée aux empotés de la potée.

Cygne noir

Il n’y a pas que le cygne noir qui nous émeut en Australie, il y a aussi l’émeu, ce qui tombe plutôt bien, faut le reconnaître. Pour ceux qui observent le blason australien ou s’intéressent à certaines pièces de monnaie du pays-continent, ils peuvent y apercevoir l’image de cet animal progressiste qui ressemble à une autruche et ne cesse de lutter contre les discriminations envers les femmes en veillant à la parité au sein des couples, le mâle surveillant les oeufs et les oisillons aux premiers mois de la naissance, et cela sans même exiger un congé parental : bel exemple pour nous les hommes qui n’avons pas encore trouvé les moyens de la gestation masculine pour autrui.

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L’émouvant émeu a adopté de longue date une coiffure ébouriffante qui n’est pas sans rappeler le style incertain de nos adolescents ; ceux-ci courent d’ailleurs bien moins vite que lui, puisqu’ils ne peuvent atteindre 70 km/h, même pour s’effondrer sur leur lit.

Moins connus, le wombat ou l’échnidé méritent tout autant notre considération. Le premier dort toute la journée ce qui n’est pas sans nous rappeler qu’il est aussi éprouvant d’être fonctionnaire, le second pond des oeufs couverts d’aiguilles, ce qui n’est pas donné à nos femmes même aujourd’hui qu’elles sont si peu d’accord avec nous, comme l’écrivit Rimbaud qu’il est d’autant plus chic de citer ici qu’à notre connaissance il n’a rien écrit sur l’Australie, alors même que le 7 juillet 1880, au port de Massaoua, tandis qu’il se traînait dans les ruelles puantes, il aperçut les feux de bengale de l’Armand-Béhic des Messageries maritimes, qui faisait escale lors de son premier voyage pour l’Australie. C’est un peu court pour commencer un doctorat littéraire mais cela fait son effet !

Wombat in sun

Le wombat est un marsupiau qui se prend pour un nounours. Il est au fond du bush très australien.

Longtemps, au dix-neuvième siècle, l’Australie fut donc une terre de mauvais garçons et d’aventuriers anglo-saxons, avant que les Grecs, les Arméniens et de multiples peuples opprimés ne viennent les y rejoindre. Mais l’Australie n’est pas qu’une terre d’aventure où Mad Max s’y donne à coeur joie, au rythme de scénarios plus rocambolesques les uns que les autres, prouvant que même à court de pétrole on ne manque pas d’idées, autant en France qu’en Australie qui n’a pas seulement donné au monde le sauveur Mel Gibson, mais aussi des actrices et des acteurs innombrables qui colonisent avec succès Hollywood et son boulevard du crépuscule. L’acteur australien ne sait pas seulement batifoler avec des crocodiles dans une baignoire comme Paul Hogan, il peut aussi figurer un centurion ou un « Commander » comme Russel Crowe, et être parfait pour interpréter des corsaires comme Errol Flynn, tout succès qui ont convaincu les Australiennes qu’elles-aussi pouvaient tenter leur chance comme Nicole Kidman, Naomi Watts ou Kate Blanchett, qui, toutes les trois, laissent penser que pour survivre aux dents de la mer, le reflet blond est peut-être un atout méconnu.

Toujours est-il que pour poursuivre notre revue de la faune australienne, nous ne pouvons passer sous silence le cacatoès soufré qui imite la voix humaine, l’ornithorynque dit aussi monotrème, qui ressemble de très loin à un canard, et bien sûr l’oppossum, un petit marsupial qui se faufile dans le bush et les banlieues pour y pousser des cris d’orfraie. Et enfin il convient de saluer le kootaboora, une sorte de martin-pêcheur dont on dit que son cri emprunte au rire humain, comme quoi, dans la nature, nul n’est parfait.

1Cacatoès-soufré—Cacatua-sulphurea—Yellow-crested-Cockatoo

Le cacatoes soufré dit aussi cacatua ou cockatoo a belle allure, et en celà il est très australien et entend le rester.

Reste à citer le dingo, autrement appelé par les aborigènes Eora, ce qui trouve que le terme ne semble pas s’appliquer aux premiers envahisseurs anglo-saxons qui auraient pu être Français si ces derniers avaient été quelque peu sérieux et méthodiques pour s’emparer du continent australien, des adjectifs qui ne conviennent guère à ce peuple de coqs au plumage rabougri et changeant d’avis plus vite que d’habit.  Ces chiens sauvages ont injustement fort mauvaise réputation. On les considère comme dangereux, fourbes, mesquins voire diaboliques. C’est oublier que tous ces adjectifs s’appliquent plus particulièrement à l’être humain, et bien plus encore à l’homo politicus qui arpente les hauts plateaux médiatiques, pour dévorer leur proie du jour avec sauvagerie, seul ou en bande organisée dans un parti politique. Le dingo politique est universel et l’Australien n’est pour rien dans sa propagation à l’échelle mondiale.

chien sauvage australien

Le dingo australien est un chien sauvage qui se prend d’autant plus pour un loup domestique que les Australiens l’ont adopté, car n’est pas dingo qui veut ! 

Plus sérieusement, pour nous qui sommes Français, nous devons une reconnaissance éternelle au peuple australien, pour le sang versé au cours des deux guerres mondiales : ils sont innombrables ceux qui ont quitté le bush et sont tombés parmi les buissons d’acier déchiquetés  et dans les tranchées boueuses où, chaque année, renaissent bleuets et coquelicots. 300.000 Australiens ont combattu pendant la Première guerre mondiale en France et Belgique. 46.000 y trouvèrent la mort, 130.000 y furent blessés. Un site internet trace le chemin de mémoire de ces combattants sur le front occidental. Ne les oublions jamais.

Et au fait, cet animal de Rimbaud, qu’est-il donc allé faire en Australie ? Rien justement puisqu’il n’y est jamais allé, pas plus qu’il n’a vu l’Armand-Béhic des messageries maritimes mouiller au port de Massaoua lors de son premier voyage en Australie et alors que l’Ardennais arabisant se traînait dans les ruelles puantes. L’ennui avec les biographes, c’est qu’il sont prêts à raconter n’importe quoi pour épater le lecteur. En l’occurrence, un éminent Rimbaldien s’il en est, Alain Borer, n’a pas hésité à écrire dans Rimbaud d’Arabie, supplément au voyage, au chapitre cinq intitulé Massaoua, Erythrée, 7 août 1880 :   allumant à sa proue un feu de Bengale, l’Armand-Béhic des messageries maritimes qui fait son premier voyage en Australie, mouille dans le port de Massaoua entouré d’une multitude de boutres, ces petits bateaux somalis semblables aux jonques chinoises.

Image illustrative de l'article Armand Béhic (paquebot)

Tasmanien, paquebot des messageries maritimes devenu l’Armand-Béhic (1891-1924)

Le tableau est ravissant et on imagine facilement que le fameux voyageur aux semelles de vent a peut-être même été tenté de monter à bord pour se rendre en Australie. L’ennui, c’est que l’Armand Béhic ne pouvait se trouver en 1880 à Massaoua, faisant route vers l’Australie puisqu’à cette date il n’avait pas encore été construit et qu’il ne sera mis en service que le 26 avril  1891 depuis le port de la Ciotat, en étant d’abord baptisé Tasmanien pour ensuite s’appeler Armand Béhic à la mort de cet homme politique français qui fut aussi le fondateur de la compagnie des messageries maritimes. Outre le Tasmanien et le Melbourne, les Messageries maritimes lancèrent le paquebot Australien de même classe, qui, transformé en transport de troupes pendant la Première guerre mondiale, fut torpillé en 1918 au large de Malte.

Et donc, sur le modèle de toutes ces biographies bricolées, puisqu’il nous est possible de prendre des libertés avec la réalité, à l’impossible vérité nul ne s’y tenant, nous pouvons ici affirmer, avec aussi grande certitude que n’importe quel biographe au petit pied, qu’Arthur Rimbaud s’est embarqué clandestinement le 7 juillet 1880 pour l’Australie sur l’Armand-Béhic avant de se rendre en Tasmanie. C’est là que nous perdons définitivement sa trace, encore que certains prétendent qu’il n’est pas rare de le voir danser la nuit avec le diable (de Tasmanie) au milieu des requins,  au son de l’oppossum. Nous avons d’ailleurs retrouvé le menu d’un déjeuner de première classe servi à Rimbaud à bord de l’Armand-Béhic, qui conforte nos recherches puisque ce n’est pas un kangourou africain qui y est représenté mais bel et bien un éléphant australien.

Résultat de recherche d'images pour "l'armand béhic"Et selon toute vraisemblance, c’est en monnaie de singe que Rimbaud l’Australien paya une traversée qu’il n’a jamais faite.

2 réflexions sur “Rimbaud en Australie

  1. Dominic Pukallus 17 Mai 2017 / 22 10 16 05165

    C’est beau, votre exposition sur la terre de ma naissance que je redécouvris à l’age de 18 ans. Je m’y sens toujours un peu immigré moi même, à la façon de mes ancêtres de la Prussie-Est (il avait été décoré pour son rôle en la création du « bistro ») qui débarquèrent en la jeune Queensland de 1874 pour y exproprier les autochtones de jadis. J’éspère ne pas avoir le même effet, si cela était encore en mon pouvoir.

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    • Dominic Pukallus 18 Mai 2017 / 0 12 21 05215

      Je viens de me rendre compte que le « bistro » date d’une précédente défaite d’un précédent Napoléon, et d’une précédente courte occupation. Apparemment, à celle de mon aïeul, on y mangeait du Kangourou (du parc zoologique je présume) et d’autres pendeant le siège. C’est bon, le Kangourou, mais un peu trop mince pour vôtre humble serviteur.

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