Nous qui admirons Paris, considérons que la ville Lumière est l’une des plus grandes stars de cinéma dans la catégorie des capitales mondiales. Avec Rome, Londres et New York, peu de villes peuvent se targuer d’être le décor plus ou moins naturel d’autant de scènes de films, attirant d’innombrables caméras, spots et micros pour des prises de vue rattachées à des scénarios qui donnent à Paris le rôle principal. Près d’une centaine de films sont tournés dans les rues de Paris chaque année, dont la plupart sont aussitôt oubliés. Quelques-uns demeurent en mémoire, autant pour le scénario, les acteurs et la réalisation que pour Paris qui pourtant s’efface au fil du temps, comme celui des Quatre cents coups de Truffaut (photo ci-dessus). La traversée de Paris, réalisé en 1956 par Claude Autant-Lara, avec Jean Gabin et Bourvil entre dans la catégorie des fims inoubliables, avec la reconstitution du Paris sous l’occupation en 1943. Le dialogue entre Gabin et Louis de Funès qui tiennent les rôles respectifs de Grandgil et Jambier, figure parmi les grandes scènes du cinéma.
- Monsieur Jambier, 45 rue Poliveau, pour moi ce sera 1.000 francs. Monsieur Jambier, 45 rue Poliveau, maintent c'est 2.000 francs, je voulais dire 3.000 - C'est sérieux ? - Comment si c'est sérieux ? JAMBIER, JAMBIER, JAMBIER !
La rue Poliveau, dans le Vème arrondissement, existe bel et bien, entre le boulevard de l’Hôpital et la rue Geoffroy-Saint-Hilaire. En revanche, la charcuterie Jambier a laissé la place à un restaurant japonais, le Sushi étoile, signe manifeste que les Parisiens préfèrent désormais le sushi irradié de Fukushima aux salaisons cancerogènes.
Monument emblématique de Paris et monstre de la littérature, c’est au chef d’oeuvre de Victor Hugo, Notre-Dame de Paris, qu’Hollywood n’a cessé de consacrer, depuis 1923, son argent et ses talents pour donner à la capitale française une renommée mondiale. Rien de mieux que Notre-Dame en arriere-plan pour Audrey Hepburn et Cary Grant dans Charade en 1962 ou pour Jean-Paul Belmondo dans A bout de souffle de Godard qui a une prédilection pour la capitale au point de tourner dans un film de Rivette, Paris nous appartient.
C’est que pour la littérature et le cinéma, Paris peut prendre un air mystérieux, monstrueux, démonique ou fantômatique. Les Américains ont des personnages ridicules de bandes dessinées de Marvel comme Superman, Batman et consorts, Paris possède des héros de roman autrement plus réels et inquiétants tels que Fantômas ou Belphégor qui règnent sur Paris ou le Louvre.
Le cinéma n’aime rien tant l’alpha et l’omega en matière de titre pour attirer le chaland dans les salles obscures. Le loup, l’empereur, le mohican, et même jusqu’au diamant, rempart, samouraï, vol ou gang, tout rime avec dernier. Paris n’y fait pas exception, que ce soit le métro, le tango ou le dernier domicile connu. Ce film de José Giovanni avec Lino Ventura et Marlène Jobert, est un remarquable film policier à voir ou revoir, ayant été tourné dans pas moins de quatre arrondissements de Paris pour reconstituer la vie joyeuse de commissariat.
Mais qui dit Paris, ne dit pas forcément chef d’oeuvre du cinéma. Les nanars ne manquent pas. Les rendez-vous, les romances les valses ou les rencontrent ne suffisent pas à faire un film. Sous les toits de Paris, Trenet, Préjean, Lamoureux parlent et chantent, tandis que Bourvil, seul dans Paris s’égare sur un plateau.
Il n’y a pas que les films sentimentaux où Paris souffre. Dans les comédies aussi, acteurs et réalisateurs peuvent perdre pied et sombrer comme jean Yanne dans les Chinois à Paris, qui n’imaginait pas que l’invasion chinoise prendrait la seule forme d’une déferlante commerciale tandis que la tour Montparnasse n’a d’infernale que son amiante. Quant au Pari sans S, malheureusement, ils l’ont fait pour reprendre le sous-titre du film qui a Paris avec un S en arrière-plan tout au long du film. Car une des règles intangibles du cinéma demeure : le plus sûr moyen d’échouer est de parier sur la comédie, même à Paris.
C’est pourquoi, en général, les réalisateurs et distributeurs se limitent à mettre le nom de Paris dans le titre du film, ce qui, depuis, le temps, est invroyablement audacieux. Tout Paris y passe, on peut y séjourner deux jours, cinq jours ou une semaine, y croiser une Estonienne, se brancher faussement avec Manhattan, lui dire adieu, être dans, y avoir rendez-vous ou fréquenter le palace hôtel, l’aimer, le conter, à vrai dire, une nouvelle fois, seul Gabin s’en tire avec les honneurs, mais il est vrai que ce n’est pas à Paris mais dans Paname, dans une ambiance de rififi qui n’est plus celle de notre époque. Le principal est d’éviter Paris au mois d’août, mortel côté séances de cinéma.
Il n’est pas besoin forcément de mettre le nom de Paris dans le titre du film. Un quartier suffit parfois pourvu qu’il soit populaire ou réputé. Les Lilas, Batignole, Belleville sont tout indiqués pourvu que cela rappelle les faubourgs. La gouaille populaire permet de voir la Vie en rose ou à Zazie de prendre le métro et aussi de découvrir Joséphine Baker avec Gabin dans Zou-Zou, et encore Jouvet et Arletty dans Hôtel du Nord, sans pour autant ignorer que Paris c’est aussi les beaux quartiers avec YSL et le Café de Flore.
Mais, pour nous qui aimons Paris, comment ne pas voir ou revoir Jean Gabin dans Rue des prairies, un film aujourd’hui oublié, ignoré, passé sous silence, mettant en scène l’ignominie architecturale de la construction des grands ensembles dans les années 60-70 qui non seulement a défiguré Paris, inventé la banlieue mais fait le malheur de millions de personnes. Gabin interprête un contremaître du chantier des Sablons à Sarcelles, qui vit dans une rue populaire du XXème arrondissement où tout le monde se connaît et le contraste entre ces futurs grands ensemble invivables et la rue du Paris ouvrier d’antan est saisissant, bien plus évocateur que tous les discours de technocrates distribuant des subventions aux bureaucrates des HLM.
Car, de toute façon, pour réussir un film sur Paris, il faut d’abord du talent et de l’audace, peu importe l’époque reconstituée, le scénario ou les acteurs. Paris est bonne fille, peu farouche, dès lors que la réalisation est à la hauteur et surtout pas à bout de souffle, sauf quand il s’agit du film lui-même. Les Enfants du paradis, le Cercle rouge ou les Amants du Pont-Neuf sont autant d’hommages muets à Paris, le réalisateur Léo Carax n’hésitant pas à reconstituer le Pont-Neuf et ses environs en pleine campagne pour tourner en toute tranquillité, ce qui se révélera financièrement désastreux, mais magnifique d’un point de vue cinématographique.
Au-delà du succès international du film, une scène sur une péniche a tout simplement été reprise quelques années plus tard dans Titanic, comme quoi les cinéastes passent leur temps à se copier.
Certains films, cependant, ne peuvent être copiés, bénéficiant de décors naturels connus des Parisiens les plus chevronnés. Ainsi, la scène finale des Tontons flingueurs est tournée à l’église Saint-Germain de Charonne dans le XXème arrondissement, autrefois un village comme en témoigne cette gravure de 1830.
Paris n’a aussi cessé d’inspirer Hollywood, pour le meilleur et pour le pire, plutôt pour le pire d’ailleurs, avec une préférence certaine pour le cabaret, la danse et les comédies sentimentales.
Heureusement certains réalisateurs ont compris qu’ont pouvait tourner à Paris ailleurs qu’en France.
Les films tournés à Paris, plus particulièrement les comédies, mettent en évidence les évolutions sociologiques. Jusqu’au début des années quatre-vingt, les comédies mettent en scène des acteurs français exclusivement blancs. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Depuis une dizaine d’années, il faut de tout pour faire rire, à l’image de la société française, et les cinéastes sortent du Paris populaire pour se rendre en banlieue. la vie est désormais « toucouleur », ce qui est logique pour des films passés du technicolor au numérique.
En dehors des comédies et des films sentimentaux à la sauce hollywoodienne, Paris se prête surtout aux reconstitutions historiques, que ce soit pour évoquer la rafle du Vel’ d’Hiv’ avec des films tels que la Rafle ou le remarquable film de Mitrani avec la regrettée Christine Pascal, Les Guichets du Louvre, sans oublier la superproduction franco-américaine évoquant les jours de la Libération de Paris, Paris brûle-t-il ?. Ce film nous rappelle que Paris est aujourd’hui une ville miraculée par le fait d’un général de l’armée allemande qui refusa d’obéir à l’ordre fanatique donné par Hitler de détruire la capitale française. En prenant le risque de désobéir, cet officier a non seulement sauvé Paris de la destruction mais aussi permis aux cinéastes de pouvoir continuer à y tourner, et s’ils le voulaient en décor naturel dans l’une des plus belles villes du monde, car Paris vaut aujourd’hui plus qu’une messe, mais encore une scène.
Joli recensement! J’ajouterais volontiers Frantic de Polanski et Diva de Beineix
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