Mille milliards sous le soleil

MILLE MILLIARDS DE DOLLARS - Henri Verneuil

Peut-être connaissez-vous le cinéaste Henri Verneuil qui tourna des films dans les années 50 à 80, avec Gabin, Belmondo ou Delon. Un Singe en hiver, le Clan des siciliens figurent parmi ses grands succès ainsi que Cent mille dollars au soleil et Mille milliards de dollars. Et bien, figurez-vous que mille milliards d’euros sont justement l’objet du plus grand fric-frac de l’histoire de France, un abus de confiance envers les plus récentes générations, constituant non seulement le casse du siècle à l’échelle de la France et un gain individuel de plus de cent mille euros pour des millions de personnes empressées d’aller vivre au soleil ou au bord de la mer histoire d’accentuer les conséquences du changement climatique.

Cent mille dollars au soleil (Henri Verneuil, 1964)

Mais, me direz-vous, vous n’en avez jamais entendu parler. Et bien justement c’est normal. L’affaire est trop grave pour que celle-ci soit évoquée, les bénéfices trop élevés pour les générations d’avant 1951 et les dommages si considérables pour les générations qui suivent,  que personne n’évoque cette question. Omerta totale depuis 40 ans. Et pourtant, il serait temps  de rétablir un peu de justice entre les générations et de faire preuve de courage dans une affaire qui nous concerne tous, le financement des retraites.

100000 dollars au soleil  1964 - Henri Verneuil

L’affaire est simple. En décidant d’avancer l’âge légal de la retraite de  5 ans, soit de 65 à 60 ans, cette décision présentée alors comme un acte de justice sociale a, dans la réalité, conduit à reporter l’effort de financement des régimes de retraite sur les générations futures puisque le système est fondé non sur la constitution de réserves ou dotation de fonds de prévoyance, mais sur le prélèvement immédiat des cotisations sociales perçues dans l’année auprès des travailleurs et employeurs pour payer le montant des retraites attribuées au jour de leur liquidation. L’équilibre est censé reposer sur l’évolution de l’activité économique, un ajustement permanent des taux de cotisations exigées pour payer les retraites de l’année ainsi que diverses mesures susceptibles de faire varier le montant des pensions versées (valeur du point, prise en compte de l’inflation, durée d’assurance exigée…)Cent Mille dollars au soleil - Henri Verneuil  1964

Quel est le résultat de cette décision d’avancement de l’âge légal de la retraite de 65 à 60 ans ? Il faudrait bénéficier des moyens techniques du conseil d’orientation de retraites (COR)  pour disposer d’un chiffrage exact mais on peut évaluer en première intention le coût de transfert de charges entre générations sur la période 1982 à 2015, soit 33 ans, à environ mille milliards d’euros actuels, en tenant compte des mouvements inverses antérieurs de reporter l’âge légal de 60 à 62 ans. Et mille milliard d’euros est un minimum.

Voici le calcul actualisé, il est tout simple et imparable. L’effectif de départ annuel à la retraite d’une génération est de l’ordre de 460.000 personnes ; le montant moyen mensuel des pensions versées est de 1.760 euros. Le départ à la retraite d’une génération annuelle pèse donc sur les régime des retraites 450.000 x 1.760€ X 12 mois, soit  9,5 milliards d’euros. Ce montant de 9,5 milliards d’euros correspond à une année de pensions liquidée. Pour trois années correspondant à la réduction de l’âge de départ de retraite de 65 à 62 ans, le coût est donc de 28,5 milliards d’euros pour les régimes de retraite (9,5 x 3 ans) et de 47,5 milliards d’euros quand l’âge de départ à la retraite est passé de 65 à 60 ans (9,5 x 5 ans).

Cien Mil Dólares Al Sol (Henri Verneuil, 1964)

Maintenant, prenons en compte depuis quand la décision d’abaissement de l’âge de la retraite à 60 ans a été prise, et la date de report de l’âge légal de départ de 60 à 62 ans, en version simplifiée, car le report a été étalé dans le temps suivant la date de naissance. Le système est d’ailleurs tellement injuste qu’en fonction de si vous êtes nés avant le 1er juillet 1951, vous pouviez partir à la retraite à 60 ans, l’âge de départ de 62 ans s’appliquant aux personnes nées en 1955 à compter du 1er janvier 2017. Pour simplifier, considérons que l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans s’applique depuis 2011, oublions le lissage entre 2011 et 2017. Donc, entre 1982 et 2011, 28 générations annuelles ont bénéficié de la diminution de l’âge légal de retraite de 65 à 60 ans, soit un coût global supporté par les régimes de retraite de 1.330 milliards d’euros (47,5 milliards  x 28 générations annuelles) et entre 2011 et 2015 le coût s’établit à 142 milliards (28,5 x 5 générations annuelles), soit au total 1.472 milliards d’euros.

Cent mille dollars au soleil (Henri Verneuil), 1964

Il faut cependant tenir compte des « classes creuses »: le nombre de départs à la retraite a été beaucoup plus bas pour les générations nées avant 1945 que pour les années suivantes du baby-boom. Il faudrait disposer des données statistiques réelles, années par années des personnes ayant pris leur retraite. Considérons que 10 générations (1945 à 1954) ont un effectif moyen de départ à la retraite de 450.000 et les 23 générations précédentes de 300.000, la cohorte moyenne d’une classe d’âge annuelle sur ces 33 ans aura été d’environ 330.000, soit un tiers de moins. Et donc, le coût de la décision d’abaissement de l’âge de la retraite sur cette période comprise entre 1982 et 2015 est donc bien de plus de mille milliards d’euros (1472/450.000 x 330.000 soit 1.079 milliards).  Arrondissons à 1.000 et n’en parlons plus. Enfin, pas tout à fait, car le coût réel, est bien plus élevé.

Jean-Paul Belmondo dans Cent mille dollars au soleil (Henri Verneuil, 1964)

Et attention, il ne s’agit que du coût directement imputable. Il faut tenir compte que pour financer cette mesure, il a été nécessaire d’augmenter les cotisations sociales employées ou employeurs, au détriment de l’épargne qui crée de l’investissement . Ces dépenses sociales ont alimenté le déficit des comptes publics d’autant, soit mille milliards d’euros, la moitié de l’endettement actuel de la France, 50% de son PIB.

On peut estimer entre 300 à 400 milliards d’euros cumulés depuis 1981, ces charges d’intérêt dissipées à financer cette mesure démagogique proposée pour gagner des élections et présentées comme une mesure de justice sociale, alors même qu’à cette date les générations atteignant l’âge de 20 ans, c’est à dire nées en 1962-1963 ou après allaient devoir, toute leur vie, y compris pour leur retraite, financer cet invraisemblable cadeau qui représente en moyenne 105.000 euros pour chaque retraité né avant 1951 (1.750 € x 12 x 5 ans) et pour les générations nées après 1951 et tant que l’âge de la retraite est maintenu à 62 ans au lieu d’être reporté à 65 ans, 63.000 euros (1.750€ x12 x3 ans), tant, évidemment, qu’on reste en vie jusqu’à 65 ans.

Paris Palace Hôtel, de Henri Verneuil, 1956 Avec Charles Boyer et Françoise Arnoul

C’est pourquoi cet hold-up social entre générations à mille milliards d’euros et plus en tenant compte de l’endettement engendré au fil du temps, soit une charge annuelle de 25 à 30 milliards d’euros, doit cesser pour que les jeunes générations bénéficient de réductions de cotisations sociales correspondant aux économies réalisées par le report de l’âge de la retraite, soit 28 milliards d’euros sur trois ans, se répétant chaque année. Il faut en finir avec la démagogie dans ce domaine, reporter l’âge de départ à la retraite n’a pas créé un emploi, cela a plutôt détruit des emplois en fragilisant le savoir-faire et la transmission des savoirs au sein des entreprises, créant un marché des « seniors » qui dépensent leur argent en voyages, au soleil, quand ce n’est pas leur installation en Grèce, au Portugal ou au Maroc, tant qu’ils sont en bonne santé, sans oublier le retour aux pays des immigrants, autant de transferts négatifs sur la balance des paiements. Tout cela a surtout paupérisé les jeunes générations qui rencontrent déjà suffisamment de mal à trouver du travail.

Le Casse (US title: The Burglars) is a 1971 movie directed by French director Henri Verneuil, starring Jean-Paul Belmondo, Omar Sharif, Dyan Cannon and Robert Hossein. It is based on the 1953 novel by David Goodis and revolves around a team of four burglars chased by a corrupt cop in Athens. It's a remake of the 1957 film The Burglar with Jayne Mansfield.

Au lieu de bricoler tous les ans des mesures pour tenter sans fin et sans effet d’équilibrer les comptes des régimes de retraite, une telle décision donnerait une grande bouffée d’air pour les régimes sociaux, réduirait les déficits et serait une mesure d’équité pour les jeunes générations qui sont ignorées des décisions prises par notre société vieillissante.

La perpétuation de cette situation inique a une origine: les jeunes votent peu et souvent n’importe quoi, comme par exemple pour des postiers révolutionnaires qui n’en ont rien à foutre tant qu’on ne touche pas aux 35 heures, aux weekend set congés, sans oublier la Marine au cap à tribord, tandis que les quinquagénaires et plus votent pour ceux qui s’engagent à ne toucher à rien, et surtout pas au magot des mille milliards sous le soleil, dont le bénéficiaires sont les tempes argentées.

Le courage n’étant pas le fort de nos hommes politiques, on ne peut que regretter Gabin tou Ventura ! Lino, reviens-nous, on a besoin de toi, tu saurais trouver les arguments pour convaincre !

Le clan des siciliens, Henri Verneuil, 1969, 	Le tueur Roger Sartet s'évade du fourgon cellulaire qui le transportait. C'est le clan des Siciliens, dirigé par Vittorio Manalese, qui a mis au point cette spectaculaire évasion. Sartet confie au clan un projet dont l'idée lui est venue en prison : s'emparer de la collection de bijoux d'une exposition. Cote : DVD FIC VER

Ci-gît la retraite à 60 ans

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