Après avoir visité le cimetière juif, reprenons notre visite du mont des Oliviers en suivant le chemin emprunté par le Christ pour entrer à Jérusalem et prenons pour guide l’Evangile selon Matthieu (XXI, 1-11) :
Quelques jours avant la fête de la Pâque, Jésus et ses disciples, approchant de Jérusalem, arrivèrent à Bethphagé, sur les pentes du mont des Oliviers. Alors Jésus envoya deux disciples : « Allez au village qui est en face de vous ; vous trouverez aussitôt une ânesse attachée et un petit âne avec elle. Détachez-la et amenez-les-moi. Et si l’on vous dit quelque chose, vous répondrez : le Seigneur en a besoin mais il les renverra aussitôt. » Cela s’est passé pour accomplir la parole transmise par le prophète : « Dites à la fille de Sion : voici ton roi qui vient vers toi, humble, monté sur une ânesse et un petit âne, le petit d’une bête de somme. »
Les disciples partirent et firent ce que Jésus leur avait ordonné. Ils amenèrent l’ânesse et son petit âne, disposèrent sur eux leurs manteaux, et Jésus s’assit dessus. Dans la foule, la plupart étendirent leurs manteaux sur le chemin ; d’autres coupaient des branches aux arbres et en jonchaient la route. Les foules qui marchaient devant Jésus et celles qui suivaient criaient : « Hosanna au fils de David ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Hosanna au plus haut des cieux ! » Comme Jésus entrait à Jérusalem, l’agitation gagna toute la ville ; on se demandait : « Qui est cet homme ? » Et les foules répondaient : « C’est le prophète Jésus de Nazareth en Galilée. »
L’iconographie religieuse sur l’entrée triomphale de Jésus à Jérusalem ne manque pas, voici deux représentations d’expression française, l’une de Philippe de Champaigne, qui est en faitBrabançon, l’autre tirée des Très riches heures du duc de Berry, réalisées par les trois frères Limbourg, toutes deux donc d’inspiration flamande. Et ajoutons un tableau de l’école italienne, n’oublions pas les italiens même s’ils sont peu réalistes pour dessiner les ânes, sauf Giotto.
Bethphagé est à mi-chemin sur la route de Béthanie à Jérusalem qui ne sont séparés que de trois kilomètres. Béthanie serait le village ou aurait résidé Jésus quand il venait en Judée, les Galiléens du lac de Tibériade situé au nord d’Israël, ayant l’habitude de se rendre à Jérusalem en longeant la rive droite du Jourdain pour passer par Jéricho. La route existe toujours, traversant la Cisjordanie, mais placée sous le contrôle militaire israélien car elle longe la frontière jordanienne. C’est notamment à Béthanie qu’aurait vécu la famille de Lazare le ressuscité, le tombeau s’y visite. Tout cela demande à être confirmé, notamment cette résurrection de Lazare, mais si nous n’y croyons pas qu’allons-nous faire au mont des Oliviers ? Et bien, c’est le but de notre visite aujourd’hui, une simple promenade, oublions les églises, la foi ou la raison qui peut-être la raison, la foi et les églises, entrons à Jérusalem par le chemin des Oliviers, et admirons simplement le paysage.
C’est là que justement le bât blesse ! Non pas qu’il nous manque un âne, mais les oliviers ne sont plus guère nombreux à se disputer le terrain. On ne les voit plus guère. Quand on est au sommet du mont des Oliviers, on voit surtout le panorama de Jérusalem, vieille ville et ville nouvelle, avec à perte de vue des constructions, du béton, au loin la Jérusalem juive et ses hauts immeubles, au près les quartiers arabes populeux de Jérusalem-Est, et au milieu la vieille ville enserrée dans ses fortifications, offrant pour tout spectacle inoubliable l’esplanade des mosquées et le dôme du Rocher entourés au loin de clochers d’églises. C’est à peine si on aperçoit dans cet océan de pierres les coupoles en or du Saint sépulcre.
D’ailleurs, quand on lit les récits de voyageurs se rendant à Jérusalem, il en ressort toujours une certaine déception. Jusqu’à la fin du dix-neuvième siècle, le reproche portait sur les collines désolées qui entouraient Jérusalem, recouvertes de buissons et arbrisseaux laissés à l’abandon des troupeaux de chèvres, aujourd’hui les collines sont désolantes tant l’urbanisation a tout dévoré comme autrefois les troupeaux.
La Jérusalem céleste n’a d’ailleurs toujours été qu’un mythe historique, avant même la destruction du premier puis du second temple. Lisez une histoire sincère de la ville de Jérusalem, c’est quelque peu édifiant. Voilà une ville sans intérêt stratégique, sans port maritime ou fluvial, sans carrefour de routes important, qui se retrouve au milieu du déchaînement des passions religieuses depuis quatre mille ans ou presque, on a connu sort plus joyeux. Tout n’y est que massacres et tueries, troubles et violences, et quand on reproche actuellement aux Israéliens des excès bien rééls, on oublie un peu rapidement qu’en la matière, Arabes et Francs, Ottomans et même Albanais n’y sont pas allés de main morte en crimes et assassinats depuis des lustres, un peu comme si vivre à Jérusalem était forcément chercher les ennuis. Le monothéisme a le mérite qu’on s’y retrouve plus facilement dans les noms des Dieux, mais côté révélation et prophètes, il faut bien garder des motifs d’étripage.
C’est cela le problème avec la nature humaine, on a toujours besoin de trouver une bonne raison d’aller expliquer au voisin qu’il n’est pas chez lui et qu’il faut qu’il dégage. Et y aller avec une pétoire garantit de se faire entendre surtout lorsque ce voisin prétend être sourd. C’est beaucoup plus efficace que le rameau d’olivier pour procéder à l’expulsion.
Pour revenir à Jérusalem, ne croyez pas que la haine concerne seulement les juifs et musulmans. Les chrétiens se débrouillent aussi pas mal entre eux, et ce n’est pas forcément que des coups de crosse. Par le passé, on a sorti le fusil jusque dans le Saint-Sépulcre, et ne croyez pas que c’était pour que la poudre remplaça l’encens. Il arriva qu’on y brulât plutôt des cervelles que des cierges.
Jérusalem a toujours attiré les illuminés qui ne sont pas aussi forcément extatiques que Chateaubriand lorsqu’il remet au goût du jour le pèlerinage, dans son Itinéraire de Paris à Jérusalem publié en 1811 et qui relate son passage aux lieux saints du 4 au 12 octobre 1806 : Mais que l’on songe que j’étais à Jérusalem, dans l’église du Calvaire, à douze pas du tombeau du Christ, à trente pas du tombeau de Godefroy de Bouillon, que je venais de chausser l’éperon du libérateur du Saint-Sépulcre, de toucher cette longue et large épée de fer qu’avait maniée une main si noble et si loyale… et l’on croira sans peine que j’étais ému.
Pendant que Chateaubriand écrivait sa relation émue de voyage, ce qu’il ne dit pas, c’est qu’en 1808, un moine arménien assoupi près du tombeau du Christ un cierge à la main, prit feu, succombant à ses blessures en même temps que le feu se propageait aux environs détruisant l’édifice du tombeau du Christ. Les moines grecs, furieux, se vengèrent en fracassant les sarcophages des rois croisés. Les maçons musulmans engagés par les Franciscains pour restaurer les tombeaux des croisés furent pris à partie par les moines orthodoxes et tout dégénéra dans la ville, une rébellion éclata, les troupes en minorité du sultan désertèrent la cité pour revenir en force et au bout du compter, orner les remparts de la citadelle de quarante six têtes fraîchement découpées au sabre. De tout ce grabuge, il en ressortit que les moines Grecs regagnèrent la confiance du sultanat et qu’ils obtinrent le droit de construire l’édicule au-dessus du tombeau du Christ, qu’ils continuent d’administrer jusqu’à nos jours. Comme quoi, la paix et la fraternité sont un combat.
Toujours est-il qu’ayant descendu le mont des Oliviers, nous voilà arrivés dans la vallée du Cédron d’où il faut prendre un chemin qui remonte vers l’une des portes de la citadelle qui donne accès à la vieille ville de Jérusalem. A moins de suivre Chateaubriand pour s’asseoir au pied du tombeau de Josaphat, le visage tourné vers le temple, tirer de sa poche un volume de Racine, et relire Athalie : Oui je viens dans son temple adorer l’Eternel.
Dans l’Itinéraire, exalté, Châteaubriand raconte qu’il lui est impossible de dire ce qu’il éprouve alors. On le croit volontiers ! Il croit entendre les cantiques de Salomon et la voix des prophètes, il voit se lever l’antique Jérusalem devant lui, et les ombres de Joad, d’Athalie et de Josabeth sortir du tombeau, ne connaissant que depuis ce moment le génie de Racine, ajoutant : on ne saurait s’imaginer ce qu’est Athalie lue sur le tombeau du saint roi Josaphat, au bord du torrent de Cédron, et devant les ruines du Temple. Non, on ne peut se l’imaginer en 1806, mais essayons tout de même :
Pleure, Jérusalem, pleure cité perfide,
des prophètes divins malheureuse homicide :
de son amour pour toi, ton Dieu s’est dépouillé ;
Ton encens à ses yeux est un encens souillé.
Où menez-vous ces enfants et ces femmes ?
Le Seigneur a détruit la reine des cités :
Ses prêtres sont captifs, ses rois sont rejetés ;
Dieu ne veut plus qu’on vienne à ses solennités :
Temple, renverse-toi; cèdres, jetez des flammes.
Jérusalem, objet de ma douleur,
Quelle main en un jour t’a ravi tous tes charmes ?
Qui changera mes yeux en deux sources de larmes
pour pleurer ton malheur ?
Et Chateaubriand d’ajouter : la plume tombe des mains, on est honteux de barbouiller encore du papier après qu’un homme a écrit de pareils vers. Notre pèlerin de Jérusalem a bien raison, rien de plus haut que Racine dans les lettres françaises, il surpasse tout et Voltaire considère à juste titre qu’Athalie est son chef d’œuvre : Qui changera mes yeux en deux sources de larmes pour pleurer ton malheur ?, n’Est-ce pas là deux vers magnifiques qui nous invitent à se rendre, tout près au jardin de Gethsémani où le Christ a pleuré ?
Saint Josaphat prêchant, manuscrit grec du XIIème siècle
Auparavant, une dernière observation sur ce tombeau de Josaphat situé dans la vallée du Cédron. L’historiographie religieuse émet d’innombrables hypothèses toutes aussi complexes les unes que les autres sur l’occupant des lieux. Il existe dans la Légende dorée du Bienheureux Jacques de Voragine un Saint Josaphat qui ne serait pour certains que Bouddha béatifié, au motif de christianiser le dharma bouddhique. Et les plus syncrétiques envisagent même que Bouddha serait Saint Joseph le charpentier qui aurait transmis ses enseignements bouddhiques à Jésus, voilà une thèse quelque peu surprenante qui justifierait, pourquoi pas, de construire un temple hindou à Jérusalem, entre l’esplanade des mosquées, le mur des Lamentations et le Saint-Sépulcre, de quoi alimenter les querelles de voisinage qui ne manquent déjà pas !
En attendant d’improbables éclaircissements sur ce saint Josaphat des temps anciens, la vie si proche du Bienheureux Josaphat Chichkov nous éclaire sur le chemin rocailleux qui nous conduit à la cité céleste. Il est l’un des trois pères assomptionnistes bulgares béatifiés par Jean Paul II, qui furent assassinés par le régime communiste sous influence soviétique en 1952, après avoir été condamnés à mort lors d’un infâme procès, en même temps que l’évêque Bossilkov. l’essentiel est d’aller jusqu’à Dieu, en vivant pour lui, le reste est accessoire, nous dit ce Josaphat bulgare dont le destin tragique fut partagé par des fils de l’église orthodoxe sous ce même régime communiste. Ce qui nous invite à emprunter la liturgie byzantine : Dieu éternel, qui vis dans une lumière inaccessible… protège-nous, nous qui avons mis en toi notre espérance.
A ce rythme là, l’auteur virtuel va terminer prêcheur œcuménique au désert, enseignant aux petits scorpions, peut-être même qu’il va y retrouver le lion ailé de Marc, la salamandre de François 1er, et partir à la recherche de la dernière licorne : il est temps que le carême se termine, et puis Jérusalem rend fou, ce n’est pas Benjamin Disraeali qui dira le contraire, la cité céleste comme dirait Racine est bien cette cité perfide où le Feu sacré devient la mort sainte. Tenez, je vais vous raconter une histoire qui vaut son pesant de cierge…
Et mince ! Un saint Josaphat pouvant en cacher un autre, en voici un troisième, saint Josaphat Kuncewicz de Wladimir, archevêque de Polotsk et martyr du 17ème siècle. Lui qui marchait nu-pieds dans les plus grands froids des rigoureux hivers de ces régions, était promoteur de l’union de l’église grecque et de l’église latine, il fut assassiné dans l a chapelle du palais épiscopal de Vitebsk par une foule schismatique en furie. La violence est toujours mauvaise conseillère, ce n’est pas au jardin des Oliviers qu’on dira le contraire.
Pas certaine que Jérusalem ne soit pas un carrefour de plusieurs routes. En regardant une carte de la corne de l’Afrique – Moyen Orient – Europe du Sud-Est, sur terre, Jérusalem est un passage obligé entre ces trois régions. (avec la péninsule arabique) Ou passait la route des épices ? De la soie ? Du sel ? Actuellement, la route est celle du pétrole et du gaz ……………
Pour le Saint-Sépulcre, je découvre l’importance donnée aux sépulcres et en particulier à celui de Jésus, alors que la foi chrétienne repose en entier sur la résurection : l’évangile (la bonne nouvelle) étant la résurrection, le tombeau étant justement vide et donc sans aucune importance pour les premiers chrétiens et pour beaucoup de chrétiens, aujourd’hui encore.
(Je viens de vous lire sur la politique familiale française, déstabiliser les peuples, de toutes les façons possibles, les dé-sécuriser sur leur situation présente et à venir semble faire l’unanimité … ajouter de très nombreuses lois, depuis celles du code de la route, en passant par les déchets ménagers, alors que la justice (police) n’a déjà pas le temps et les moyens de s’occuper des réels ‘crimes’ …………….. les populations plient de plus en plus sous de multiples toutes petites contraintes qui misent bout à bout pèsent d’un poids toujours plus conséquent … la Grèce a certainement une simple longueur d’avance ……..
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