Les réseaux sociaux que nous devrions plutôt appeler réseaux asociaux tant ils encouragent à la diffusion de fausses nouvelles, à la propagation de rumeurs, aux associations d’assassins et à la malédiction du crime, les réseaux asociaux donc, célèbrent sur les boulevards incertains de l’internet des légendes urbaines qui, au premier abord, diffusent des odeurs exquises et appétissants bouquets ravissant les fleurs bleues égarées dans ce monde de brutes en ligne.
Derniers vestiges de l’ancienne usine LU de Nantes
Ainsi du biscuit qui est à la ville de Nantes ce que l’automobile est à Détroit, une industrie emblématique sur le déclin, dont les fleurons toujours en vie laissent une empreinte dans le palais de chaque écolier, que le temps ne peut effacer. Qui ne connaît le redoutable BN de la Biscuiterie nantaise traînant dans les sacs et cartables ? Il doit son succès à l’armée américaine qui débarqua en 1917 lors de la Première guerre mondiale et l’adopta pour entrer dans la ration quotidienne des GI’s Joe. Le BN serait aujourd’hui autant en sursis industriel que le troufion envoyé au front pourrir dans les tranchées, pour grignoter un dernier biscuit rassis en attendant la mort debout.
Qui ne connaît encore le formidable Beurré nantais, ce biscuit sablé rond, qui, comme le claironne la réclame, avec sa belle couleur dorée et son croustillant vous procure un plaisir unique pour les petites faims ou à l’heure du goûter !
Ou encore, qui n’a jamais cédé aux délices de la Paille d’or, cette délicate gaufrette au croustillant inimitable avec un cœur riche en fraises, fraises des bois ou framboises. A moins de préférer les Croustillants dorés, les Feuilletés dorés, les Pim’s et Bastogne, les Petits coeurs ou Chamonix, à chavirer de bonheur dans le beurre plus ou moins sablé ou chocolaté, la fraise des bois a encore de beaux jours dans les cours d’école.
Mais tout cela n’est rien en comparaison du Véritable Petit beurre, lui l’authentique LU de chez LU, la marque historique des biscuitiers Lefebvre-Utile, une famille légitimement appelée à la prospérité industrielle quand on joint l’utile à l’agréable. Au tournant du précédent siècle, les usines nantaises de LU employaient plus d’un millier d’ouvrières et ouvriers, sablant, beurrant et trimant à longueur de journée pour chavirer de bonheur les enfants à l’heure de la récréation. Un collectionneur nous en narre les détails dans un article à vous allécher les babines. Attention à la dégustation des deux-cents variétés de biscuits !
Jour de gloire à l’usine Lefebvre-Utile de Nantes, vers 1907 (collection Olivier Fruneau-Maigret ; HENRI DU CRAY – PHOTOGRAPHE)
Et c’est là qu’interviennent les réseaux asociaux et la légende urbaine. Le succès du petit LU aurait été garanti par une martingale infaillible, un sens caché donné aux dessins figurant sur le célèbre biscuit. Et donc, nous voilà apprenant tout comme un Petit écolier que le Petit LU « avec ses 52 dents, comme les 52 semaines de l’année, quatre coins comme les quatre saisons et 24 petits trous comme les 24 heures de la journée », serait ni plus ni moins qu’une allégorie du temps pour mieux y échapper. Sans oublier que la taille initiale de sept centimètres aurait rappelé les sept jours de la semaine, sans pour autant expliquer pourquoi alors ne pas choisir un carré plutôt qu’une forme rectangulaire pour évoquer les douze mois de l’année en quatre fois douze dents au lieu de dix dents de largeur et quatorze en longueur. Mais bon, même un petit biscuit, aussi authentique et petit beurre qu’il soit, ne peut être parfait !
Il se peut cependant que les précurseurs Louis-philippards de la dynastie à l’origine du Petit LU, auraient rencontré plus tôt Raymond Loewy né pour eux un siècle trop tard, cette perfection recherchée aurait été absolument atteinte, tout comme le fameux logo de LU dessiné en 1957 par le célèbre designer français qui trouva fortune aux Etats-Unis auprès des plus grands industriels. On doit à ce dernier parmi les plus fameux logos d’entreprise comme ceux de la BP ou de la Shell.
Qui a dit qu’il ne fallait jamais laisser entrer un ours dans une biscuiterie ?
En attendant, ancien petit écolier que nous sommes, nous préférerions que cette allégorie du temps prenne la forme ronde d’un biscuit qui évoquerait l’éternel retour, celui du temps qui passe et ne revient qu’en mémoire, expliquant pourquoi d’autres préfèrent voguer avec une madeleine au lieu d’un petit beurre aussi sablé qu’il soit.
Louis, fils de la famille d’industriels Lefebvre-Utile, servit de modèle pour imaginer le parfait petit écolier amateur de l’authentique Petit beurre LU.
J’ai LU attentivement votre article, ha ha !!
J’aimeJ’aime