Une femme chinoise en costume traditionnel hanfu a plus de chance de nos jours d’être courtisée que courtisane, car aux pays des hommes sans femmes, la concurrence est vive pour se marier. Ce qui n’est pas sans conséquences économique et sociale, voire internationale incroyables. Car si vous imaginez que les pays émergents que sont la Chine et l’Inde seront un jour des grandes puissances sous prétexte que leur PIB augmente durablement, ce qui se traduit effectivement par un rattrapage qui a fait l’objet d’innombrables études sur le décollage économique depuis Rostow dans les années 1960, c’est ignorer qu’un jour ou l’autre la démographie se venge quand on bouscule des traditions séculaires, volontairement ou non.
La Chine et l’Inde sont aujourd’hui confrontées à un autre phénomène sociétal inquiétant qui déstabilise déjà les deux pays, et même au-delà de leurs frontières, c’est la tragédie des hommes sans femmes. En Chine, ce phénomène a commencé avec la décision politique d’imposer, par la contrainte si nécessaire, le régime familial de l’enfant unique pour arrêter la croissance démographique d’un pays surpeuplé qui comptait dans les années soixante sept cent millions d’habitants comme le chantait alors Jacques Dutronc. La famine de la fin des années 50 début 60, dont les motifs n’étaient pas démographiques mais issues de décisions politiques funestes, a conduit le régime communiste à imposer à chaque famille de n’avoir qu’un enfant, les contrôles du parti jusque dans le fin fond des campagnes pouvant obliger les femmes à avorter dès lors qu’un couple avait un enfant.
Les conséquences de la politique démographique chinoise ont été triples. L’objectif de maîtrise démographique a été atteint au-delà de toute espérance, le taux de natalité chutant pour devenir l’un des plus bas au monde, à l’égal des vieux pays européens ; et la Chine s’apprête désormais à basculer dans la catégorie des nations confrontées aux questions de vieillissement, santé, retraite et dépendance, d’autant que rien n’avait été vraiment prévu puisque la tradition chinoise veut que ce soit les enfants qui s’occupent des parents en âge avancé. Le second objectif de la politique de l’enfant unique est en passe d’être atteint, il s’agissait de faciliter pour la nation et les familles l’élévation du niveau d’éducation désormais concentré sur un enfant et non plusieurs. Seulement, voilà, le parti communiste chinois a oublié la préférence traditionnelle plurimillénaire pour les garçons, plus aptes dans les tumultes historiques et la mentalité chinoise à assurer la survie de la famille.
Rapport de masculinité, hommes/femmes en Chine (1980-2000) ; source : https://www.ined.fr/fr/tout-savoir-population/memos-demo/analyses/chine/
Résultat, alors que le taux traditionnel d’écart entre les sexes à la naissance était de 105 garçons pour 100 filles, taux déjà largement inhabituel car les écarts entre sexes dépassent rarement 102/100, cet écart a bondi depuis le milieu des années 1990 à 116 garçons pour 100 filles, soit plus simplement 7 garçons pour 6 filles. A l’échelle de la Chine peuplée de 1,36 milliard d’habitants, les calculs du Fond des Nations unies pour la population (FNUAP), créé par l’ONU en 1967, ont abouti à estimer qu’en 2010, le nombre de Filles manquantes (« Missing girls ») par rapport an nombre d’hommes représentaient, à l’échelle de la pyramide démographique du pays, 66 millions, soit 10% de la population féminine du pays. Historiquement une telle distorsion n’a existé qu’une fois, dans le Far West américain, au XIXème siècle lors de la conquête de l’Ouest, dans le Dakota. En Inde, si les traditions et motivations de maîtrise démographique sont identiques, ce pays démocratique n’a pas choisi la contrainte mais la pédagogie par une politique d’éducation familiale en facilitant notamment l’accès à l’avortement des femmes. Mais le résultat a été identique s’agissant de la distorsion à la naissance du ratio des sexes, les couples ayant désormais accès à des tests prénataux pour connaître le sexe des enfants. La distorsion est moindre et plus tardive, mais le nombre de filles manquantes s’élevait déjà à 43 millions en 2010.
Pour bien comprendre l’ampleur de la catastrophe démographique à venir, celle-ci concerne d’abord le tiers de la population mondiale concentrée en Inde et en Chine ; et suivant les calculs du FNUAP, 109 des 117 millions de « filles manquantes » à l’échelle du monde sont concentrées dans ces deux pays. Mais surtout les effets en sont cumulatifs. C’est d’abord une question de « cohorte » statistique liée à l’âge moyen du mariage. Les femmes se marient en général en Inde à 20-24 ans et les hommes à 25-29 ans. Déjà pour ce dernier pays, entre 2000 et 2010, il y avait 9,2 millions d’hommes en âge de se marier entre 25 et 29 ans pour seulement 7,6 millions de femmes susceptibles de se marier âgées de 20 à 24 ans soit un éartat de 121 à 100. Et l’écart va aller grandissant car les jeunes hommes adultes se retrouvent en rivalité avec des hommes adultes n’ayant pu se marier et qui souhaitent toujours se marier pour un nombre de femmes identique voire en diminution dans la génération suivante.
Cet effet d’échelle de perroquet va conduire, si rien ne change, à ce que, d’ici 2030 et jusqu’en 2050 le nombre d’hommes célibataires souhaitant se marier serait supérieur de 30% au nombre de femmes célibataires, c’est à dire qu’aujourd’hui, dans le meilleur des cas, quoiqu’il arrive, plus d’un indien et d’un chinois sur trois sont voués au célibat, sauf à trouver des solutions à l’étranger, qui au regard du nombre sont impossibles à trouver. Certaines études conduisent même à estimer que deux hommes sur cinq pourraient rester célibataires à l’horizon 2050 en prenant en compte des évolutions sociologiques telles que l’augmentation du niveau d’éducation des femmes.
En effet, la sociologie de couple assez universelle, mais plus accentuée encore en Inde et en Chine, conduit à ce qu’une femme épouse un homme de son niveau d’éducation ou de niveau supérieur tandis qu’un homme épousera une femme de son niveau d’éducation ou de niveau d’éducation inférieur, sur la base d’une échelle d’éducation primaire, secondaire ou supérieure. Résultat, les femmes de niveau d’éducation supérieur ont plus de difficultés à se marier, se marient plus tardivement, voire restent célibataires, et plus le niveau d’éducation des femmes s’élèvent, plus elles sont nombreuses à rencontrer des difficultés pour se marier, étant aussi en concurrence pour trouver des hommes d’éducation supérieure qui choisissent des femmes de niveau d’éducation secondaire. nombreuses sont celles qui préfèrent rester célibataires, ce phénomène touchant la Chine et l’Inde comme il a déjà frappé le Japon et la Corée du sud. Le célibat a donc de l’avenir en Inde et en Chine, surtout pour les hommes ayant peu d’éducation qui ne disposent pas de moyens financiers pour constituer une dot et en rivalité avec les hommes de toute éducation pour trouver une femme, les femmes dotées de diplômes universitaires, toujours plus nombreuses, disposant de leur côté de « ressources » très recherchées dans le vivier des hommes. La rivalité entre hommes pour se marier est d’autant plus forte que les deux pays considèrent le célibat comme un déclassement social, le mariage pour tous n’ayant pas vraiment le même sens qu’en France. On n’existe pas quand on n’est pas marié en Chine et plus encore en Inde où les principes du mariage obéissent encore à l’organisation des castes qui restreint encore pour les hommes les possibilités réelles de se marier.
Mariée indienne Tout cela ne serait que sociologie et statistiques étonnantes, s’il n’y avait derrière ces chiffres une réalité humaine catastrophique. Ils étaient en effet déjà plus de 100 millions d’hommes sans perspectives de mariage en 2010 dans ces deux pays où le mariage est une institution loin de défaillir comme en Occident. Ils seront bientôt à l’horizon 2030, 160 millions en Chine et autant vingt ans plus tard en Inde.
Couple indien bollywoodien : this guy is Lucky !
Et au niveau sociétal, les conséquences se font déjà sentir avec l’élévation de la violence criminelle, la corrélation entre le nombre de crimes et l’augmentation de l’écart de sexes a là naissance étant en moyennes de six points de plus pour les agressions sexuelles pour un point supplémentaire de distorsion. La demande en matière de prostitution augmente, au grand bonheur des réseaux de proxénètes. Les enlèvements de femmes se multiplient y compris pour l’organisation de mariages forcés et la pression familiale et de proximité pour pousser les femmes au mariage ne cesse de croître dès lors que la demande est de plus en forte en nombre d’hommes disponibles de plus en plus âgés et ayant des situations installées. Les effets dramatiques se font désormais sentir sur les pays proches. Il existe déjà des réseaux structurés pour que des hommes chinois trouvent femmes en Birmanie ou au Vietnam, de même que la réalisation de transactions financières pour trouver des jeunes femmes en Corée du Nord semble une pratique assez courante. Même les journaux pékinois donnent des conseils pour trouver des femmes à l’étranger, n’hésitant pas à publier le classement des dix meilleurs lieux pour concrétiser le rêve de générations entières d’hommes chinois. L’Ukraine est apparemment une terre de promesse. Mais la recherche à l’échelle mondiales de femmes à épouser ne suffira pas à satisfaire une population en manque cruel de femmes, car ce sont les catégories les plus défavorisées, ayant peu d’éducation qui sont les plus concernées.
Plus besoin de danser : les gars sont là et attendent !
C’est pourquoi, en conclusion, on ne peut exclure deux conséquences beaucoup plus dramatiques encore, surtout pour la Chine dont la pyramide démographique est très déséquilibrée et qui va être confrontée à des difficultés économiques pour financer la demande en santé et prises en charge de personnes âgées, un enfant seul se retrouvant désormais à s’occuper de ses deux parents. A l’intérieur, les troubles sécuritaires liés à des masses gigantesques d’hommes célibataires ne vont cesser d’augmenter ; à l’extérieur, ces masses d’hommes, plus de 160 millions pour chacun des deux pays à terme, inciteront à prendre des postures belliqueuses, la solution étant peut-être pour la Chine en tout cas d’exporter ses hommes par la guerre, car les guerre entre les nations on a toujours des causes immédiates, mais aussi à chaque fois, des causes beaucoup plus profondes. Disposer d’un réservoir de 160 millions d’hommes célibataires est d’ici quinze à vingt ans, une raison sérieuse de vouloir dominer le monde par la force. Cette situation préoccupante en Chine est certes identique en Inde ; mais ce pays d’abord n’a pas de pyramide démographique déséquilibrée, sa population continuant de croître ; et l’Inde est un pays démocratique, qui comme tout pays démocratique n’est pas sans défaut loin de là. Mais, les régimes démocratiques n’ont pas vocation, par nature, à être expansionnistes et ne se font pas la guerre entre eux, ce qui est déjà rien que pour cela une supériorité intrinsèque de la démocratie par rapport aux régimes autoritaires de toute nature.
Le maharadjah a encore toutes ses chances de se marier à condition d’avoir gardé la Rolls du grand-père, car pour une poignée de diamants, c’est pas gagné !
Et c’est donc pour cela que l’Inde ne peut être qu’un pays amical, alors que la Chine derrière son masque bienveillant dissimule un régime communiste autocratique dont on ne peut exclure qu’un jour, pour régler ses multiples questions intérieures, en vienne à adopter une politique extérieure agressive. Car dites-moi, que feriez-vous de 160 millions d’hommes célibataires à vie si vous étiez à la tête d’un pays tel que la Chine ? La guerre est une solution et c’est pourquoi ses volontés expansionnistes en mer de Chine, dans l’Océan indien ou en Afrique sont lourdes de menaces, car simples travailleurs ou soldats, tous ces hommes célibataires n’ont pas vocation à revenir en Chine où aucune femme ne les attend, et encore moins d’enfants qui ne peuvent être qu’illégitimes.
Heureusement qu’il reste Bollywood pour les célibataires indiens
Et ceux qui s’imaginent que la Chine est un sympathique pays, plein de bonne volonté, se trompent. Il ne le deviendra que le jour où elle deviendra une démocratie, les conditions étant loin d’être réunies à ce jour. Ouvrez les yeux : regardez comment sont traités les Tibétains, les Ouïgours, les adeptes de Falun Gong, ou les Catholiques romains, sans parler du racisme viscéral envers les Noirs, la Chine a changé économiquement mais c’est tout. Et ses célibataires attendront comme le ciel attendra.
Fini le marketing lors du défilé du soixantième anniversaire de la Révolution chinoise, faut rallonger la longueur des jupes dans l’armée, cela rend nerveux les célibataires !