Kirikou et Poil de carotte à la samba des Bamboulas

Le cabaret antillais emblématique et club de jazz du Paris des Années folles, rouvrira ses portes début 2017

Est-ce parce que nous sortons de période carnavalesque, mais tous ces temps derniers, les Français qui sont un peuple égoïste d’agités du bocal, vivent dans le tintamarre burlesque des promesses hurluberluesques, au rythme des élections et des promesses démagogiques, marquées par les danses de scalp dégarni, qui se terminent inéluctablement par une ultime valse de millions et de milliards : pour un million, on déniche une assistante parlementaire indigne d’une héroïne mythologique, et pour quatre cents milliards, t’as carrément plus rien que l’universel !

Dans cette ambiance joyeuse où la vie politique retrouve le cadre des scènes de la vie parisienne d’antan avec chapeau clac de gigolos, fric-frac de rigolos et frou-frou à gogos, on ne peut que saluer le courage du Défenseur des droits d’aborder un thème aussi farfelu que le contrôle au faciès par nos irréprochables forces de l’ordre public, qui sont à la loi et au droit ce que la matraque télescopique est à la voie lactée, à chacun son trou noir.

Et voilà donc, pour les besoins de la démonstration, que Kirikou et Poil de carotte ont décidé en cette période de carnaval de se rendre à un bal masqué, ohé-ohé, ragaillardis par l’intervention musclée du Défenseur des droits à un poste de radio : « Je propose que les contrôles d’identité deviennent objectifs. Que l’on sache où on les fait, qui les fait et pourquoi on les fait. Et que les personnes qui y sont soumis aient une possibilité de recours« . Rassurons tout de suite, ceux qui ne sont jamais contrôlés: le Défenseur des droits aurait pissé dans un violon que ce serait la même chose, surtout si ce violon est une cellule de garde à vue destinée à accueillir dans la joie et l’allégresse bamboulesques, les récalcitrants de l’association ingénieuse de la matraque et du télescope.

Revenons à nos amis Kirikou et Poil de carotte. L’un a les fesses noires ; selon les forces de l’ordre qui croient les yeux fermés nos livres d’histoire, il se promenait autrefois tout nu en Afrique avant d’envahir l’Europe où il s’est réfugié après que  le déluge eut submergé les sables du Sahara pour lui permettre de traverser la mer méditerranée.

L’autre a une barbe éparse, ressemblant a un Celte égaré en Irlande,occupé à boire des bières et danser avec des ressorts, au milieu de gazelles aussi rousses que le scotch vieux de mille ans.

Celtic Legends 1

La nature est ainsi faite que nos amis Kirikou et Poil de carotte, par pur hasard de la nécessité romanesque, sont jumeaux, et donc par lapalissade, authentiquement frères nés d’une même mère et d’un même père, le même jour, dans une même maternité, du même ventre, à quelques minutes d’intervalle: les actes de naissance et livret de famille en témoignent. Bref, ils sont jumeaux, toutes ces précisions étant certes bien inutiles dans le contexte d’un conte ou d’une fable puisque nous pouvons tout nous permettre en monde imaginaire. Dans la réalité, c’est autre chose, c’est bien connu, il est improbable que la nature soit généreuse au point que Kirikou et Poil de carotte puissent être frères, et encore moins jumeaux, cela se saurait.

 

Et pourtant, pour les besoins de la cause, imaginons un instant que Kirikou et Poil de carotte soient frères. Pour l’instant tout va bien. Là où cela se gâte, c’est quand ils décident de se rendre en période carnavalesque, à la samba des Bamboulas, qui se tient à proximité de la rue Blomet, près de l’ancien Bal Nègre, appelé encore autrefois bal Colonial. Ils prennent donc la voiture, nos jumeaux, et tirent au sort pour savoir qui va conduire. Pile, c’est Kirikou, face Poil de carotte. Cela tombe pile pour notre conte, voilà Kirikou qui prend le volant. Et les ennuis qui commencent.

Un rassemblement pour protester contre le nom "Bal Nègre" s'est tenu dimanche 5 février à Paris

Car à peine sortis du garage situé dans la banlieue des relégués, voici que toutes sirènes hurlantes, de vaillants policiers les arrêtent: contrôle des papiers. Et Comme dirait Magritte, ceci n’est pas destiné à devenir un interrogatoire par un lieutenant dans un commissariat de police.

Rassurons tout de suite nos lecteurs. Le sort eut été face qu’il n’y aurait pas eu de contrôle farce: Poil de carotte n’est jamais contrôlé quand il conduit. Mais allez savoir pourquoi, quand Kirikou est au volant, la juste, légitime et suspicieuse police subodore le coup fourré sur la chaussée, un affectueux et convenable bamboula de trop dans les parages ! Et donc, la vérification des papiers, s’impose.

Heureusement, Kirikou est habitué à ces interventions intempestives qui font de nos forces de l’ordre des hérauts de politesse : cher monsieur Bamboula, vos papiers à ce qu’il ne vous déplaise et ne vous blesse ! Tenez, que je vous embrasse, les voici, ne vous plaise et vous sied, juste sénéchal.

Dans le meilleur des mondes, on peut souhaiter que les contrôles d’identité deviennent « objectifs ». Dans la réalité telle qu’elle est aujourd’hui, n’importe quel contrôle dépasse l’entendement subjectif, y compris celui de Kirikou qui se rend en voiture avec son frère Poil de carotte, à la samba des Bamboulas qui n’est plus le bal Nègre. En la cisrconstance circonstanciée, le policier suspicieux par nature, estimera ainsi « impossible » que les pièces d’identité de Kirikou et Poil de carotte indiquent un même nom, un même lieu et une même date de naissance pour deux êtres aussi physiquement différents et qui prétendent être frères. Forcément, il y a fraude. La suspicion devient irrationnelle, elle gagne les esprits de la patrouille qui entre en transe, nos amis ne risquent plus d’aller au bal masqué, ils se retrouvent enchenillés dans la danse de saint-guy policière du bal des démasqués : descente du véhicule, fouille au corps, fouille du véhicule, contrôle du permis de conduire, de la carte grise  et de l’assurance sans oublier le contrôle technique, l’interrogation à distance des innombrables fichiers de police, quarante-cinq minutes montre en main pour arriver à la conclusion que les pièces d’identité semblent en règle mais qu’il est impossible que deux êtres humains, l’un blanc, l’autre noir, puissent être frères et encore moins jumeaux. Allez hop, tout cela n’est pas très clair, au ballon, histoire de justement prendre le temps d’y voir plus clair !

Et c’est ainsi que chaque jour, nos forces de l’ordre, avec la bénédiction des plus hautes autorités de l’Etat, contrôlent, menacent, fouillent des milliers de jeunes Noirs en France, traités comme du bétail, de la canaille et de la racaille, Usual Suspects for ever,  qui n’ont que pour seul tort d’être frères de couleur des jeunes « caucasiens », et même dans le cas de Kirikou le jumeau de Poil de carotte. L’un échappe toujours au contrôle, l’autre est systématiquement contrôlé, allez savoir lequel.

Il n’est pas une famille d’enfants blancs qui supporterait que leur progéniture soit systématiquement et vigoureusement contrôlée sur le chemin du lycée, jusqu’à plus de vingt fois dans l’année comme il a été relaté à l’auteur virtuel par un père en colère. Mais que cela soit un fils de Bamboula, c’est dans l’ordre des choses, convenable et même affectueux, pour reprendre l’expression odieuse d’un prétendu magistrat qui donne des leçons publiques désincarnées sur les droits et libertés, et qui n’est en vérité qu’un vieux monsieur usuellement raciste au point de ne pouvoir imaginer que son expression ridicule véhicule toute la haine verglaçante de l’autre !

Contrôles de police

Car rien n’a véritablement changé en France depuis l’époque du bal Nègre qui s’appelait aussi bal Colonial, au point que l’homme d’affaires qui a racheté les lieux imaginait encore ces temps derniers qu’il était possible de reprendre la réclame du bal Nègre, Pauvre de nous, tout comme les éditions des albums de Tintin ne prennent aucun gant pour publier sans avertissement aux enfants et adolescents,  Tintin au Congo qui suinte toujours d’ambiance coloniale près d’un siècle plus tard. Au lieu d’interdire ce torchon blanc d’époque, ce qui irait à l’encontre de l’objectif de compréhension du monde moderne, le moins qui puisse être fait, serait tout de même d’expliquer aujourd’hui au jeune public de sept à soixante-dix sept ans qui tomberait sur cet album, ce regard et cette arrogance coloniale d’antan lontan, qui font de cette histoire l’archétype de l’esprit de supériorité des Occidentaux envers les Noirs, que véhiculent ces bandes dessinées bientôt centenaires. Rien que les changements intervenus au fil du temps en apportent la preuve: ainsi, entre la version noir et blanc de Tintin au Congo datant 1931, et celle en couleur de 1946, le cours sur la patrie belge est remplacé par une leçon de mathématique.

Et puis, quand un représentant du principal syndicat de police ne trouve rien d’inconvenant à déclarer que le terme bamboula est assez convenable pour s’adresser à un Noir, alors n’en doutons plus, tout va bien en France, dormez, braves Gens, la police veille, surveille, matraque et peut se permettre d’étouffer sans remords les libertés publiques. Tout le monde se fout des Noirs dans ce foutu pays, ils n’avaient qu’à ne pas être nés nègres ! Vous imaginez Barack Obama président de la France ? Pourquoi pas le raciste Donald Trump pendant qu’on y est ? D’une certaine façon, c’est déjà fait dans les cœurs sur ce dernier point: selon un sondage de 2017, 57% des policiers français voteraient pour le Front national à la prochaine élection présidentielle. Ils seraient désormais 80%. Au fond, Etre ou ne pas être comme Tintin, telle est la question posée par les contrôles à la matraque .

Et beaucoup d’autres Français pensent aussi de même, qu’il y a beaucoup trop de Latinos en Amérique et qu’il y a trop de bamboulas en France en dehors des heures de sambas. Mais attention, c’est différent. En France, bamboula, c’est affectueux, et l’affection bien comprise se donne à coups de matraque télescopique. Ce n’est pas la police des polices qui dira le contraire, elle qui vient d’inventer la notion spectaculaire du viol par inadvertance, un nouveau casse-tête juridique prometteur pour les damnés des prétoires. Ce n’est pas par hasard que les membres de cette inspection sont surnommés les bœuf-carottes, ils sont au ragoût de cuisine ce qu’est le linge sale de famille lavé en buanderie, un art de nettoyer sans toucher le bâton de merde pour le rendre intact aux méritants indécrottables de la bavure en cellule de garde à vue.

Heureusement, dans ce merveilleux pays des droits de l’Homme qu’est la France, nous pouvons prétendre à ce qu’une famille formidable de la bourgeoisie exemplaire de province s’installe à l’Elysée pour nous donner pendant cinq ans renouvelable des leçons de civisme, d’abnégation et de dignité, Pauvre de nous ! Comme dirait l’un de leurs amis milliardaires narcissiques, qui comprend les difficultés matérielles d’une famille nombreuse et n’hésite pas à s’engager en finançant une fondation intitulée Culture et Diversité, pour favoriser l’accès aux jeunes issus d’établissements d’éducation prioritaire (sic !) aux arts et à la culture. Donc, comme dirait l’ami Marc expliquant l’engagement vécu comme la contrepartie nécessaire à la réussite économique : j’ai fait mienne cette phrase de Talleyrand qui disait  « qu’au début d’un incendie, il suffit d’une carafe pour l’éteindre, puis il faut des seaux, et pour finir, les lances à incendie ne servent à rien. » Citer cette crapule gluante de Talleyrand, il faut oser. On a les références morales que l’on peut. Mais comme dirait Audiard, référence bien moins niaise, les cons ça osent tout. C’est même à cela qu’on les reconnaît.

Heureusement, cher Marc et cher François, dans ce pays où chaque jour des braises de colère sociale et raciale jamais éteintes s’enflamment à nouveau, et où les lances à incendie ne servent désormais plus à grand-chose, nous ne pouvons craindre désormais, qu’un petit juge envoie pour l’exemple, quelques jours, peut-être même simplement quelques heures, Pénélope en prison, dans même tenter de faire croire qu’il serait  temps d’en finir avec l’impunité des gouvernants: la guerre civile que nous avons déjà annoncée comme proche, aura bien lieu, mais plus tôt que prévue.

En attendant, même si les variantes se multiplient de la même vignette de Tintin en Amérique (1931, 1946 et 1973), e très nombreux Français, héritiers d’une nation millénaire, vivent toujours avec les clichés en tête de l’année 1931, année coloniale.

De plus, nombreux sont ceux qui participent à l’autre pathétique comédie de la vertu drapée dans l’antiracisme de façade. les deux camps se rejoignant pour ignorer l’immense détresse et misère de populations entières vouées au chômage et abandonnées à leur sort dans les campagnes, les petites villes ou les banlieues sordides dont elles n’ont pas le droit de sortir sans être fouillées aussi au corps, à la matraque télescopique.

Et pour celles et ceux qui ne comprennent pas ce parallèle nous conseillons de lire l’article ci-après de Jean-Paul Chapon sur Clichy-sous-Bois, écrit en 2009 et dont la photographie ci-dessous est issue. Rien n’a véritablement changé concernant Paris et sa banlieue depuis les émeutes de 2005, sauf que nous avons désormais en plus dans ce paysage inhumain, les fous de l’islam du néant.

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Strasbourg, Nice ou la Savoie n’étaient pas des provinces françaises que les Antilles et la Guyane étaient déjà rattachées à la France. Pourtant, Antillais et Guyanais sont toujours considérés comme des citoyens de « seconde zone », ne demandez pas pourquoi !

Une réflexion sur “Kirikou et Poil de carotte à la samba des Bamboulas

  1. Béréenne attitude 7 mars 2017 / 21 09 24 03243

    Je n’ai regardé que les photos. Soudain, le chien, les pattes contre le mur m’a déclenché un sourire. Le premier depuis le début de votre article……le seul…

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