Sur la trace des Vikings

The Duchy of Normandy was created in 911 at the treaty of Saint-Clair-sur-Epte (Val d’Oise) and signed by Charles the Simple of France and Rollo the Viking leader.

Pour nous qui aimons la Normandie, ses pommiers, ses prairies et surtout ses habitants, il y a mille cent ans d’histoire à explorer entre les premières invasions des Vikings qui remontent la Seine en 841 et le débarquement des troupes alliées le 6 juin 1944 qui transforme cette douce province française en une terre héroïque anglo-saxonne, « ze Normandy ». Certes, les GI’s ne sont plus guère nombreux à faire le pèlerinage annuel faute de vétérans encore vaillants, mais les Vikings ces temps derniers nous assaillent de tous bords. Les séries télévisées les rendent populaires, ce qui n’a rien d’étonnant en cette époque troublée où manier la hache et le coutelas avec dextérité redevient une mode sanglante à défaut d’être élégante.

ROLLO

Rollon le Viking, prince de Norvège et duc de Normandie (846-932) : après avoir mené des raids en Ecosse, Angleterre ou Flandre, il s’installe en Neustrie, dans les boucles de la Seine, d’où il terrorise les Francs, menant des expéditions jusqu’à Paris où il est cependant battu. Charles III le Simple lui propose alors une partie de la Neustrie en contrepartie de l’arrêt des incursions et sa conversion au christianisme. 

Une université anglaise vient même d’obtenir de la Commission nationale informatique et libertés (CNIL) l’autorisation de prélever  un peu d’ADN auprès de cinq cents villageois de souche du Cotentin pour comparer avec des Suédois, Danois et cousins Anglais afin de mettre fin à une incertitude historique palpitante. C’est qu’il serait temps de savoir si nos ancêtres les Vikings sont venus avec leurs femmes ou bien s’ils ont pris épouses sur place comme on le subodore, lors de leur installation définitive au pays des hommes du Nord, qui fait suite au traité conclu par leur chef Rollon en 911 à Saint-Clair-sur-Epte, avec le roi des Francs Charles III le Simple qui leur concéda le comté de Rouen et ses environs, la future région de Haute-Normandie.

Naissance de la Normandie. 911, le traité de Saint-Clair-sur-Epte. Michel Pierre réunit les conférences de quelques historiens, linguistes et archéologues sur le duché de Normandie, notamment le Vexin normand.
Entre 841 et 911, les drakkars surchargés de Vikings avaient eu le temps de se faire une solide réputation. La remontée de la Seine ou d’autres rivières s’accompagnait de massacres, pillages et violences qui suscitèrent l’effroi auprès des populations locales et jusque dans la capitale menacée par les incursions. La destruction de la prestigieuse abbaye de Jumièges marqua les esprits. C’est que les Vikings ne se limitaient plus à descendre pour un temps depuis les côtes scandinaves, le long de la mer du Nord et de la Manche jusqu’à l’embouchure de la Seine. « Rolf le marcheur » et ses compagnons s’y étaient installés à demeure, trouvant le climat à leur convenance, ce que l’on peut comprendre quand on vient du Nord.

Charles III (879 – 929) “The Simple” King of Western Francia, was my 1st Cousin 32x removed. In 911AD, to prevent another siege of Paris, he negotiated and granted, in the Treaty of Saint-Clair-sur-Epte, Rollo (AKA Robert I 846-931 the Viking), an area of land, which would later be known as Normandy. Rollo’s descendants were the Dukes of Normandy, and following the Norman conquest of England in 1066, kings of England. Rollo was my 29x GGF and his 9x GG Son was Edward I, my 18th GGF

Portrait de Charles III le Simple, roi des Francs, qui proposa habilement la paix aux Vikings plutôt que de poursuivre une guerre incertaine et ruineuse

Au lieu de rentrer chaque année pour l’hiver au pays ce qui limitait leur pouvoir de destruction, les hordes scandinaves multiplièrent ainsi les raids dans la région, s’éloignant de la Basse-Seine pour aller piller bien plus loin, s’en prenant à Bayeux ou Saint-Lô, conduisant le roi des Francs à proposer aux envahisseurs le comté de Rouen pour mettre fin aux pillages en contrepartie de cesser les invasions du royaume franc et de se convertir au christianisme.

eglise de Saint Clair sur Epte. Ile-de-France

Porche de l’église de Saint-Clair sur Epte, bourg de mille habitants situé dans le Vexin français à mi-distance de Paris et Rouen.

La paix n’exclut pas la méfiance. la vallée de l’Epte, une douce rivière qui serpente de Gisors jusqu’à la Seine où elle s’y jette en aval de la Roche-Guyon, devint une vallée fortifiée sur chacune des rives. Plus tard, les Normands bâtiront la forteresse de Château-Gaillard d’un côté tandis que de l’autre, les Francs renforceront le château de la Roche-Guyon promis à d’innombrables événements.

Ruines du château Gaillard, vues de l’autre côté de la Seine Lithographie JOLY, 1825 Voyages pittoresques et romantiques dans l'ancienne France, Vol 2, planche 183 © gallica.bnf.fr/ Bibliothèque nationale de France - See more at: http://voyagespittoresques.paris.fr/les-andelys/article/ruines-du-chateau-gaillard-vues-de#sthash.klvQAHh1.dpuf

Vue de l’autre côté de la Seine des ruines de la forteresse de Château-Gaillard édifiée aux Andelys par Richard Coeur de Lion en un an (1196-1997) ; lithographie Joly, 1825, extraite de Voyages pittoresques et romantiques dans l’ancienne France, volume 2, Gallica, BNF. 

Et si les Vikings tinrent leur promesse de se convertir, ce ne fut pas sans difficulté. Ils avaient tellement pillé d’abbayes et prieurés, faisant fuir les moines à grandes enjambées pour sauver leur cou, que ces derniers se firent prier pour revenir sur les lieux des massacres restaurés par les Normands :  c’est ainsi que les monastères de Fécamp et Jumièges finirent par être relevés, désormais sous bonne garde normande en même temps que la Bénédictine se remit à couler.

Ruines de l’Abbaye, côté du nord  Lithographie DAGUERRE, Louis, 1820 Voyages pittoresques et romantiques dans l'ancienne France, Vol 1, planche 12 © gallica.bnf.fr/ Bibliothèque nationale de France - See more at: http://voyagespittoresques.paris.fr/jumieges/article/ruines-de-l-abbaye-cote-du-nord#sthash.vgStk5kB.dpuf

Ruines de l’abbaye de Jumièges en 1820 ; lithographie Louis Daguerre, extraite de Voyages pittoresques et romantiques dans l’ancienne France, volume 1, Gallica, BNF. 

Mais tandis que la paix à l’Est avec les Francs était respectée, les Normands continuèrent de guerroyer, cette fois à l’Ouest. Ils envahirent le Cotentin et l’Avranchin et en chassèrent les Bretons, occupant le fond  de la baie qui allait devenir celle du Mont-Saint-Michel dont on oublie trop souvent de mentionner qu’il s’agit d’un territoire normand : la restauration du monastère sous le fils de Rollon, Guillaume Longue-Epée, connut une subite accélération avec la décision prise par Richard 1er « Sans Peur » de confier la destinée de l’abbaye aux Bénédictins en 966 ; et  l’installation des moines intervint après que le duc de Normandie se fut rendu à Avranches en cortège avec des prélats venus de toute la Normandie et des moines extraits des cellules des abbayes normandes de Fécamp, Saint-Wandrille, Jumièges ou Saint-Taurin d’Evreux, aux fins d’y établir la règle bénédictine et d’y construire ce qui allait devenir la Merveille de l’Occident.

 Mont-Saint-Michel, France
Abbaye du Mont-Saint-Michel,  « merveille de l’Occident »

Etrange histoire donc que celle de ces navigateurs vikings païens ayant semé la terreur pendant soixante-dix ans et qui en échange de terres et de la paix avec le royaume franc, devinrent de pacifiques paysans et se convertirent au christianisme, protégeant désormais ceux qu’ils n’avaient eu cesse de persécuter, supplicier et martyriser.  On leur doit d’innombrables chefs d’oeuvre architecturaux ou artistiques, et l’une des plus grandes gestes historiques, la conquête de l’Angleterre, marquée le 14 octobre 1066 par la victoire à Hastings de Guillaume le conquérant sur les Anglo-saxons et la mort d’Harold.

A Croisset, en Haute-Normandie, le café tient lieu de poste de secours contre la soif

Reste à savoir à qui on doit le cidre et le calva, question d’importance qu’il convient de ne pas négliger. S’agissant du calva, l’eau-de-vie doit tout au génie normand qui mit cinq siècles à mûrir le processus de fabrication, la première mention écrite de ce breuvage alambiqué remontant semble-t-il en 1553 tandis que la corporation des distillateurs voit le jour en 1600.

Calvados: the really good stuff -- nearly 150 years old.

Calvados du pays d’Auge vieux de 150 ans, autre merveille de Normandie

Pour le cidre, c’est plus compliqué. Les Basques ne manquent pas de prétentions et d’attestations en la matière. Et le géographe grec Strabon mentionne sa consommation au pays basque pour ajouter de suite que ce breuvage abonde dans toute la Gaule, ce qui n’avance pas nos affaires. De plus, Romains,  Grecs, Hébreux et Egyptiens en consomment aussi, sans certitude sur le contenu authentique de la boisson consommée, faute de description des techniques de fabrication. Si on s’en remet aux écrits, les premières traces de production du cidre à partir de pommeraies apparaissent en 1189 en pays de Labourd, alors une province  du royaume de Navarre qui émet ordonnances et décrets royaux. Comme quoi, tout se termine toujours en France par des lois et des décrets, les mamelles de nos us et coutumes.

la route_du_cidre

Une route du cidre en pays d’Auge tout aussi prometteuse que la route des manoirs

Toujours est-il que selon des ethnologues ayant abusé du calva, les Vikings semblent avoir eu pour habitude de chanter sur leurs drakkars : quand le Phitarra (cidre) viendra, on s’en repartira. Visiblement ils ont attendu bien après 1189 que le cidre s’en vienne du Labourd et aux dernières nouvelles, ils ne sont jamais repartis.  L’étude sur l’ADN nous en dira plus. Mais imaginez que les pères Vikings des Normands de souche ne soient pas leurs véritables pères, ce serait bien ennuyeux pour toute la Normandie. Plus de drakkars à l’horizon, juste des barques et des pirogues.

Le fameux cidre de normandie, peu alcoolisé, à deguster avec des crepes, france

Directement de la pomme à la coupe, les frères Rotrou n’hésitent pas sur les arguments !

Heureusement, d’une certaine façon, selon une très sérieuse étude scientifique d’un laboratoire à la recherche de sensations fortes, un cinquième des pères déclarés ne seraient pas les  pères biologiques : voilà de quoi, avec un simple test ADN, semer la zizanie dans les familles. D’ailleurs, pensez-y  à l’occasion d’une réunion de famille ou de travail, ou dès lors que vous êtes cinq autour de la table, cherchez l’erreur. A vos cotons-tiges !

Deux GI's, dont un goute à la boisson locale, le cidre. Selon les témoignages des Normands, les Américains étaient très réticents à boire ce que les civils leur offraient, il fallait d'abord boire avant eux. Après ce fut différent et le Calvados fit parfois des ravages avec dans certains cas son cortège de violence.

Qui boit du cidre, boira du calva, proverbe normand

Il n’y a que les Anglais pour imaginer mille ans plus tard retrouver dans un petit village normand les traces de nos ancêtres vikings sans tenir compte que cocufier est un sport national qui résiste au temps. Au lieu de boire du thé, ils devraient se mettre au cidre ou pour le moins ajouter une goutte de calva dans leur cup of tea, cela les décoinceraient un peu, ils n’auraient plus besoin de leur parapluie pour surveiller le nuage de lait.
#régionalisme #histoire : HISTOIRE DE LA NORMANDIE par Jean Mabire et Jean-Robert Ragache. La Normandie... c'est d'abord l'aventure de ceux qui ont donné leur nom au pays : les hommes du Nord, entrés dans l'histoire et la légende sous le nom de Vikings. Depuis l'accord de 911, obtenu par Rolf le Marcheur à Saint-Clair-sur-Epte, les Normands n'ont cessé de se vouloir

C’est en définitive la toponymie des lieux qui permet bien plus facilement que l’ADN ou l’archéologie, de retrouver les traces du passage des Vikings. Les noms des villes qui se terminent en -fleur ( Barfleur, Honfleur, Harfleur) ont ainsi une origine scandinave, le suffixe fleur étant dérivé de l’ancien scandinave floth qui signifie rivière, tandis que buth, terme désignant une maison ou une cabane, a donné naissance au suffixe beuf que l’on retrouve dans Cricquebeuf ou Elbeuf.

Barfleur (50)

Barfleur dans la Manche, port normand le plus proche de la côte anglaise

En attendant, l’auteur virtuel n’est pas peu fier de vous révéler qu’il serait descendant de Viking par les alambics de la vie, à hauteur de 37,5% à 50% selon les dernières estimations généalogiques qui demandent à être confirmées par l’étude scientifique anglaise sur l’ADN des Normands de souche habitant dans les bocages inextricables du Cotentin.

idée à retenir pour un buffet

ADN séquencé pour un buffet entre amis vikings

Reste à savoir sur mille ans le degré d’incertitude lié aux faiblesses du coeur qui l’emporteraient sur les âmes les plus résolues : il nous faut compter une cinquantaine de générations depuis que Rollon et ses successeurs ont conquis toute la Normandie. Tout cela ne laisse guère de perspective à la pureté génétique de la race normande, et c’est tant mieux : nous ne sommes pas des vaches tout de même, juste des descendants de Vikings aimant les pommiers en fleurs…
Pommier en fleurs et vache Normande dans une prairie - Normandie - France <3

… Et les flamands roses, preuve s’il en est qu’à l’ère atomique, l’ADN viking s’est un peu détraqué !

Pink Floyd - Atom Heart Mother by Storm Thorgerson | Hipgnosis

Atom Heart Mother, by Pink Floyd

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