La pandémie du Covid 19 ne doit pas faire oublier un autre fléau, celui des criquets de retour en Afrique de l’Est, qui menace d’aggraver la situation alimentaire des pays de la Corne de l’Afrique, dont l’Ethiopie confrontée à des famines revenant régulièrement. Cette article paru en janvier 2016 consacré la famine qui y sévissait déjà n’a guère besoin d’être actualisé tant le péril alimentaire guettait déjà un pays peuplé de quatre-vingt dix millions d’habitants, en proie à de fortes tensions ethniques.
Dans le grand désordre mondial du Covid19 qui succède aux guerres et actes terroristes dominant généralement l’actualité, les famines passent inaperçues : nous, Français, Européens ou Occidentaux, devenus pour un grand nombre agnostiques, athées ou banalement nihilistes, qui nous empressons pourtant de prier dès qu’une pandémie apparaît ou que le souffle d’une bombe retentit dans le grand vide de nos vies, ignorons la détresse du monde dès lors que celle-ci remettrait en cause les avantages acquis, les 35 heures, les RTT, préretraites et autres conforts subalternes comme le tiers payant, autant de droits bien plus coûteux et luxueux qu’une montre ludique, des lunettes connectées ou des jeux vidéos en ligne qui sont avec les tablettes notre univers consumériste blasé.
Que les temps sont loin où les artistes, regroupés par Bob Gedolf, chantaient au concert Live Aid en 1985 pour venir en aide à l’Ethiopie affamée. David Bowie interprétait alors Heroes (voir en fin de chronique). Lui au moins a une excuse pour ne plus se manifester quand il s’agit de venir au secours à nouveau de l’Ethiopie, il nous a quittés.
Fresques de l’église d’Abuna Yemata Guh, de rite Guèze, à Gheralta, Ethiopie
Notre égoïsme et notre aveuglement sont sans limite. Il ne faudrait pas que tout les malheurs du monde ne viennent s’inviter à notre table à l’heure des informations filtrées par le canal médiatique de l’AFP et autres sources officielles qui font le tri des nouvelles à consommer idéologiquement sans risque. L’abus de famine à table est dangereux lorsqu’il s’agit le soir au souper d’écouter ou voir les informations générales. La souffrance d’autrui n’est devenue acceptable que si elle met en cause notre culpabilité enracinée dans une nouvelle idéologie néo-prolétarienne associant anciens communistes reconvertis et nouveaux bobos de la biosphère. Sinon, passez votre chemin, il n’y a rien à voir.
Eglise Gabriel Wukien dans le Tigré, Ethiopie du Nord
Il est pourtant un pays qui est en ce moment en terrible détresse, dans le silence du monde. C’est l’Ethiopie. Une grande sécheresse brûlait déjà les hauts plateaux depuis de nombreux mois, elle guettait, concernant moins d’un million de personnes ce qui n’était rien à l’échelle de l’Afrique. Désormais elle gagne du terrain comme un feu de savane. Et voici que les criquets sont de retour en Afique de l’Est menaçant les récoltes. Plus de dix millions d’Ethiopiens sont ainsi menacés de malnutrition, peut-être bientôt trente millions, dans ce silence d’autant plus assourdissant que les médias n’écoutent dans le monde que l’extension de l’épidémie de Covid19 ayant temporairement assourdi les bruits des bombes et des corps qui tombent au sol hachés par la mitraille ou qui sont dispersés aux vents : l’abondance de sang et de morts en quadrichromie est toujours plus attrayante à la vente dans les kiosques ou pour l’audience télévisuelle, que le manque de pain.
Pourtant la vie continue. Et pour nous qui sommes chrétiens ou qui ne le sommes pas, nul n’est imparfait, venir en aide à nos frères éthiopiens est une grande nécessité, une urgence absolue. Il n’y a pas que les Ethiopiennes qui sont magnifiques, les Ethiopiens aussi, tout le pays est d’une grande beauté, portant le rameau d’une foi chrétienne bimillénaire nourri d’un judaïsme encore plus ancien, redécouvert dans la seconde moitié du vingtième siècle avec l’émigration en Israël entre 1980 et 2010, de 80.000 Falashas originaires du Gondar et du Tigré, qui ont survécu à la famine et aux marches de la mort organisées par le régime communiste en 1984-85 [les Falashas et leurs descendants sont aujourd’hui 110.000,en Israël].
Parc national des montagnes du Simien, Ethiopie
L’histoire de l’Ethiopie a toujours été marquée par l’existence de grandes famines et l’invasion des criquets. La dernière en date remonte à 1984-85. La cause n’était pas, cette fois-là, principalement climatique mais misérablement humaine. Le régime communiste qui avait renversé l’empereur Haïlé Sélassié de son trône, avait trouvé grandiose, dans la décennie qui suivit, d’appliquer les préceptes de collectivisation des terres agricoles préconisées par le Grand frère soviétique en développant de même des kolkhozes ou sovkhozes, déplaçant autoritairement les habitants de leurs villages pour assurer un meilleur contrôle territorial et étouffer cruellement toute contestation sociale possible.
Singes Gelada, Gypaete barbu, Walya Ibex (bouquetin d’Abyssinie) et loup d’Ethiopie
La famine qui s’annonce cette année avec l’arrivée des criquets renforce les méfaits des épouvantables sécheresses des précédentes années, peut-être liées aux changements climatiques en cours. Elle pourrait avoir des conséquences humaines dramatiques susceptibles de susciter des bouleversements sociaux considérables s’agissant d’un pays peuplé de plus de 90 millions d’habitants aujourd’hui, dont les trois-quarts vivent de l’agriculture. Apporter une aide matérielle aux Ethiopiens qui sont parmi les habitants les plus pauvres au monde, est possible en adressant vos dons, par exemple, à la fondation pontificale Aide à l’Eglise en Détresse » qui a débloqué 1,4 millions d’euros en 2014-15 pour les 13 diocèses éthiopiens et qui renouvellera régulièrement son soutien pour lutter contre la famine, ayant déjà versé 450.000 euros en début d’année 2016.
Lalibela, cité monastique située à 2.630 mètres d’altitude, classée au patrimoine mondial de l’UNESCO
Nous qui aimons l’Ethiopie, comptons sur votre générosité puisque vous pouvez oublier en période de confinement le croissant du matin, la confiture de rhubarbe ou une place de cinéma destinée à aller voir un navet transi. Le Covid19 fait aussi que vous roulez un peu moins avec votre auto du dimanche même si vous arrosez plus les rosiers du jardin. Il est possible de manger des petits pois en boîte plutôt que des haricots bio pour faire un geste, un petit geste, mais un geste. Ils sont dix millions à compter sur vous. Tenez, oubliez aussi le loto, ou alors si vous gagnez le gros lot, donnez tout. L’argent ne fait pas le bonheur mais il peut soulager le malheur d’autrui.
Eglise rupestre saint Georges, Bet Giyorgis, à Lalibela en Ethiopie
Et puis ne comptez pas sur l’auteur virtuel pour mettre en exergue des photos de l’Ethiopie en détresse. c’est un trop beau pays pour ne pas vous inviter à vous y rendre le moment venu du déconfinement, ce qui sera aussi un moyen indirect de lui venir en aide.
Randonnée des églises du Tigré aux abysses des montagnes du Simien
Voici le lien vers la page consacrée à l’Ethiopie sur le site Aide à l’église en détresse (AED) ; il est aussi possible de soutenir des micro-projets en église. 90% des dons sont reversés, les frais de gestion et d’appels aux dons ne dépassant pas 10%.
Ancienne cité royale de Gondar en Ethiopie
« Ce que vous avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25, 40)
Chute de Karo dans les montagnes Simien, Ethiopie
Et pour vous remercier à l’avance de votre don, voici une vidéo sur le Gypaète barbu, qui serait le seul oiseau à se nourrir que d’os, un rapace écologique avant l’heure donc! Admirez la technique aérienne et pensez à donner vos os une prochaine fois, à une fondation s’occupant de la sauvegarde du gypaète barbu, il les vaut bien 🙂
Et pour ceux qui aiment les grands rapaces du Rock, voici David Bowie au concert Live Aid en 1985, chantant Heroes :
En attendant, rien n’a changé depuis des siècles sur les hauts plateaux d’Ethiopie. Les famines passent, les hommes survivent.
Ethiopiens perchés sur les montagnes Simien