Evoquant la perspective apocalyptique de grands bouleversements et de catastrophes, comme quoi il ne restera plus pierre sur pierre et que tout sera détruit des grandes constructions, l’évangéliste Marc raconte que les apôtres interrogèrent le Christ ainsi: « dis-nous quand cela arrivera, dis-nous quel sera le signe que tout cela va finir« . Le Christ leur répondit : Prenez garde que personne ne vous égare… Quand vous entendrez parler de guerre et de rumeurs de guerre, ne nous laissez pas effrayer, il faut que cela arrive mais ce ne sera pas encore la fin. Car on se dressera nation contre nation, royaume contre royaume, il y aura des tremblements de terre ça et là, il y aura des famines (Marc 13, 4).
En période inédite de confinement d’un milliard de personnes pour cause d’épidémie virale, le tremblement de terre de Zagreb au rythme prétendu de tous les cent-quarante ans ou la famine de retour en Afrique de l’Est, ne doivent pas plus nous effrayer que nous égarer face aux contempteurs de la liberté qui prennent des accents guerriers pour lutter contre une épidémie qui n’est ni la première ni la dernière dans l’histoire des hommes. Lutter contre une pandémie exige bien plus de dévouement et discernement qu’une prétendue mobilisation guerrière à grands discours de propagande contradictoire s’adressant aux esprits éperdus et subitement effrayés.
Parcourant d’anciennes chroniques publiées ces dernières années pour y puiser sagesse et espérance dans ce grand confinement des égarements, il nous est apparu soudainement avoir par le passé écrit un triptyque littéraire, qui répond aux doutes, aux craintes et aux peurs des personnes isolées dans leur maison ou leur appartement, sans oublier la rue où errent les véritables naufragés de la terre. Ce triptyque a été écrit à l’occasion de visites successives à un couple de personnes âgées confinées dans leur appartement avec vue sur la Loire, qui étaient atteint, tous deux et au même moment, de la maladie d’Alzheimer dont les ravages ne cessaient de progresser de jour en jour, de semaine en semaine, de mois en mois, d’année en année jusqu’à la séparation brutale mettant fin à soixante-six ans de vie commune, à l’heure de quitter la Pampa pour rejoindre la Croix du Sud.
Nul ne sait le nombre de personnes âgées mais aussi de jeunes, qui succombent à Alzheimer ou Parkinson et plus encore souffrent de solitude, d’angoisse et dépression. Elles se comptent probablement par dizaines de millions chaque année dans le monde entier, qui meurent dans le silence confiné de meublés en ville ou de chambres d’établissements hospitaliers, loin de l’effraie des clochers médiatiques qui sonnent le tocsin du coronavirus sans fin.
La principale différence entre les virus et les maladies d’Alzheimer ou Parkinson, ce n’est pas la Grande faucheuse qui nous fait redouter la mort et s’égarer dans la crainte qu’elle survienne à l’improviste, mais la vitesse virale de propagation, qui ne laisse pas plus le temps de se préparer à la mort pour ceux qui succombent plus lentement de faiblesse psychique. Car nul ne sait quand l’heure viendra.
Ce temps supplémentaire donné à la « mort douce » en circonstances d’Alzheimer met en évidence l’existence d’une loi d’Alzheimer qui peut être ainsi résumée : Plus nous consacrons de temps à nos parents ou nos proches atteints de maladie, plus nous pouvons transmettre aux générations futures les débris des souvenirs éparpillés qui remontent à la surface lors du naufrage et plus il nous est facile de surmonter le malheur.
C’est pourquoi le confinement généralisé dit « total » comme totalitaire, n’est pas la panacée médicale en toutes circonstances. Il eut été bien plus préférable de se préparer avec dévouement et discernement à une situation éventuelle de pandémie et de disposer en masse de masques et de tests de dépistage pour les soignants et intervenants tout au long de la chaîne économique et sociale plutôt que de s’en remettre à la morale des fables de la Fontaine telles que « les Animaux atteints de la peste » ou « La cigale et la fourmi » s’agissant des situations comparatives entre les nations d’Asie plus ou moins l’arme au pied et les nations d’Occident croulant sous l’âge, peu ou pas du tout préparées, et pour qui les personnes âgées de toute façon ne sont que des baudets sur lesquels on crie Haro.
A force d’oublier qu’aimer son prochain est la définition même de la liberté pour toute personne et toutes les nations, voici que le virus de tous les dangers introduit brutalement les divisions dans les coeurs au risque des « tris » selon l’âge des malades hospitalisés, et jusque dans les familles qui seraient un vecteur important de propagation entravant le combat contre l’expansion exponentielle de la Covid19.
La citation tirée d’André Gide: Familles, je vous hais! Foyers clos; portes refermées; possessions jalouses du bonheur, ne peut être une politique publique digne d’une nation libre d’hommes libres, n’en déplaise au Conseil d’Etat dont on ignorait qu’il avait des compétences médicales pour conforter un gouvernement en plein égarement lorsque ce dernier affirme que le jogging ce n’est pas bien, que la marche à pied pour des motifs de santé ce n’est pas bien non plus et que les bains de mer sont mauvais pour la santé. Lorsque les conseillers d’Etat se prennent pour des diafoirus sous la pression inattendue d’un référé inepte de médecins harassés dont les neurones ont été fauchés brutalement par les effets médiatiques du virus, c’est le corps social tout entier qui est gravement malade, à l’agonie.
Cette situation nous rappelle les premiers mois de la Grande guerre de 1914, lorsque les soldats furent envoyés à la mort certaine avec des pantalons garance repérables à l’horizon lointain, au point de tomber par régiment entier sous la mitraille du feu ennemi. L’incompétence de l’administration française un siècle plus tard renouvelle la tragédie, sans même évoquer entre-temps les ganaches de l’armée française de la drôle de guerre, qui s’en remettaient tous, sauf de Gaulle, en la ligne Maginot. S’agissant du virus, nous avons appris, avec un fort retard à l’allumage qu’il n’y avait même pas de masques en masse pour faire office de ligne de défense et que donc, les confinements renforcés successifs feraient objet de lignes de repli virtuel sur la Somme, puis la Marne et la Loire, en attendant d’imaginer bientôt les pontes de la santé publique à Bordeaux, dans l’isolement de leur casernement épidémiologique.
La vérité cruelle est que nous ne pouvons aujourd’hui plus compter que sur le dévouement et le sacrifice des soignants, une nouvelle tragédie si française où les pioupious sont travestis en blouses blanches. Et pourtant, Dieu sait si le drame s’est noué de façon simple : arrogance et dogmatisme sont devenues au fil des dix dernières années, les deux mamelles épuisées d’une administration entièrement fondée sur des principes de cooptation séculaire « énarchiste », au point aujourd’hui que des promotions de cette école constituent l’intégralité ou presque de l’administration et du gouvernement en place à la recherche du temps perdu. Consanguinité et confinement sont dans le même bateau qui coule.
Et c’est pour cela qu’il nous faut de temps en temps écrire des triptyques ou sextuors littéraires, lorsque l’esprit créatif en appelle aux sources immaculées de la liberté, rien qu’en regardant voler en rase-motte la chouette des clochers médiatiques qui nous effraie par leur imbécillité en boucle d’horloge : plus nous plaît d’être l’artisan pacifique d’un petit village silencieux qu’un bavard des hauts plateaux de transmission de la violence entre les hommes et les nations.
Conseillers d’Etat scrutant de loin le virus dans les yeux des confinés