De beau matin, au milieu d’une grisaille de particules toutes fraîches sorties de sympathiques pots catalytiques, nous voici à Montmartre prenant un café, devisant intérieurement, sous les nuages, de toute la beauté du monde à condition d’oublier Alep, Poutine et tous ses congénères dictateurs. C’est à ce moment-là, alors que nous réfléchissions aux raisons pour lesquelles les assassins d’Etat fascinent autant la sphère médiatique, que deux dames qui ne s’occupaient plus de leur âge depuis longtemps, ont pris place à la table d’à côté, commandant un café crème et un thé noir ébène à un serveur d’origine mauricienne [miniature d’introduction : Jeanne d’Arc au bûcher, manuscrit de Martial d’Auvergne, 1477-1483, BNF].
Calendrier de l’Avent des Miss France. Rien à voir avec celui d’Europol, l’Office européen de police qui a eu l’étrange idée de publier le calendrier des tueurs en série et criminels les plus recherchés. Le petit Jésus semble avoir été oublié ce qui est logique, il ne prend la fuite en Egypte qu’après Noël, et pas avant !
Alors que nous étions arrimés à la tasse en parcourant un article de journal relatant que Robert Mugabe allait bientôt annoncer qu’il candidaterait à nouveau aux élections présidentielles du Zimbabwe à 92 ans, comme quoi le vieillissement ne fait pas que des heureux surtout dans un pays où le quart de la population souffre de disette depuis des années, voici que l’une des deux dames demande à son amie si elle a regardé, la veille, l’élection de miss France ; et de penser, à chaque pays ses dictatures : dans un cas, un despote hors d’âge au pouvoir depuis trente-six ans ; dans l’autre, l’abrutissement médiatique permanent à l’échelle instantanée.
Je suis née en Martinique, je fais des études de droit, je pratique l’escrime et je ne m’appelle pas Rihanna, qui suis-je ?
Et la seconde dame, de répondre sur un ton sans appel : « si tu savais, comment t’expliquer…, Jeanne d’Arc doit en être toute retournée dans sa tombe ! ». Et de nous demander de notre côté, à cet instant, comment Jeanne d’Arc peut se retourner dans sa tombe. Quelques souvenirs d’histoire repêchés dans le fleuve d’une mémoire tarissante, nous rappellent que le 30 mai 1431, le bourreau Geoffroy Thérage chargé de l’exécution de notre héroïne nationale par le supplice du bûcher, n’avait pu l’étrangler avant que les flammes ne l’atteignent, laissant à Jeanne d’Arc le temps de dire à l’évêque Cauchon : Evêque, je meurs par vous !, le bourreau recevant ensuite l’ordre de jeter dans la Seine les cendres de la suppliciée pour éviter la naissance d’un lieu de culte où se propagerait la ferveur populaire.
Le procès de Jeanne d’Arc, miniature du XVè siècle, BNF
Les dispositions prises par les Anglais pour empêcher celle qui voulait les bouter hors de France ne devînt une héroïne française, semblent pour le moins avoir rendu impossible à Jeanne d’Arc de se retourner dans sa tombe ou à ses cendres de virevolter dans une urne. Nous en étions donc que plus attentifs à la conversation de nos deux voisines du moment, d’autant que la discussion de table de café plutôt vive confirmait le choix à bon escient de l’expression populaire « se retourner dans sa tombe« , qui signifie être extrêmement choqué par une situation au point que même un mort dont l’âme serait restée sur terre prise au piège du cercueil, réagirait vivement.
Jeanne d’Arc sur le bûcher, peinture du XIXè siècle, Panthéon
C’est que la dame d’un certain âge, qui racontait l’élection de Miss France, ne se remettait pas du choix insupportable du jury et du public, de privilégier des miss venues d’outre-mer, sélectionnées en nombre pour la finale et qui n’avaient comme seuls torts d’être noires, miss Guadeloupe, miss Réunion ou miss Guyane. Et de poursuivre : mais où va-t-on ? Même la miss Lorraine était noire ! Un peu plus claire de peau, une métisse, mais une noire tout de même : Jeanne d’Arc doit s’en retourner dans sa tombe. Les Lorrains, ils auraient quand même pu choisir une jolie blonde comme en Bretagne ou en Normandie, de jolies filles, Elles ! Bientôt il n’y aura plus de blondes que dans le Pacifique. C’est à croire que les hommes ne préfèrent plus les blondes !
Nous ne savons si les hommes préfèrent désormais plutôt les brunes aux blondes, de toute façon, ils n’auront bientôt plus d’avis à donner et serons bientôt interdits d’être auprès de leur blonde comme de leur brune : des associations féministes comme Osez le féminisme, obtiendront un jour ou l’autre l’enfermement de tout homme qui se retournera en public pour admirer bêlement une femme ; et les organisateurs d’une manifestation comme l’élection de Miss France, seront immanquablement envoyés au bûcher médiatique, mesure de sagesse populaire à la réflexion puisqu’une telle décision aurait évité l’élection de Donald Trump-la-Mort qui, lui, de son côté, allume les mèches de bombes diplomatiques maintenant qu’il n’a plus rien d’autre à faire que d’être président provocateur, the right man for a new job, foutre le feu à la planète !
Macron aurait tweeté que pour les prochaines élections de miss France seules « les expatriées » dans les DOM-TOM, pourraient concourir. Aux dernières nouvelles, ce serait une erreur de son communicant qui aurait pris conscience de sa bourde instantanée en voyant une photo de la candidate « rapatriée » de Guadeloupe !
En attendant, les concours de miss ouvrent la possibilité à des jeunes femmes noires de prendre leur revanche sur la vie, bien plus qu’une revanche sur leur seule vie, une revanche sur toutes les vies de peuples longtemps méprisés, vilipendés, maltraités, brutalisés, torturés, massacrés, soumis à l’esclavage, maintenu dans l’ignorance. Et chaque victoire d’une jeune femme noire est une victoire pour la vie, une vie faite de rêves et de promesses, comme ceux aboutis de Sonia Rolland devenue actrice et réalisatrice, et qui rappelle justement aux féministes endimanchées que les torchons de la pensée intellectuelle peuvent être aussi asservissants que les torchons de cuisine d’hier, qui avaient le mérite au moins d’être utiles pour faire la vaisselle alors que les combats extrémistes d’aujourd’hui ne franchissent que les limites ridicules de la provocation instantanée, sur un modèle guère différent du spécialiste en la matière, Donald de la Vega, pardon de Las Vegas.
Mais où sont passées les Gauloises blondes ? Aux dernières nouvelles, l’ultime fabrique de cigarettes made in France implantée à Riom dans le Puy-de-Dôme, ferme ! Heureusement, les candidates continueront de se bousculer pour allumer le feu aux prochaines élections de miss France.
Toujours est-il que pour notre part, à la différence des deux dames sans âge, nous applaudissons à la victoire d’une jeune Guyanaise à l’élection de miss France ainsi qu’au choix de la Lorraine de sélectionner une métisse pour représenter la région qui vu naître Jeanne d’Arc. Et si un jour du côté de Rouen, il nous venait à l’idée d’aller se baigner dans la Seine, nous espérons bien nous souvenir que pris dans les courants et remontant le fleuve du temps, il se pourrait alors, que nous nagions au milieu des cendres virtuelles de notre héroïne. Peut-être même qu’un jour, surgissant dans la nuit, une cavalière tout de noir vêtue, viendra une nouvelle fois sauver notre royaume républicain sans que l’on sache, sous son masque, quelle est la couleur de peau. Car peu importe d’être asiatiques, blancs ou noirs, nous sommes toutes et tous des femmes et des hommes partageant la même humanité, emportés par la vie dans un bateau où pas grand monde ne songe à ramer ensemble, au même rythme et dans la même direction, foutue destinée. Vive la Lorraine, la Guyane et la Bretagne ! Et vive les Miss et leur calendrier de l’Avent !
Née au Rwanda, j’échappe avec mes parents au génocide en 1994 et arrive en France où je suis élue miss Bourgogne en 1999 et miss France en 2000. Je deviens alors actrice, jouant le rôle principal dans Léa Parker sur M6, avant de devenir réalisatrice. Qui suis-je ?
En attendant, l’Auteur virtuel a réussi l’invraisemblable prouesse d’écrire une chronique sur l’élection de miss France en la rattachant au récit de l’histoire nationale, avec une référence à la mort de Jeanne d’Arc au bûcher, le 30 mai 1431. Cela mérite bien de boire une bière en son honneur, avant même qu’il ne se retourne lui-aussi dans sa tombe le plus tard possible !
Et la miss France 2017 est Alicia Aylies : parions qu’ils seront nombreux à lui dire comme chaque nouvelle année : Miss, « Je meurs par vous ! ».
Y’a comme une drôle de relation entre le Cauchon qui a vendu notre Jeanne et les cochons qui matent les miss de façon régulière. Elles sont belles et peu importe la couleur.
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