Chicoutimi, une ville de la Belle province située à 200 km de Québec et 450 km de Montréal, a beaucoup changé depuis que cette photographie a été prise, ce qui ne l’empêche par de rester une terre de prédilection pour le Francophone qui cherche asile. Nous autres Français continuons d’être fascinés par le Canada et y sommes si attachés que nous confondons toujours dans nos coeurs le Canada et la Belle province, le Québec. Cela suffit comme raison pour songer à s’expatrier ou demander droit d’asile à l’ancienne Nouvelle-France.
Vue de Sainte-Anne à Chicoutimi dans les années 40
Le maudit traité de Paris de 1763 qui mit fin à la guerre entre Français et Anglais et accorda à ces derniers la souveraineté sur l’ensemble du territoire canadien, n’y a rien changé : les liens entre la France et le Canada québécois persistent, unis par la langue et des ancêtres communs, rêveurs d’une destinée toujours plus étroite entre « la Belle province » et l’hexagone. Nous avons beaucoup à apprendre de nos compatriotes éloignés en matière de courage, d’abnégation et d’esprit de résistance.
Cette ancienne Nouvelle-France méritait en effet mieux que la domination anglaise, odieuse, violente et méprisante pendant deux siècles. Heureusement, d’une certaine façon, que de Gaulle vint au vingtième siècle pour réveiller les consciences internationales endormies et aider les québécois à obtenir enfin, à défaut d’équité, une plus grande égalité des droits : l’expression « Vive le Québec libre » employée par le général de Gaulle à Québec en 1967 eût un retentissement d’autant plus fort qu’il était partagé en silence par tous les Québécois mais aussi les Français.
Le général de Gaulle en 1967 au balcon de l’hôtel de ville de Montréal
Les aspirations à l’indépendance des Québécois ont eu un grand mérite : obliger deux peuples séparés par la langue à traiter constitutionnellement de manière identique Anglophones et Francophones, souci qui aujourd’hui s’étend aux peuples amérindiens longtemps oubliés. C’est ainsi, par exemple, que la publication simultanée des textes de lois fédéraux en anglais et français, se fait désormais au mot près travaillé au corps, en suivant un protocole destiné à éviter au maximum les erreurs d’interprétation. Concision et précision permettent de gagner en clarté et simplicité du langage, ce que les Français semblent hélas avoir oublié depuis quelques années en privilégiant le verbiage et l’approximation. le Québécois, heureusement, veille sur la langue française.
Parti de Saint-Malo, sous le règne de François Ier, Jacques Cartier explore en 1534 les rives du golfe du Saint-Laurent, puis remonte les rives du fleuve Saint-Laurent en 1535-1536.
Tout ceci n’explique pas pourquoi demander asile à Chicoutimi plutôt qu’à Montréal ou Québec si le choix de se réfugier se porte sur le Canada francophone. C’est que tout là-bas nous rappelle l’histoire des Français au Canada qui est en grande partie une invention française. S’il n’y avait eu Jacques Cartier s’il n’y avait eu les explorateurs et colons français pendant plus de deux siècles regroupés dans un territoire qui était alors appelé la Nouvelle-France, le Canada tel qu’il est aujourd’hui n’aurait probablement jamais existé.
Ces explorateurs français ont en effet parcouru toute l’Amérique du Nord à la fin du dix-septième siècle, de la Nouvelle-Orléans au Québec, prenant possession au titre de la France d’immenses étendues ayant pour nom Louisiane, Nouvelle-France et Acadie dont les territoires sont attribués au royaume de France par le traité d’Utrecht en 1713, deux ans avant la mort du roi-soleil, Louis XIV. Ils avaient pour nom Louis Hennepin, Pierre le Moyne d’Iberville, de Lamothe Cadillac, ou encore Nicolas Perrot et Gaultier de Varenne.
L’histoire de l’Amérique se confond alors avec leurs explorations sur le Mississipi, l’Illinois, l’Ohio ou le Saint-Laurent. [et le plus tragique est qu’aujourd’hui les écoliers, collégiens et lycéens français ignorent tout de leurs noms et exploits incroyables.]
Une carte résume l’influence française en Amérique du Nord au milieu du dix-septième siècle, celle des implantations des principaux forts contrôlant les territoires : la France domine alors la plus grande partie du continent, ce qui ne l’empêchera pas de tout perdre en moins de quarante ans, à la suite des défaites face à l’Angleterre en Nouvelle-France puis de l’étrange décision de Napoléon Bonaparte de vendre en 1803 la Louisiane aux Etats-Unis pour 15 millions de dollars.
A compter de 1763, c’est le maintien de la présence humaine française qui participe à ce que ces territoires du nord de l’Amérique tombés sous domination anglaise, n’ont pas partagé une histoire commune avec celle des Etats-Unis d’Amérique et sont restés colonies sous domination britannique avant de se proclamer en 1867 Dominion du Canada, un état indépendant demeurant cependant au sein du Commonwealth et laissant symboliquement la couronne à la famille royale anglaise.
Panorama de Québec sur les rives du Saint-Laurent, capitale de la Nouvelle-France en 1755
Palais de l’Intendant à Québec
le Français Montcalm et l’Anglais Wolfe meurent tous les deux lors des batailles intervenues pendant le siège de Québec en 1760
Nous voici donc à Chicoutimi, une petite ville du Québec aujourd’hui fusionnée avec Saguenay pour constituer une agglomération de 150.000 habitants et où il est possible de rêver de s’installer dans une Maison-Blanche centenaire qui n’est pas au bord du fleuve Potomac mais sur la rive du fleuve Saguenay, résistant aux débordements tumultueux les jours d’intempérie.
Disons-le tout de suite : pour nous Français qui tenons à quelques traditions ancestrales, s’installer au Canada à Chicoutimi présente de nombreux avantages : pas de risques de petits pois pris de folie dans une casserole anglaise, pas de sauce à la menthe en vue, pas de pudding attrape-nigaud, le Québec nous attend de pied ferme pour nous réconforter. On y trouve du pain qui n’est pas du broad sec, du vin demi-sec qui n’est pas du bizarre wine, mais encore un microbrasseur hospitalier droit venu de La voie lactée si on en croit son nom, et un brunch qui ressemble à un petit-déjeuner.
Réconfortés par ces assurances d’être bien traité, loin des « so british » inepties culinaires, le moment est venu de découvrir une ville portant un nom amérindien qui a été déformé au cours du temps pour devenir le nom actuel de Chicoutimi. On trouverait pas moins de douze toponymes utilisés par le passé, ce qui pour le nouvel arrivé est un défi à mémoriser s’il veut donner une preuve d’intégration : Chegoutimy, Chekoutimy, Chicoutimimy, Chagoutimi, Chakoutimich, Chikoutimi, Chekoutimich, Chikoutimitch, Chegoutimi, Shekatimi, Shegutimi, Checoutimi et Chicoutimi (source Wikipedia). Japonais, Russes et Polonais peuvent aussi prétendre à la fondation de la ville si on s’en tient aux évolutions de prononciations.
Chapelle du poste de traite de Chicoutimi
Pourtant ce sont bien des Français qui furent les premiers à s’installer à Chicoutimi, non comme odieux colons anglais venant massacrer des Indiens mais comme des « médecine men » invités par la population amérindienne installée dans la région pour tenter de trouver un remède aux épidémies dévastatrices qui décimaient la population. Certes tous les Anglais ne furent pas massacreurs d’Amérindiens, Pocahontas de Walt Dysney est là pour nous le rappeler à chaudes larmes ; et tous les Français non plus : c’est un homme d’église, un certain père Jean de Quen, en juillet 1647, bientôt suivi par des Jésuites, qui les premiers seraient venus soigner les Amérindiens appartenant aux tribus montagnaises du Saguenay, appelés aujourd’hui les Innus.
Carte de Chicoutimi datant de 1748
A quoi ressemblera un peu plus tard les forts et les villes de la Nouvelle-France ? Au temps de Champlain, fondateur de la ville de Québec en 1608, la porte d’entrée de Port-Royal, en Nouvelle-Ecosse, en donne une idée. Tout est en bois, ce qui est assez logique pour un pays recouvert de forêts dont le commerce principal est alors les fourrures.
Et maintenant, dans la perspective de tout quitter, demander asile et s’installer durablement à Chicoutimi, que peut-on y faire dès lors que Champlain n’est plus là pour commercer avec les Indiens ?
Bonne question ! Quand on part ainsi à l’aventure, on ne sait pas toujours ce que l’avenir réserve même si entre temps on se renseigne pour savoir ce que les Chicoutimiens passent leur temps à faire. La traite des fourrures n’étant plus ce qu’elle était, on n’y trouvera plus beaucoup d’Amérindiens vendant des pelleteries. Et « les hommes d’action » ne se battent plus beaucoup contre les Iroquois, les temps ont changés depuis la défense en 1660 de Long-Sault par Adam Dollard des Ormeaux et où l’un des défenseurs aura la maladresse de lâcher dans son propre camp le baril de poudre qu’il comptait jeter sur les envahisseurs iroquois.
Inutile aussi de rechercher le Dernier des Mohicans, on ne le croise plus que dans les salles de cinéma ou au détour d’un de ces livres anciens qui nourrissent les enfants de nostalgie. On ne compte plus le nombre de films consacrés à l’adaptation de l’oeuvre.
En revanche se souvenir de la Rébellion des patriotes de 1837 – 1838 est utile. Ce soulèvement populaire contre l’autorité britannique et réclamant l’indépendance intervint au temps de l’impitoyable administrateur colonial anglais John Colborne, dit le vieux-Brûlot pour ses pratiques guerrières. L’écrasement de la rébellion s’acheva par la pendaison de 15 patriotes et la déportation en Australie de cinquante-huit autres sans compter d’innombrables détenus.
Plus tard, Jules Verne s’emparera du sujet pour écrire Famille sans nom. Quand on dit que les Anglais furent longtemps odieux lors de la période coloniale, ce n’est pas une expression vaine. Certains sont allés jusqu’à envisager de déporter tous les Canadiens d’origine française. Leur comportement politique violent a nourri les révoltes et actions tragiques des Indépendantistes québécois.
Tout cela ne nous dit pas que faire une fois arrivé à Chicoutimi. Si on est professeur, on pourra toujours postuler au pôle universitaire du Québec de Chicoutimi qui forme des ingénieurs. On peut aussi travailler dans la pulpe de bois qui est la production de pâte à papier, ou encore dans les installations hydro-électriques d’Hydro-Québec qui offre aussi des débouchés à l’aluminerie : Rio-Tinto-Alcan détient d’importantes installations de fabrication d’aluminium reposant tant sur la force de l’eau que sur la présence du bauxite dans la région.
Usine hydro-électrique de Shipshaw appartenant au groupe d’aluminium Rio Tinto Alcan
La région ne manque d’ailleurs ni de cours d’eau comme le Saguenay ou le Chicoutimi, ni de lacs comme le lac Saint-Jean, les villes n’&étant pas à l’abri d’inondations malgré les barrages tant les précipitations peuvent être fortes. Toute la région se souvient encore du déluge de Saguenay en 1996 qui obligea la compagnie hydro-électrique à ouvrir grand les vannes des barrages pour éviter qu’ils ne cèdent. Les dégâts en cascade en aval furent considérables.
Mais l’activité principale en dehors des services restent l’industrie du bois. Les immenses forêts sont là pour cela. On bûche à Chicoutimi. Voilà le futur demandeur d’asile prévenu. Et en attendant d’obtenir les autorisations nécessaires pour y demeurer et travailler, il est toujours possible de se promener pour admirer des paysages magnifiques tel celui du fjord de Saguenay été comme hiver, sans oublier l’automne venu d’y emprunter la via ferrata du parc.
La région ne manque pas de lieux de randonnée ni de coins tranquilles pour pique-niquer. Et si on reste de bois devant tous ces paysages, il est toujours possible de se rabattre à la cathédrale de Chicoutimi pour y admirer la rosace ou bien se rendre dans le fjord taquiner les baleines. la nature est généreuse.
On peut aussi se rendre à Val-Jalbert, une ville fantôme, autrefois pulperie devenue centre d’attraction. pas très loin, une ferme propose de découvrir des orignaux originaux, des huskys sans skis ou d’émouvants émeus, sans compter des cerfs et des loups.
On y campe d’ailleurs volontiers dans la région. Car il est connu que les Canadiens aiment les canadiennes et nous aussi.