Comme les diamants, les voitures sont éternelles : même si les marques automobiles les plus réputées peuvent un jour ou l’autre disparaître, vingt ans après leur mise sur le marché, celles-ci entrent dans la catégorie des voitures de collection qui attirent amateurs fortunés ou attendris par les temps anciens à moins qu’ils ne soient spéculateurs en chrome et tape-à-l’oeil (ci-dessus, la Mormon Meteor III, 1937).
Edison electric, 1912
En 1990, la production automobile mondiale s’élevait à cinquante millions de voitures particulières ou véhicules utilitaires. Un quart de siècle plus tard, la production a augmenté de 80% pour atteindre près de 90 millions d’unités, un accroissement qui explique en partie les déboires écologiques planétaires. Dans ces conditions, il ne faut pas s’étonner si les grands constructeurs n’hésitent pas à tricher à une échelle intercontinentale pour respecter des contraintes réglementaires hors de portée. Les principes en vigueur, fixées selon des objectifs écologiques arrêtés dix ou vingt plus tôt ne tiennent absolument pas compte des réalités du marché et veillent seulement dans les grands pays de production automobile à préserver les intérêts des constructeurs nationaux.
Minerva AF transformable, 1928, marque disparue
Pour mettre en évidence l’ampleur de l’hypocrisie écologique, il suffit de constater que tous les constructeurs dépassent dans les faits de 40% à 100% les consommations de carburant annoncées dans leurs catalogues officiels, ce qui ne peut que conduire à largement dépasser tous les objectifs de rejet de particules fine dans l’atmosphère lourde de nuages de pollution.
Stutz Dv16 LeBaron, 1929, marque disparue
De même le mythe écologique de la voiture électrique prête à sourire. Il n’y a pas de bilan écologique plus catastrophique que le moteur électrique vanté à longueur de journées. Ces voitures utilisent des batteries qui exigent des matériaux si rares qu’il faut déjà parcourir cinquante mille kilomètres pour se retrouver à égalité de performance écologique avec les moteurs à explosion essence ou diesel. De plus, il est amusant de constater que les écologistes passent sous silence dans un pays tel que la France que les deux-tiers de l’énergie électrique proviennent du nucléaire qu’ils dénoncent par ailleurs ; il est vrai qu’on n’est pas à quelques contradictions près chez les écologistes: au royaume des aveugles du bio citrouille, le borgne est un roi vert de trouille.
Duesenberg Derham 900, 1931, marque disparue
Le scandale Volkswagen qui est aussi celui d’Audi et de Porsche, mais vraisemblablement, plus ou moins, de tous les grands constructeurs, n’a qu’un seul mérite, celui de mettre en évidence que l’automobile ne nous fait plus rêver, et c’est grand dommage.
Voisin Aérodyne, 1935
Mais dès lors que le secteur des transports constitue plus du quart des émissions polluantes, comment ne pas s’offusquer des comportements irresponsables d’ingénieurs principalement préoccupés de réduire les coûts de production ?
Delahaye, 135 MS, marque disparue
Il y eut un soir, il y eut u matin où l’homme imagina que la lumière des phares des autos éclairerait le monde et brillerait dans les ténèbres pour égayer le monde. Cela a passé et plus ne rien ne respire sous le soleil dans la cohue des embouteillages.
Talbot-Lago T23, 1938, marque disparue
Dix constructeurs produisant plus de trois millions de véhicules par an totalisent 80 millions de la production mondiale sur les 90 totaux et les cinq premiers constucteurs représentent la moitié de cette production mondiale.
Hispano-Suiza, 1938
S’agissant des dix premiers, quatre sont Japonais, trois Européens, deux Américains et un Coréen, les trois autres producteurs construisant plus de deux millions de véhicules étant aussi des Européens. Mais plus pour très longtemps : les Chinois débarqueront bientôt dans les ports occidentaux, à prix coûtant et sans préoccupation écologique dès lors que les responsables des villes enfumées chinoises se moquent de l’air qu’on y respire. C’est là l’avantage d’être communiste. On ne bride pas les voitures mais les écologistes, et de manière générale toute vélléité de démocratie.
Panhard Dynamic, 1938
C’est bien connu, le chinois est réfractaire à la liberté, il aime rien tant que les dictatures, demandez à Confucius. Cette posture est bien pratique pour la classe dirigeante qui s’enrichit. On n’ y a jamais compté autant de milliardaires, les pauvres restent pauvres mais les objectifs de croissance économique permettent d’espérer le maintien de la stabilité pourvu désormais qu’on offre aux classes moyennes la perspective d’acquérir une voiture.
Packard Eight Phaeton, 1938, marque disparue
En attendant ce basculement chinois, les multinationales du secteur automobile sont les véritables maîtres du monde de l’industrie ce qui explique que la concurrence y soit féroce, les intérêts nationaux étant considérables d’un point de vue économique. Aucun pays de production ne peut faire l’impasse sur ce secteur vital en emplois.
Rosengart supertraction 1938, marque disparue
Jusqu’au début des années 2000, la construction automobile n’a cessé de se concentrer. Il y avait des centaines de constructeurs au début du vingtième siècle, produisant des voitures à un rythme artisanal jusqu’à ce que Ford développant le travail à la chaîne révolutionne l’industrie. Ils n’étaient plus que quinze ou seize à produire plus d’un million de véhicules par an lorsque la Chine s’est réveillée.
Delage D8 S120S, construit par Letourneur et Marchand, 1938
Celle-ci compte désormais une dizaine de constructeurs capables de produire plus d’un million de véhicules par an dans des usines aujourd’hui sous-utilisées puisque tournant à moins de 50% de leurs capacités de production là où les constructeurs occidentaux utilisent leurs outils de production à 80% ou 90% pour être rentables, ce qui en passant en dit long sur la déstabilisation de l’industrie mondiale par la Chine qui ne respecte pas véritablement les règles de l’économie de marché, aucun constructeur occidental ne pouvant de son côté survivre avec de telles surcapacités.
Kurtis Kraft Sport, 1949
Toujours est-il que les volumes de production sont devenus tels que les constructeurs ne laissent plus rien au hasard et que toutes les voitures finissent par se ressembler ou doivent rappeler des lignes anciennes pour satisfaire une clientèle nostalgique. L’originalité n’est plus de mise et le futurisme a été écarté des planches des dessinateurs qui, de toute façon, ne travaillent plus qu’en mode numérique sur des logiciels en trois dimensions, ce qui fait par exemple que Peugeot serait bien incapable de reproduire la ligne avant-gardiste du prototype 402 Andreau qui date de 1936.
La production automobile occidentale a autant à craindre des oukases écologistes que de la concurrence chinoise à venir qui aura les mêmes effets que la survenue des constructeurs japonais sur le marché américain puis européen dans les années 80. La recherche d’économies d’échelle et les réductions de coût continueront d’être les préoccupations principales des constructeurs occidentaux, japonais compris, sachant que la survie ne dépendra que de de la capacité à développer ou absorber les innovations pour garder une avance technologique par rapport aux constructeurs chinois.
Peugeot 402 DS Darlmat , 1937
C’est pourquoi restons sans illusions. Nous ne sommes pas prêt de revoir des voitures telles que la Delahaye Type 165 cabriolet qui date de 1939. A côté des diamants, il existe une production de pacotilles motorisées considérable. L’industrie automobile y compris ses modèles de luxe tels que Porsche ou Ferrari, fait pitié à voir. Le design est d’une terrible pauvreté, sans aucune imagination, recherchant dans un passé non maîtrisé à faussement renouveler conceptuellement les lignes des modèles. Or, seuls les exemplaires d’origine sont éternels. Et même ce qui fut présenté comme des modèles de rupture comme la Traction ou la DS sont loin d’égaler la perfection des Delage, Delahaye et bien d’autres automobiles d’avant-guerre ou juste après-guerre, aux lignes d’exception, telles cette Delage ci-après.
On peut dater l’âge d’or de l’automobile aux années 30-40. Ensuite, c’est terminé, on est dans la répétition, la performance technique et la médiocrité de masse de la société de consommation qui s’affirme progressivement, bien loin de 1905 où la firme Cadillac cherchait une voie qu’elle mit longtemps à trouver.