La machinalerie

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Il suffit qu’une machine batte le meilleur joueur de go au monde depuis dix ans pour que de suite, journalistes en mal de sensation, universitaires surexcités et amateurs de science-fiction se ruent dans la brêche et nous démontrent, preuves branlantes à l’appui, que la machine dotée désormais de mécanismes d’intelligence artificielle va supplanter les neurones humains et bientôt dominer le monde. Les plus pessimistes parmi lesquels ceux qui financent ces projets d’intelligence artificielle, prédisent même que l’homme bientôt pourrait se retrouver l’esclave de ces machines dotées d’intelligence artificielle, qui pourraient n’en faire qu’à leur tête, leurs circuits et même leurs envies bestiales.

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Cette perspective peut paraître inquiétante. Mais dans la mesure où l’homme ne s’est jamais retrouvé esclave que sous la contrainte physique ou que de ses propres sentiments, il est peu probable que nous en arrivions un jour à cette situation où des robots feraient la loi et domineraient l’univers. Les machines ne feront jamais que ce que les hommes leur demandent de faire ou ne pas faire, avec une plus ou moins grande latitude ou autonomie. Et jusqu’à nouvel ordre, les machines dotées de la plus belle intelligence artificielle ne font que calculer, elles ne pensent pas par elles-mêmes et ne possèdent pas ce qui fait le propre de l’homme, les cinq sens dotés d’un sixième sens disctuté.

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Allez savoir pourquoi, on peut trouver plus de charme à jouer contre une femme que face à une machine. Mais combien de temps encore cette déviance sera-t-elle admise ?

Le jour n’est donc pas encore arrivé où ces robots deviseront du monde avec Descartes, Pascal ou Chateaubriand : cet autre monde à venir peuplé de puces promises à se substituer aux cerveaux humains si les moustiques assoiffés de temps leur laisse le temps , ne communique pas avec l’outre-monde d’hier. Ce que l’on appelle de l’intelligence artificielle n’est en fait que de l’intelligence superficielle, de la puissance de calcul, ce qui est dèjà beaucoup et peut nous aider jusqu’à retrouver Nefertiti en remontant autant le Nil que le temps : une momie déshabillée de ses bandelettes apportera toujours plus à l’homme-girouette que les robots artificiels se balandant en bande passante dans les nuages virtuels.

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Allez savoir encore pourquoi, plus nous plaît d’aller à la recherche de Nefertiti perdue que de perdre une nouvelle fois face à des machines « indésirantes »

Calculer vite et bien, de plus en plus rapidementet précisément, présente pour l’homme d’énormes avantages. Il peut en retirer des considérables bénéfices. Une voiture autonome ne boit pas, ne se drogue pas, ne conduit pas sans permis ou même sans assurance, elle choisit le chemin le plus adapté pour se rendre à la destination choisie, contourne les obstacles et ne brûle pas les feux rouges. On voit tout de suite l’intérêt pour la survie de l’espèce, que ces progrès mécaniques fantastiques apporteront.

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La Mercedes F 105 Luxury est un projet de voiture autonome qui, au milieu des palmiers, ressemble plus ou moins à un char de pharaon

De même en médecine, où la main du scalpel ne tremble plus quand un robot à articulations d’acier ou de carbone prend la place de celle d’un chirurgien fatigué par des heures d’opérations manuelles au milieu des écuelles de sang. Le monde pourrait donc que mieux s’en porter dès lors que la machine n’en fera pas des siennes : la probabilité d’une panne sur un million ou un milliard est d’un profond ennui quand elle se vérifie lors d’un voyage en avion où vous croyiez votre ticket valable jusqu’à la chute vertigineuse dans l’océan. Les insuffisances d’un système d’intelligence artificielle appliquées au jeu de go sont sans conséquence en comparaison des erreurs de calcul pour les ordinateurs de bord de voiture ou de train et autres sytèmes de pilotage automatique d’avions!

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L’avion solaire Helios de la NASA vole sans pilote mais aussi sans passager ce qui réduit fortement son intérêt pour le moment mais présente l’avantage quand il s’écrase comme en 2003 à Hawaï, de ne pas faire de victimes.

L’intelligence artifielle n’est en définitive que le hoquet neuronal de la machine- désirante de nos amis ventriloques Deleuze et Guattari qui pour ce dernier râvait d’être salués un jour d’un tonitruant : joyeux Noël Félix! C’est que les philosophes n’ont pas la vie facile à débiter des sornettes à longueur de journée, ils auraient bien besoin pour leur production de machines de traduction automatiques qui leur permettraient d’être compris, encore que le principe de base est plutôt de tenir aujourd’hui des cafés philosophiques où le bavardage se noie dans le ragoût. La vingt-cinquième heure est encore éloignée où une machine dotée d’intelligence artificielle sera capable de produire de la bouillie anti-oedipienne pour les chats, avec du verbiage aussi inoubliable que celui de nos deux amis philopsophes.

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Deleuze et Guattari, les Laurel et Hardy de la contre-culture, en beaucoup moins rigolos.

Là où cela devient ennuyeux, c’est quand l’homme songe à remplacer le facteur humain en des situations qui ne l’exigent pas. Mettre des robots à l’accueil des magasins relève du gadget pénible, surtout s’il s’agit d’interpréter les émotions du client potentiel pour le guider dans ses choix de consommation en cherchant à déterminer ses goûts et ses couleurs. A ce rythme, entre les caisses automatiques et le rangement des produits en palettes dans les rayons, il ne restera bientôt plus d’humain dans les grands magasins que les vigiles qui vous cassent la figure si vous vous montrez indélicat à la sortie, encore qu’on peut aussi imaginer un robot coureur de fond qui vous rattrape au bout de la rue, voire un robot « sheriff in the town » ayant le permis de tuer à la première pecadille venue.

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Le robot japonais Asimo se veut sympa : c’est fou comme il ressemble à ses copains du groupe Daft Punk.

Dans cet univers où l’on n’a plus besoin d’êtres humains dans les usines, dans les magasins ou dans les banques qui ne feraient plus crédit que sur la base d’une prise de décision dite prédictive qui n’a de prédiction que la mesure de la capacité de remboursement à un moment donné, que feraient les femmes et les hommes dès lors qu’on n’a plus besoin d’elles et d’eux dans les hopitaux ou dans les nurseries dès lors que les biberons seraient automatiquement enfouraillés dans la bouche des bébés, ou que dans les rues ce ne seraient plus que des bennes à ordures conduites par des robots qui soulèveraient les poubelles, jusque, pourquoi pas des cercueils bios en cageots recyclables où entasser les cadavres de la nuit.

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Contrairement à ce que l’on pourrait croire, les Daft punk ne sont pas des robots fossoyeurs mais de joyeux chanteurs aux couleurs du monde enchanté

En fait, cette perspective d’une société progressivement peuplée de « risas », les robots à intelligence superficiellement artificielle », ne suscite qu’une véritable question : combien de temps faudra-t-il attendre pour voir la disparition de l’homme ? Car le plus probable, en effet, est que l’homme s’ennuierait au point de disparaître, pour au moins deux raisons.

20.000 enfants sont nés pendant la Seconde guerre mondiale dans une trentaine de Lebensborn, des maternités nazies implantées dans toute l’Europe sous occupation allemande, destinées à la naissance d’enfants censés représenter l’élite de la race aryenne. L’une de ces maternités se trouvait dans les Ardennes belges, une autre à Lamorlaye, dans l’Oise

La première raison serait qu’on n’aurait plus besoin de lui pour le renouvellement des générations. Terminé le temps des maternités et du droit à l’erreur nuptiale!  L’ère future des robots nous promet le triomphe absolu de l’eugénisme, l’éilimination des malformations à la naissance et la production de bébés à la carte qui bientôt échapperont totalement  à la vie de famille pour être placés sous contrôle sociétal, c’est à dire le contrôle de personne et donc de la machine à intelligence artificielle seule apte à élever les mômes sans émotion et sentiment.

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Jusqu’à quand les robots tolèreront-ils que le rire soit le propre de l’homme ?

Voici venir le temps des couveuses et de l’élevage collectif des hommes après sélection rigoureuse des génomes : l’amélioration de la race humaine  passera par le même processus que celui de l’amélioration de la race chevaline, en clinique nationale au lieu des haras nationaux qui ont le désavantage d’exiger du foin et des écuries alors qu’il suffit d’un couffin robotisé sous bulle à bascule remplaçant les bras de la mère pour assurer la descendance à l’échelle universelle. D’une certaine manière, les Chinois avec leur objectif d’un enfant unique par couple ont ouvert la voie. Il suffit désormais d’adopter des principes planétaires de planification des naissances, les Africains et les indiens font de la résistance, mais ils devront bientôt se montrer beaucoup plus plus conciliants pour sauver la planète!

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Le haras national de saint Lô, exemple chevalin à suivre en matière de planification des naissances humaines ?

La seconde raison serait que l’homme en viendrait à rapidement s’ennuyer. On peut certes imaginer que la culture des carottes et pommes de terre biologiques occupera un temps ; mais maraîchage et labourage n’étant plus les mamelles indispensables de la survie, même les écologistes les plus fervents finiront par se détourner de la terre, car la terre ne ment pas pour reprendre une expression convenue. L’abandon de « l’agriculture productiviste » obligera forcément les paysans du dimanche à la culture urbaine sous serre, ce qui avouez-le est un peu délirant quand on y réfléchit cinq minutes, et qui pourtant sont des programmes commençant déjà à bénéficier de subventions, preuve s’il en était que les hommes sont au bout du rouleau, et pas seulement hygiénique!

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L’homme s’ennuyant, il pourra trouver un temps bonheur et réconfort dans les sport et les loisirs, les vacances, le farniente, la lecture, la culture, la musique et même l’écriture. Mais très vite, tout ceci viendra  à l’ennuyer encore plus, la visite des abbayes laïques, les châteaux enjardinés et les parcs d’attraction, les piscines et les tennis couverts, sans compter les salles de spectacles subventionnées où des huluberlus hurleraient à Shakespeare, déguisés en robots au milieu de vierges effarouchées en string, oui, tout celà finirait par l’ennuyer le pauvre homme laissé à l’abandon dès lors que le robot fanatisé d’intelligence artificielle s’occuperait de tout y compris de rien, comme de nouer les lacets.

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Certes, il pourrait encore envisager de jouer aux échecs ou au go ; mais la passion aurait passé depuis le triomphe des machines en 1997 face à Kasparov pour les échecs et en 2016 pour le jeu de go face au Coréen du Sud, Lee Sedol. Pourquoi jouer s’il on est sûr de perdre ? Idem pour le sport où quelques robots catcheur, boxeur, nageur ou coureur de fond ridiculiseraient l’homme en parcourant en deux fois moins de temps toutes les distances des différentes disciplines, là où, dixièmes de secondes par dixièmes de secondes, centimètres par centimètres, la fine fleur de la nature physique humaine a mis cinquante à cent ans à franchir des seuils psychologiques, comme dix secondes au cent mètres ou six mètres à la perche. Et ne parlons pas des courses automobiles devenues totalement désuètes et rébarbatives dès lors que les voitures autonomes sur un circuit ne sortiraient plus de la piste pour que les spectateurs assistent à la mort d’un pilote comme celle d’un torero transpercé par les cornes d’un taureau dans l’arène.

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Toute émotion, ayant disparu de la terre, ne resterait plus que la conquête de l’espace. Mais à quoi bon se rendre sur la planète rouge dès lors qu’il n’y aurait plus de troubadour pour y chanter la vie comme David Bowie qui a bien fait de s’en aller alors qu’il en était encore temps ? Et puis, la conquète spatiale n’étant plus qu’une affaire de calcul et de lanceurs laissée à l’apprentissage permanent des machines, l’homme n’aurait plus qu’à se contenter d’assister de Cap canaveral ou de Kourou au départ des expéditions de robots harnachés pour aller vivre, sur Mars, sur Vénus ou sur Saturne, loin des images provinciales retracées par Hergé pour Tintin et ses amis dans On a marché sur la lune. D’ailleurs, les batavias et rutabagas cultivés sur Mars n’auraient pas forcément mauvais goût, mais toute la production de la colonie martienne serait probablement un peu trop rouge, comme les carottes et les oranges, alors que les fraises et les framboises tireraient sans doute trop sur l’orange.

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La colonisation de Mars sera probablement le fait de robots dotés d’intelligence artificielle

Et à force de s’ennuyer, et à force que toute émotion ait disparu de la surface de la terre, il arriverait ce qui devra arriver : l’homme se rebellera, non pas contre les machines qui n’avaient jamais fait que ce que l’homme lui avait demandé de faire, mais contre l’homme lui-même. Et l’homme fit ce qu’il a toujours fait de mieux sur terre, détruire, torturer et tuer. Pour cela, il n’avait pas besoin de ces robots à intelligence artificielle, il n’avait qu’à revenir aux vieux principes en vigueur depuis l’âge de pierre et même de feu, et même d’avant le feu, oeil pour oeil, dent pour dent, peu importe que cet oeil et cette dent soient artificielles, un oeil de verre ou un dentier font parfaitement l’affaire aujourd’hui pour utiliser ici une massue robotique, là un drone de combat comme flingue artisanal.

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L’intelligence artificielle ne sert pas qu’à jouer au go ou aux échecs, on peut aussi concevoir des drones permettant un combat à distance qui n’a rien d’amical

Voilà déjà pas mal de temps que l’homme a perdu contre la machine, exactement depuis qu’il dispose de la capacité de s’autodétruire en quelques instants, par l’usage à outrance de l’arme nucléaire. Le bombardement atomique d’Hiroshima le 6 août 1945 a démontré que l’espèce humaine était en sursis, et qu’il suffisait d’une montée effective aux extrêmes des risques de conflit nucléaire comme en octobre 1962 lors de la crise des missiles à Cuba, pour que l’homme soit rayé de la planète.  Et encore, il ne s’agirait que d’une disparition brutale. On ne peut exclure aujourd’hui que le compte à rebours de la disparition humaine de la terre ait été enclenché, avec les changements climatiques issus de l’accumulation des gaz de serre depuis le début de la révolution industrielle au XIXè siècle.

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Hiroshima, après le bombardement nucléaire du 6 août 1945

Tout ce que nous pouvons espérer du développement de l’intelligence artificielle, c’est que ces machines nous aident à faire face aux défis humains qui nous attendent, le contrôle des armements, l’extinction des conflits, l’apaisement des tensions, la facilitation de la prise de décision pour réduire  les menaces écologiques et sauvegarder la faune et la flore  en périls, à condition cependant de ne pas sombrer dans l’idiotie et l’imbécillité qui sont, tout de même ce que les hommes font de mieux depuis toujours. Car jouer aux échecs ou au go, c’est bien, mais nourrir, soigner et loger toutes celles et ceux qui n’ont rien à manger, qui sont souffrants et qui n’ont pas de toit, c’est beaucoup mieux. Et robots ou pas, dans ces domaines, le travail ne manque pas, c’est juste une question d’organisation de la production et de la distribution à l’échelle planétaire désormais pour les sept milliards d’habitants et plus qui y vivent, de quoi occuper des milliers de robots à l’avenir.

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Charlie Chaplin dans les Temps modernes : les machines se perfectionnent, l’homme demeure!

Sinon, l’homme terminera comme toutes les chimères, dans un bestiaire au milieu des animaux fantastiques sortis tout droit de son imagination, épinglé comme un papillon dans ce qui ressemblerait à une animalerie de tôles froissées, la « machinalerie » de ses rêves les plus fous, trains qui déraillent et avions qui s’écrasent, motos, autos et vélos accidentés, hélicoptères enturbannés et fusées pschittées, voiliers, paquebots et sous-marins coulés, toutes ces machines détraquées sorties de l’imagination humaine pour exprimer le seul désir qui occupe en permanence les pensées de l’homme de jour comme de nuit, faire la bombe qui n’est qu’un désir d’éternité, quelqu’en soit le prix pour toutes les autres espèces vivantes.

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