Au pays du béret : les guerriers

Ne croyez pas que le béret soit simplement un attribut de la mode féminine ou masculine digne d’être seulement porté par les actrices ou les artistes. Il est d’abord un symbole de l’ardeur guerrière, comme en témoignait le musicien Thélonious Monk qui l’a régulièrement porté en hommage aux Forces françaises libres. La parution récente d’un roman longtemps égaré de Georges Perec nous le rappelle aussi, même si son histoire de faussaire a peu à voir avec l’univers des condottieres tel que l’histoire nous en laissé des traces.

il condottiere

La fresque du Palazzo Pubblico de Sienne, réalisée par l’artiste du Trecento Simone Martini et qui se trouve dans la salle de la mappemonde, représente un de ces condottières partant à la conquète d’un château, chef de guerre des Siennois, Guidoricco da Fodigliano. Le dessin fait songer à une statue équestre dont le cavalier porte une sorte de bonnet qui préfigure les bérets. Dans le Voyage du condottière, André suarès écrit :   On ne peut avoir plus grand air. À cheval, il ne fait qu’un avec sa monture : il est l’homme qui veut et qui agit, celui qui commande et qui conduit. D’or clair et de sinople en brocart, il va à l’amble aux couleurs de Sienne, sous le soleil noir, de l’azur le plus sombre.

Et que ce soit chez Pierro della Francesca lors de la représentation de la défaite de Chosroes (fresque d’Arezzo, église San Francesco, ci-dessus),  ou Paolo Uccello s’agissant de la bataille de San Romano (musée du Louvre, ci-dessous), la vertu guerrière se manifeste par le port de couvre-chefs en tissu face à l’ennemi casqué.  Bientôt, le béret deviendra l’apanage du guerrier courageux.

Désormais, tous les capitaines, princes et maréchaux sont désormais représentés un béret sur la tête, à l’image de Pierre Strozzi, condottière florentin et cousin de Catherine de Médicis, passé au service de la France et qui devient maréchal de France en 1554 sous Henri II (portrait de 1555 par François Clouet, musée Condé de Chantilly).

Portrait de Pierre (Piero) Strozzi, maréchal de France. Atelier de François Clouet, vers 1555 (Chantilly, musée Condé)- Pero Strozzi, cousin de Catherine de Médicis, connu en France sous le nom de Pierre Strozzi (né v 1510 mort le 21 juin 1558 à Thionville, France) était un condottiere florentin de la Renaissance, qui s'engagea au service de la France et devint maréchal de France en 1554 sous Henri II

Il arrive même que l’expression condottière déborde du cadre militaire, comme par exemple au dix-neuvième siècle, cette caricature du « condottiere » du mouvement romantique Victor Hugo portant une bannière « le laid c’est le beau », suivi de Théophile Gautier chevelu et moustachu portant chapeau.

Hugo en condottiere du mouvement romantique avec Théophile Gautier, cheveux longs, moustachu et chapeauté, en croupe.

Pour revenir aux traditions militaires, les exemples abondent au vingtième siècle de la vertu héroïque du béret, au-delà du cercle des commandos en bérets bleu, vert, rouge ou blanc. Car le soldat est d’abord un soldat en béret avant d’être casqué.

#British : Royal Marine Commandos #Royal_Marines #royalmarines  Bérets rouges  Les troupes se coiffent du béret bleu des Nations Unies  Chasseur Alpin

Béret verts des commandos britanniques, Bérets rouges français, Bérets bleus de l’ONU, Bérets blancs des Chasseurs alpins

 On doit à Ernest Hemingway, ici avec le journaliste et écrivain russe Ilya Ehrenburg ou Jori Ivens en 1937 pendant la guerre civile d’Espagne, de populariser le béret basque. La voiture, tout comme le camp républicain, traverse une mauvaisse passe, mais le béret devient l’arme fatale du courage à défaut d’assurance pour la victoire. De cette épopée, Hemingway nous livrera un livre inoubliable, Pour qui sonne le glas, qui raconte l’engagement idéaliste d’un professeur américain dans les Brigades internationales auprès du général Golz, en réalité le général « Walter », dont le véritable nom était Karol Swierszewski, un Polonais qui deviendra ministre du gouvernement populaire.

Ernest Hemingway with Ilya Ehrenburg and Gustav Regler during the Spanish Civil War, circa 1937.  Ernest Hemingway and Joris Ivens, Guadalajara, 1937 -by John Fernhout  1940 - For Whom the Bell Tolls by Ernest Hemmingway - The brutality of Civil war is nowhere better expressed
En exergue de ce livre, Hemingway placera une phrase de John Donne, tirée du poème Personne n’est une île. Mais si tout homme porte un béret dans cette guerre, ce n’est pas le cas de Gary Cooper en haut de l’affiche avec Ingrid Bergman dans le film éponyme de 1943 : le cowboy du Train sifflera trois fois, tenait visiblement à son chapeau.

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Heureusement pour le béret, et uniquement pour le béret, la Seconde guerre mondiale arrive. Les bérets de la résistance, tels ceux de Périgueux ci-dessous, finissent par l’emporter sur ceux tristement célèbres de la milice collaboratrice.

Et même Super résistant dans Papy fait de la résistance n’ose pas toucher au mythe. L’humour a ses limites, tout de même : le clac plutôt que la claque !

Car le béret est avant tout un état d’esprit comme en témoigne Pierre Veyron, dernier vainqueur au Mans avec une Bugatti en 1939, avant d’entrer en résistance face aux Allemands, avec son ami Jean-Pierre Wimille, l’autre membre de l’équipage.

bugatti.com -  Bugatti work driver Pierre Veyron (left) in front of his winning car, the T 57C Tank at the race in Le Mans 1939
Car il ne fallait pas manquer de courage pour porter alors un béret comme le rappellera plus tard le maréchal anglais Montgomery à propos de ses commandos parachutistes : Quels genre d’hommes sont ceux qui portent le béret rouge ? Ils ont sauté dans le vide de cette manière et ont bravé la peur … Ils sont en fait des hommes à part, chacun d’eux un empereur ».

"Quel genre d'hommes sont ceux qui portent le béret rouge? ... Ils ont sauté dans le vide et de cette manière ils ont bravé la peur ... Il sont en fait des hommes à part, chacun d'eux un empereur" Bernard Montgomery

Plus tard, le béret est devenu un temps une marque guerrière révolutionnaire, associé au cigare et au rhum Havana,  dont les nostalgiques des temps révolus se réclament encore. Che Guevara est mort et le cadavre de Castro bouge encore, sans réussir à nous faire oublier les victimes de leur système totalitaire, à l’origine destiné à libérer les masses populaires de l’oppression impérialiste.

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Quant aux Américains qui avaient perdu de leur superbe depuis le débarquement raté de la Baie des cochons le 17 avril 1961, ils tentèrent bien, par Hollywood interposé et John Wayne de reverdir en 1968 le béret de leurs soldats au Viet Nâm. Mais ce fut là encore peine perdue.  En réalité, il s’agissait d’une guerre sale sans béret, comme Hollywood finit par l’admettre avec des films comme Apocalypse now, Voyage au bout de l’enfer ou Platoon dont plus un seul des membres du bataillon ne porte un béret, la fin d’un monde !

John Wayne - Affiche Les Bérets Verts - 1967  Résultat de recherche d'images pour "apocalypse now"   

Et puis, un autre résistant est arrivé, dont le béret traditionnel a marqué un changement d’ère. Le commandant afghan Ahmed Shah Massoud, ici à droite, aura porté de  1979 à 2001 son célèbre pakol, dans les montagnes du Pandjchir, jusqu’à son assassinat le 9 septembre 2001, deux jours avant les attentats du World Trade Center et du Pentagone.

"Le commandant Massoud en discussion avec deux de ses partisans. Tous sont coiffés du béret traditionnel, le pakol."

Au terme de ce parcours, peut-on escompter que le béret retrouve ses vertus guerrières ? Rien n’est moins sûr. Les femmes se le sont appropriées et faut bien reconnaître que cela leur va mieux, bien plus en tout cas que tous ces guerriers plutôt condamnés ces jours-ci à porter le casque pour se protéger des explosions intempestives. On ne s’en plaindra pas. Le chic parisien l’emporte sur la boue des rizières ou le sable des tempêtes.

PARISIAN CHIC

Reste que les chats aussi se mettent à porter le béret dont l’histoire, donc,  est loin d’être finie.

Bonjourm mes amis. Je suis le chat existentialiste français. Je vis, je t'aime, je rêve, je l'espère, je fume, je meurs ... neuf fois, je suis donc dit. Mon pleure âme, mais c'est la vie! Maintenant, passez-moi un poisson frais et une Galoise, s'il vous plaît ... avec un bon verre de rouge, si ce n'est aucun problème ...