L’auteur virtuel est à la danse classique ce que l’éléphant est au magasin de porcelaine, un pachyderme à l’épiderme de cristal qui se rue là où la beauté s’affiche. L’Inde n’a pas encore été évoquée à ce jour alors-même que le pays des maharadjahs constitue l’un des piliers géographiques de roman d’Espoir. Commencer par la danse indienne apparaît judicieux au regard de l’importance que constitue cet art dans la civilisation indienne, danse, musique et théâtre étant d’ailleurs intimement liés.
Ainsi, Bollywood, les studios du cinéma indien de Bombay, ont rendu célèbre la danse indienne en l’intégrant, avec une approche simplifiée et renouvelée, dans des scènes de danse à grand spectacle qui font de ce cinéma l’un des plus populaires au monde. Mais les danses de Bollywood, souvent très spectaculaires par les rythmes et le nombre des danseurs, sont aussi loin de la danse classique indienne que les comédies musicales peuvent l’être du ballet classique en Occident, ce qui n’empêchent pas ces scènes d’être souvent magnifiques et parfois moins ennuyeuses.
Il n’appartient pas à l’auteur virtuel de se faire l’historien de la danse classique indienne, il n’y connaît pas grand chose, même s’il lui reste quelques souvenirs anciens d’après-midi ou soirées à l’Unesco, au musée Guimet ou ailleurs à admirer des danseuses classiques de passage. Ces spectacles sont souvent tout ou rien. Ou très beaux ou ennuyeux suivant l’école de danse et surtout les qualités personnelles de la danseuse ou du danseur, car plus encore que le rythme ou le mouvement, tout est dans l’expression du corps, du visage et jusqu’aux positions successives des doigts de la main qu’il convient de suivre jusqu »aux dernières phalanges.
Sans retracer toute l’histoire de la danse indienne, celle-ci a une antériorité extraordinaire puisqu’il existe, depuis deux mille ans environs, un livre codifiant en trente-six chapitres les règles de la danse, du théâtre et de la musique indiens. Ce livre, le Natya Shastra, aurait en effet été écrit 200 ans avant ou après la naissance du Christ par un certain Bharata, et serait un travail de regroupement d’un ensemble de textes plus anciens.
C’est dire que cette antériorité inscrit la danse indienne dans un prolongement unique dans le temps d’une technique codifiée qui aboutit à ce que la danseuse sur scène reproduit un art vieux de plus de deux mille ans. Cette durée est sans commune mesure avec le ballet classique européen qui n’a guère plus de cinq cents ans d’histoire. Quand on regarde une danseuse indienne, il faut imaginer qu’elle n’a pas changé depuis la naissance du Christ, qu’elle est toujours la même, et que cette observation vaut pour toute la civilisation indienne, immuable et donc remarquable. C’est autre chose que la destruction sytématique des jours qui marque l’histoire de la civilisation occidentale, appelée à se transformer en permanence et, d’une certaine façon, à épuiser le monde par cette course furieuse en avant.
Pour donner un seul exemple, du caractère extrêmement codifié de la danse indienne, voici les signes des mains auxquels les danseurs et danseuses ont recours. Il existe vingt-huit positions qui ont chacune une signification précise et qui permettent, tout au long de la performance, de raconter une histoire, le plus souvent d’amour malheureux ou heureux dans l’univers des dieux. Cette gestuelle des mains exige un travail assez extraordinaire car les enchaînements de position peuvent être d’une très grande rapidité.
Tl n’y a pas de danse indienne, évidemment, sans musique, tout aussi codifiée que les mouvements de danse. Le Sitar a été rendu célèbre par Ravi Shankar, de même que les tablas, ces petits tambourins sont extrêmement connus. Le troisième instrument figurant en photo, est un neeva. Mais le Natya Shastra ne définit pas simplement les instruments de musique, il fixe les règles de composition et l’usage des notes et consonances qui demeurent en vigueur deux mille ans plus tard, même si depuis le treizième siècle, il existe principalement deux écoles de musiques, celles du nord de l’inde marquée par les influences persane et arabe, et celle du Sud. On retrouve sensiblement cette distinction en matière d’écoles de danse.
Les mouvements de danse ne s’appuient pas seulement sur un groupe de musiciens en général restreint. Les danseuses s’accompagnent au rythme des sons de leur propres pas, à l’aide de grelots dont elles fixent la cadence en suivant l’évolution de l’histoire racontée. Ces carillons un instrument de musique, ce qui facilite d’une certaine façon l’interprétation de la danse, mais en complique la réalisation, l’expression musicale des pieds venant s’ajouter à la gestuelle des mains qui raconte l’histoire, ce qui explique que la danse indienne classique est un art d’une rare exigence demandant des années de formation et une rigueur et une souplesse assez exceptionnelles.
Il existe principalement huit écoles de danse, la plus connue étant le Bharata Natyam, danse traditionnelle du Tamil Nadu, peut être la plus spectaculaitre et la plus simple à suivre pour le spectateur. Le Kathakali et le Mohinihyattam sont aussi des danses du sud de l’Inde alors que le Kathak est originaire du Nord de l’Inde. l’Odissi et le Kuchipudi proviennent du centre-est de l’Inde tandis que le Manipur et le Sattriya sont originaires de l ‘Assam et du Manipuri, à l’Est de l’Inde, ente le Bangladesh et la Birmanie.
La danse indienne classique n’est pas que de la danse. Elle raconte une histoire qui puise dans l’histoire des divinités indiennes et constitue la forme première du théâtre indien. Danse, musique et théâtre sont associés en un tout, ce qui explique que le Natya Shastra soit un seul et unique ouvrage codifiant ces trois arts, à la différence de l’Occident qui a attendu la naissance de l’opéra pour que ces trois arts se rejoignent en une seule et unique performance, encore que le ballet soit relativement moins populaire que l’opéra qui associe théâtre, musique et chant.
Et pour conclure, voici Siva Nataraja, le « roi de la danse ». Prochainement, nous irons un peu plus à la découverte de l’Inde, plus grande démocratie du monde., ce qui est une performance remarquable pour un pays peuplé de bien plus d’un milliard d’habitants et prouve que la question du nombre n’est pas un empêchement pour adopter des règles démocratiques contrairement aux idées reçues concernant la Chine, par exemple, qui n’hésite pas à laisser croire aux naïfs qu’un régime autoritaire est nécessaire dans ce pays pour régler la vie des hommes sans leur consentement. Tout n’est pas rose en Inde, loin de là, mais voilà un peuple viscéralement attaché aux principes démocratiques, ce qui ne peut faire de ce pays qu’un ami sincère et permanent de la France.