Juste un an après l’attaque de Charlie-Hebdo suivie des répliques sanglantes jusqu’au dénouement du 9 janvier à l’hyper casher de Vincennes, il nous revient un passage d’une oeuvre d’Aimé Césaire , dans un contexte totalement différent qui était celui de l’anticolonialisme et de « la Négritude » : quand donc cesseras-tu d’être le jouet sombre au carnaval des autres, et dans les champs d’autrui l’épouvantail désuet ?
« Mas Guadeloupe », défilé de masse nocturne traditionnel
Depuis un an, la France a perdu la maîtrise de son destin. Nous ne sommes plus qu’un jouet sombre au carnaval des autres, un épouvantail désuet dans les champs d’autrui, champs pétrolifères, désertiques et chaotiques d’Arabie où s’affrontent les rivalités mimétiques religieuses entre sunnisme et chiisme, un conflit vieux de quatorze siècles, qui n’est pas prêt de s’éteindre comme en témoignent les tensions croissantes entre les pays du Golfe et l’Iran.
Un an après, il n’ y a rien à commémorer en vérité, nous sommes aux premiers temps du désastre, lorsque le porte-parole du ministère de l’intérieur rejoint dans la bouffonnerie le pitoyable Jawad de Saint-Denis, en déclarant à propos d’une attaque à l’arme blanche à l’entrée du commissariat de la Goutte d’Or par un homme ceinturé d’un gilet explosif factice, un an jour pour jour après l’attaque de Charlie-Hebdo, qu’il est « beaucoup trop tôt pour parler d’un acte terroriste» et qu’il «Il faut être prudent. Il s’agit d’une agression. » C’est bien connu, il est préférable de se doter d’un couteau pour retirer un passeport ou une carte grise, c’est plus pratique pour déposer une signature ensanglantée. Ou alors c’est Mardi Gras, allez savoir, car comme l’observe un policier témoin de la scène, « le mode opératoire est farfelu« . C’est le moins que l’on puisse dire! Et on ne s’en plaindra pas, pas de victime cette fois.
Epouvantail, photographie de Robert Doisneau
Entre 1995 et 2015, pendant vingt ans, la France a échappé aux attentats de masse. Cette époque est révolue. Transformé en un épouvantail désuet, le territoire national est devenu un champ d’action pour les terroristes autrefois en herbe devenus de véritables professionnels du crime organisé. Les attentats du 7 au 9 janvier et ceux du 13 novembre sont des défaites cinglantes que nous nous empressons d’ensevelir sous des gerbes d’émotion et de compassion alors que toutes nos forces vives devraient être mobilisées pour ne plus être à l’avenir le jouet sombre du carnaval des autres, ce djihadisme totalitariste qui impose son agenda meurtrier dans notre vie quotidienne et qui trouve dans le terrorisme une monstrueuse caisse de résonance pour lever en masse toute une jeunesse déboussolée en Occident.
Heureusement, il nous reste comme arme de dérision massive à opposer aux armes de destruction massive des criminels, non seulement la musique, mais aussi le véritable carnaval dont la saison vient de commencer aux Antilles et qui se poursuivra jusqu’au Mercredi des Cendres.
Attention cependant en célébrant puis brûlant Vaval, à ne pas se tromper de déguisement quand on est emporté par la foule au milieu du Bal masqué. Ni Kalachnikovs factices, ni gilets de salpêtre, cette année respectons les coutumes et les coutures des costumes favoris : Cendrillon, Napoléon, Superman, Spiderman, Jospéhine, Colombine… Et attention à ne pas prendre à la lettre le refrain : aujourd’hui, tout n’est pas toujours permis!