Les maharadjahs ont tant aimé les autos que dans l’imaginaire populaire les grands rois des Indes sont toujours représentés au volant de voitures de luxe ou de bolides, ce qui n’est pas totalement faux. Au début du siècle dernier, les maharadjahs ont en effet vite abandonnés les calèches au profit de voitures cabriolet de préférence de marque Rolls Royce qui leur rendra bien en baptisant ultérieurement l’une de ses séries Maharaja. Rolls Royce doit en effet sa bonne fortune aux Maharadjahs.
Voici, par exemple, le Maharadjah Buphinder Singh of Patiala au volant de la Rolls Royce Silver Ghost 1919. De son côté, la maharani Gayatri Devi of Jaïpur, alors réputée pour sa beauté, pose devant une Rolls Royce.
Le maharadjah de Jaïpur était un client fidèle de Rolls Royce qui fut la première marque à développer une voiture de style colonial spécialement destinée à une riche clientèle telle que le Nizam d’Hyderabab, considéré alors comme l’homme le plus riche du monde. Il était propriétaire de cinquante Rolls Royce, mais préférait au quotidien conduire une vieille Buick pour faire le tour de ses propriétés.
Pour satisfaire sa clientèle indienne, Rolls Royce veilla à multiplier les types de carrosserie destinées aux cérémonies, transport ou à la chasse, se spécialisant dans la construction de voitures solides capables de résister aux routes particulièrement difficiles des Indes. La réputation de cette marque est le résultat de la recherche de la robustesse et de la spécialisation à outrance auprès des altesses indiennes.
Voiture d’apparat, la Rolls Royce convenait particulièrement aux défilés royaux à travers la foule dense, l’ensemble de la famille pouvant être véhiculée, accompagnée des serviteurs.
La première Rolls Royce fut achetée en 1908 par le richissime maharadjah de Mysore après l’avoir aperçue en vitrine d’un concessionnaire de Bombay.
C’est à la demande du maharadjah de Vizianagaram que Rolls Royce, pour l’occasion d’un mariage, construit une voiture avec un chassis en argent plutôt qu’en acier, ce dernier métal étant considéré comme un présage malheureux. Il demande aussi que la voiture prenne la forme d’un bateau pour être adaptée aux cérémonies officielles, conduisant Rolls Royce à lancer une série de voitures appelée à un succès considérable, la Rolls Royce Silver Ghost.
La force de Rolls Royce sera de s’adapter en toutes circonstances aux exigences de la clientèle comme le montrent les exemples suivants de voitures fabriquées à à la demande :
Les anglais ne dédaignaiaent pas de faire un tour en Rolls avec les maharadjahs comme en témoigne cette photo de 1929 où le gouverneur de Bombay, sir Frédérick Sykes accompagne le maharadjah sir Vijaysinhji.
Tous ces exemples permettent de mieux comprendre pourquoi Rolls Royce continue allègrement d’associer l’élégance indienne à ses châssis beaucoup moins voluptueux et plus massifs, hélas, que par le passé. Sur cette photo, plus nous plaît le sari que la série !
Et les belles voitures continuent de charmer les visiteurs lorsque ceux-ci descendent dans les anciens palais de maharadjahs, même si la concurrence des calèches y est forte.
Enfin, une fois encore, on ne peut que saluer le génie d’appréhension des atmosphères d’Hergé qui, dans les Cigares du pharaon, dessine deux autos appartenant au maharadjah de Rawhajpoutalah, même si en ces deux occasions, il commet la même erreur en plaçant le volant à gauche alors qu’il devrait se trouver à droite.
Ce qui est sûr, c’est que posséder une cinquantaine de Rolls Royce au milieu d’un univers de misère et de famine latente ne pouvait que conduire à la disparition inexorable des pouvoirs détenus par la caste des guerriers après deux millénaires de combat ou presque. Le miracle aura été que leur disparition progressive donne naissance à la plus grande démocratie du monde qui, à l’échelle d’un continent peuplé de plus d’un milliard d’hommes, est un bienfait pour l’humanité : imaginez que la Russie, la Chine et le monde musulman soient aussi des démocraties, mêmes imparfaites, nous ne serions pas confrontés à ces tensions internationales qui résultent du comportement agressif des régimes dictatoriaux ou totalitaires peu habitués au dialogue et au compromis.