Vue sur Grande-Anse à Deshaies

Depuis août 1990, à chaque passage, séjour ou vie aux îles de la Guadeloupe, nous n’avons jamais manqué de s’arrêter au point de vue de Gadet qui surplombe Grande-Anse au lieu dit Ziotte, une plage magnifique longue de deux kilomètres, l’une des six du bourg de Deshaies, qui sert de cadre enchanteresque à la série policière So British, Meurtre au paradis.

Cette plage qui fait face à l’île britannique de Montserrat, n’est pas seulement la plus longue de la Guadeloupe, elle fut aussi un repaire pour toutes sortes de Pirates de la Caraïbe qui venaient s’y réfugier pour échapper aux flottes royales anglaises, espagnoles ou françaises qui les pourchassaient selon des humeurs vengeresses au gré de la destinée incertaine des traversées, de la navigation erratique et du son des canons.

A ce jour, ce sont plus de cinq années fractionnées que nous avons passé aux îles de la Guadeloupe et qu’il nous reviendra de conter si Dieu veut. Les temps ne sont pas encore venus de pourchasser les souvenirs tel un corsaire à la poursuite des galions espagnols s’en retournant vers l’Occident tout chargés d’or, d’argent et d’épices, et qui soulevaient lors de la troisième traversée océanique en diagonale, l’écume séculaire des crimes du commerce triangulaire atlantique : entre terre et mer, sous le ciel encombré des cendres dispersées de millions d’être humains soumis à l’esclavage, les forces tutélaires des volcans, cyclones et tremblements de terre de la Caraïbe sont de piètres et piteux assassins en comparaison des crimes de sang commis par les colons blancs îliens au cours des quatre derniers siècles, en ces lieux dits paradisiaques.

Il n’empêche, la plage de Grande-Anse du point de vue de Gadet, les bourgs de Pointe-Noire, Deshaies et de Sainte-Rose au nord de l’île de la Basse-Terre bien plus élevée que l’île soeur de la Grande-Terre, sont sur le globe terrestre, ce qui ressemble le plus assurément au Paradis perdu de Milton : Il n’y a que les Hommes de bien qui peuvent aimer la liberté ; mais, l’esprit est à soi-même sa propre demeure, il peut faire en soi un ciel de l’enfer, un enfer du ciel.

Toujours est-il que les îles de la Guadeloupe devinrent sans le vouloir notre Paradis pour la première fois où nous y avons posé le pied en août 1990, un extrême petit pas pour l’humanité mais un grand pied à taille humaine en ce qui nous concerne en tant qu’individu, même si ce n’est que du 43 d’un point de vue physiologique.

Au fil des années et des événements, il est aussi devenu évident qu’il existe des vies vécues pour être contées à destination de nos enfants, petits-enfants et descendants, à condition de ne jamais oublier que nous sommes en permanence confrontés à la souffrance, à la violence et à la haine irréductible ; et que seul importe le message unique à transmettre aux générations futures, qui est celui de faire le Bien pour autrui. Tout le reste n’est que vanité, de cette sorte de vanité des vanités qui divague sur le sable des jours et des années pour s’en aller à l’extrême fin, rouler sur les pierres, rochers et massifs volcaniques qui sont les tombes illuminatrices des siècles et millénaires de la corruption humaine.

L’heure est donc à se remettre au travail après quatre ans d’atermoiements et un an ferme de silence. A notre décharge, il est vrai qu’être confronté à un braquage au Paradis n’est pas chose banale. Mourir pour quarante euros par une nuit d’été sous les tropiques est pour le moins déconcertant, et perturbant pour le plus, quand la Mort s’en vient imminente.

Et tout ce qui est survenu depuis, surgit au midi du 16 août 2023, aux îles de la Guadeloupe alors que j’admirais sur la vue la rade de Grande Anse, à Deshaies où Amérindiens, colons en rupture de bans et esclaves marrons s’en vinrent autrefois renforcer les rangs de la piraterie des Caraïbes pour livrer bataille au malheur des hommes.

Un flamboyant situé au port de Sainte-Rose, nord Basse-Terre

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