De toutes les métropoles francophones, Liège, en Wallonie, est probablement celle qui possède le plus d’atouts pour celui qui recherche asile dans une grande ville : elle est ni trop grande ni trop petite, à taille humaine et plus que plaisante, les Liégeois cultivant un grand sens de l’accueil et de la fraternité. Liège est la ville idéale pour celui recherche à se réfugier en milieu urbain.
Palais des princes-évèques, place Saint-lambert, qui est aussi le siège du gouvernement provincial et du palais de justice
Liège est en effet une métropole qui mérite d’être mieux connue, plus fréquentée bien qu’elle soit la capitale régionale francophone la plus septentrionale. mais le temps qui peut certes être frisquet n’est pas un handicap, la chaleur humaine de ses habitants compensant largement les frimas de l’automne et les bourrasques l’hiver venu.
Son premier mérite est d’être un carrefour et de vouloir le rester ce qui n’est pas difficile, sa situation géographique la favorisant naturellement à assurer cette fonction : qu’on en juge par quelques chiffres : Maastricht se trouve à 35 km, Aix-la-Chapelle à 55 km, Bruxelles à 100 km, Anvers et Luxembourg à 130 km, Rotterdam et Amsterdam à moins de 240 km, Francfort à 310 km et 370 km, Londres par train à grande vitesse étant situé à 3 H 30. Difficile de trouver plus central en Europe.
Son deuxième mérite est de disposer d’une voie de navigation fluviale exceptionnelle : la Meuse qui relie la France, la Wallonie et les Pays-Bas sur plus de 900 Km, constituant un bassin d’approvisionnement en eau pour six millions d’habitants. La longueur du fleuve est supérieure à la Garonne ou à à la Seine, les deux plus grands ports d’Europe constituant les terminaux de ce fleuve qui traverse Liège de part en part.
Liège traversée par la Meuse au crépuscule
Son troisième mérite se rapporte à ses habitants qui dans l’histoire ont toujours fait preuve d’un héroïsme constant au point que la ville est surnommée « la cité ardente ». Si la ville est peuplée de 200.000 habitants environ, l’agglomération regroupe pas moins de sept cent mille, ce qui en ferait la cinquième métropole de France si la wallonie lui était rattachée. Les villa gallo-romaines Job-villa à à Jupilee et Rustica, place Saint-Lambert, témoignent de l’appartenance de la cité au monde romain, la ville au début du deuxième millénaire devenant une puissante principauté écclésiastique appartenant au Saint-Empire germanique, et qui le restera huit siècles jusqu’à ce que la révolution française achève un cycle historique ayant laissé un patrimoine considérable.
Saint Bartholomee, exemple de la richesse architecturale liégeoise
Charles le Téméraire est le premier des envahisseurs à laisser un très mauvais souvenir à la ville. Il s’en empare le 3 novembre 1468 et laisse ses troupes piller et brûler la cité ardente qui comprenairt pas moins d’une cathédrale, sept collégiales, deux abbayes bénédictines et de nombreuses églises romanes.
C’est par la montagne de Beuveren où cet escalier a été construit que 600 Liégeois tentèrent de capturer Charle le Téméraire pour mettre fin au siège en 1468
Un peintre a célébré la beauté de Liège à cette époque, c’est Jan van Eyck qui insère le paysage de la ville dans le décor de la Vierge au chancelier Rolin de Notre-Dame d’Autun, en 1435.
Etre un carrefour européen est certes propice au développement économique et commercial, mais c’est aussi un inconvénient quand on est sur l’une des principales routes d’invasion. par deux fois, Liège va être victime d’agressions par son puissant voisin germanique dont les troupes déferlent une première fois en 1914 et une seconde fois en 1940.
Fort de Loncin à Liège en 1918
Et à chaque fois, les Allemands vont être confrontés à une résistance improbable et héroïque de la capitale wallonne qui a bénéficié à la fin du dix-neuvième de la construction de douze positions fortifiées autour de la ville qui compliqueront sérieusement les plans d’invasion allemande. Après deux jours d’attaque, l’armée allemande est obligée de se replier le 6 août 1914 et de faire appel à des renforts pour porter à cent mille hommes les troupes chargées de réduire la résistance des douze forts (voir carte ci-dessous)
Dix jours de plus seront nécessaires pour emporter la totalité des douze forts, conduisant les historiens Horne et Kramer à souligner : Là où Schlieffen, révisant son plan en 1912, n’avait prévu qu’une seule division pour investir Liège et Namur, il en fallu huit pour uniquement réduire Liège, au prix d’un temps précieux et de pertes évaluées à 5 300 morts environ
La plan Schlieffen d’invasion de la france reposait sur la violation de la neutralité belge
Cette résistance acharnée vaudra à la ville de Liège de recevoir de la part des français la légion d’honneur, ce qui est alors une première pour une ville ainsi que le nom de la station de métro parisienne Berlin, débaptisée au profit de Liège, sur l’actuelle ligne 13 de la RATP. De même, les Français décident d’enlever l’appelation de « café viennois » pour la remplacer par celle de « café liégeois », l’empire d’Autriche-Hongrie étant alors allié à l’empire allemand. Par ricochet, le chocolat viennois devient aussi liégeois, ce qui est bien le moins que l’on puisse faire pour une ville ayant terriblement souffert de l’impérialisme germanique.
Les recettes de café liégeois sont aussi nombreuses que les bières brassées en Wallonie
Il n’y a pas que le café ou le chocolat qui soit liégeois, la gaufre aussi : un standard !
En mai 1940, la résistance à l’invasion germanique se renouvelle. Entre le 11 mai et le 29 mai, il faudra vingt jours aux troupes allemandes pour prendre toutes les fortifications entourant Liège, ville libérale fort hostile aux Nazis puisqu’en 1937 pour protester contre la politique de neutralité du gouvernement belge qui refuse de choisir entre les démocraties alliées et les dictatures de l’Axe, la municipalité choisit de fêter le 14 juillet, tradition qui se perpétue aujourd’hui encore et qui est un argument fort pour choisir Liège comme terre d’asile : au moins le 14 juillet, on peut espérer y trouver un bal des pompiers.
Autre témoignage de la qualité architecturale de la ville : le musée du Grand Curtius
La ville a aussi gardée de très nombreuses traces des constructions Art nouveau du début vingtième siècle comme la maison Saint-Cyr conçue par l’architecte Gustave Strauven.
L’histoire n’est pas que la seule justification du choix de Liège comme terre d’asile. Les amateurs de bière apprécieront d’être au coeur de la production des bières d’abbaye reconnues et des productions trappistes authentiques qui permettent de s’appovisionner auprès de deux cents brasseurs produisant plus de 2.500 variétés selon les plus enthousiastes, soit deux ans avant de retrouver une bière consommée pour celui qui en prendrait matin, midi et soir, de quoi voir venir.
La Curtius, bière liégeoise blonde brassée, « légère, complexe et élégante »
Mais il n’y a pas que les bières qui sont excellentes, il y a aussi les moules qui viennent de Zélande, en Hollande, pays voisin plus grand producteur au monde, avec 100.000 tonnes par an. Là encore, il y a mille façons de préparer ce plat national wallon qui se déguste avec des frites, de quoi faire passer le temps à celui venu se réfugier à Liège : à la crème, à la catalane, à la basque, au bleu, à la bière, les recettes ne manquent pas, on conseillera les moules à la bière trappiste ou les moules « belle époque » sans oublier les bières au cidre qui associe avec réussite l’estragon.
Liège est une ville où il fait bon vivre : ici, la place du marché
Pour ceux qui n’ont pas d’attirance pour la bière, un vin de Sancerre ou mieux un Cheverny blanc accompagnera avec délicatesse ce que l’on peut manger sans risque pour la santé. Riches en protéines et calcium, les moules sont peu caloriques, 75kcal pour 100 grammes selon les spécialistes, une raison supplémentaire pour tout quitter et s’installer à Liège, d’autant qu’il existe un quartier fort animé au centre de Liège, le « Carré » pour trouver où les déguster. Seul inconvénient, il n’est pas rare d’y croiser quelques étudiants dont on constate très clairement, affalés ou contre un mur, qu’ils ne supportent pas toujours la bière avec distinction. mais la municipalité a tout prévu : elle a conservé les rigoles aux milieu des rues piétonnes étroites et pavées pour l’écoulement des pluies et des excès de bière, sage décision.
Taverne Saint-Paul dans « le Carré »
Dernier argument pour choisir Liège comme terre d’asile : la culture. Comme toutes les grandes villes du nord de l’Europe, la métropole wallonne a son opéra, son orchestre, ses bibliothèques et musées, ses rues pittoresques et son patrimoine historique et religieux.
Le musée de la vie wallonne à Liège a cent ans d’existence
Opéra-royal de Wallonie, à Liège
La Batte sur les bords de la Meuse témoigne de l’animation de la ville le dimanche
Mais la révolution française a hélas réussi là où Charles le Téméraire et sans doute les Allemands n’y ont pas et n’auraient pas réussi : détruire la cathédrale gothique Saint-Lambert qui avait fait la réputation de la principauté.
Liège conserve l’église Saint-Jacques où sont donnés des concerts
Curieusement, cependant, Liège n’a donné naissance à aucun grand peintre dit « flamand » ce qui peut sembler logique dans une ville wallonne. mais le terme flamand en art concerne autant les peintres hollandais que flamands, bruxellois ou wallons. et donc Liège n’avait pas de grand peintre à honorer jusqu’à ce que Charles Delhaes y vienne au monde en 1948 pour nous éblouir de tout son talent aussi ardent que la cité.
Charles Delhaes n’est pas qu’un peintre abstrait ; il a aussi réalisé des oeuvres figuratives et possède un sérieux sens de l’humour, qualité rare à saluer
Le concernant, il serait grand temps que la ville de Liège lui consacre une collection digne de ce nom et s’engage plus volontairement à faire rayonner son oeuvre, ce qui donnerait une raison supplémentaire de demander le droit d’asile à une ville aussi accueillante, charmante et dynamique, même si la vie économique traverse des difficultés, cette métropole industrielle et laborieuse s’enorgueillissant à juste titre d’avoir donné naissance à la sidérurgie moderne.
Le crépuscule sur les installations sidérurgiques de Seraing ne sont pas de charme
C’est d’ailleurs à Seraing, ville industrielle s’il en est, que le club de football de Liège, le standard, y possède ses installations sportives, ce qui n’est pas sans avantage pour celui qui ferait de la ville son lieu d’asile. Il a l’assurance de pouvoir régulièrement assister à des rencontres européennes.
En attendant, on peut toujours visiter l’atelier de Charles Delhaes, au 26 rue de l’Etat-Tiers, à quelques encâblures de la magnifique gare centrale entièrement reconstruite pour accueillir les trains à grande vitesse.
Gare de Liège-Guillemins
Longue Vie à Liège, longue vie à Delhaes !
Les toits du centre-ville de Liège