Le tour de France de deux assassins (USSE, -0.01)

Comment le château de Villers-Cotterêts a changé depuis le XVIe ...

Nous connaissons désormais des aventuriers et voyagistes malgré eux qui réussissent à transformer à rebours un parcours du combattant djihadiste en une surprenante visite des lieux les plus remarquables de France, la triste bise étant venue suivie de violentes rafales.

Car c’est ainsi, en plein crépuscule hivernal et alors que le temps empêche de sortir sous les rafales et la mitraille, que des cohortes de journalistes venues de toute la France et du monde entier, caméras au poing et montres connectées au poignet, se sont retrouvé à suivre deux cruels et fourbes assassins égarés à la recherche d’une famille qu’ils n’ont jamais  voulu trouver depuis plus de vingt ou trente ans (image de garde : le château de Villers-Cotterêts).

Perdus dans une France qu’ils ignorent et ne veulent pas connaître, le choix des haltes et des étapes dénote un rendez-vous stupéfiant avec cette langue, cette histoire et géographie qu’ils abominent.

Partis de la place de la République à Paris, tout un symbole, ils ont pris la route de Meaux qui est la ville de Bossuet aux oraisons funèbres si sévères et talentueuses. Ils ont alors visité Reims, passant à proximité de la cathédrale millénaire de l’évêque gardien de la sainte ampoule dont le chrême et l’huile servirent à oindre en sept parties du corps, les trente-trois rois de France qui furent sacrés en cette place, devenue, depuis la rencontre du général de Gaulle et du chancelier Adenauer en 1963, le lieu de cérémonie de l’onction fraternelle entre les peuples allemand et français et au-delà de l’Europe entière.

Toujours poursuivis par ces envoyés spéciaux en furie, ils se dirigèrent vers Charleville, célèbre pour cette place ducale construite en 1606, qui est soeur-jumelle de la place des Vosges, ancienne place royale dont la construction débuta dans le quartier du Marais en 1605, sous Henri IV. Là, ils croisèrent la silhouette évanescente de l’homme aux semelles de vent, Arthur Rimbaud, qui s’en revint lui aussi d’Aden au Yemen, voilà plus de cent vingt ans : c’est un lieu  inhospitalier au possible si l’on en croit la correspondance détaillée de ce voyageur qui séjourna longtemps là-bas à l’Hôtel de l’univers pour y torréfier les mokas d’Arabie et d’Ethiopie.

La place Ducale plage en août 2016 - Photo de Place Ducale ...

La visite sous les feux croisés des reporters, se poursuivit en journée, parmi les ruines de l’abbaye de Longpont, une abbaye fortifiée cistercienne dont la destruction fut engagée après le départ des moines sous la révolution française, en 1793. C’est là, alors que s’installait un crépuscule glacial, que le tocsin retentit pour prévenir les villageois du danger menaçant.  la maréchaussée vint frapper à toutes les portes, mais nos deux orphelins avaient fui à travers la grande forêt de Retz pour s’en retourner, à moins qu’ils n’en revinssent, à Villers-Cotterêts, à la rencontre du fantôme d’Alexandre Dumas qui longtemps y séjourna  : il aurait certainement apprécié à sa juste valeur criminelle, cette poursuite impitoyable au  fumet inéluctablement délectable pour les narines d’un romancier en recherche d’inspiration permanente.

Pouvaient-ils savoir, nos deux orphelins, qu’en cette bonne ville de Villers-Cotterêts, François 1er, qui était ni pape ni président mais simple Roi de France, avait contresigné en 1539 l’ordonnance du nom de ce lieu où il aimait y séjourner pour pratiquer la chasse à un gibier qui n’était pas la recherche de deux braconniers assassins. Cette ordonnance avait été préparée par le chancelier Guillemine Poyet ; elle était destinée à imposer dans tous les tribunaux de France, la rédaction de tous les actes de justice en « langue maternelle française« . Elle demeure toujours en vigueur. En ce lieu, cinq siècles d’histoire de la langue française contemplaient les fugitifs à la recherche de leur tragique destinée, alors qu’ils n’avaient pas forcément pris, lors de leur jeunesse, le temps de découvrir toutes les subtilités d’un langage simple et clair, précis et exigeant, tant son usage relève de circonstances pascaliennes et cartésiennes.

Et c’est ainsi que deux criminels, voyageurs improvisés, ont tenu en haleine toute une nation, avec d’innombrables répercussions au-delà des frontières, conduisant paradoxalement à pouvoir les considérer comme d’improbables déconsidérs « bienfaiteurs de l’humanité », en ce qu’ils nous ont fait aimer malgré leur cruauté, malgré eux, malgré nous, cette terre de France éternelle, qu’ils méprisaient et détestaient, parce que nous n’avions pas réussi à leur apprendre à l’aimer et l’admirer. Et pourtant, c’est cette France des lumières qui, au terme de ce voyage lunatique et hallucinant,, nous menant à nouveau vers les grands cimetières sous la lune, resplendit en nos coeurs fracassés de chagrin, au son de la mitraille qui s’éloigne, des lumières vives sculptant les silhouettes de pierre des cathédrales, des abbayes et des prieurés, laissant entrevoir les fantômes d’une histoire se déplacant d’effrois en beffrois, de places fortes et en châteaux, tous monuments ordonnancés qui raisonnent et résonnent par le recours à l’emploi invariable de la langue française, notre Trésor à tous les Français et au-delà des frontières nationales tous les Francophones et usagers de la langue Française.

Dédicacé en respect de tout ce qu’il entreprend, à Mr Stéphane Bern, héraut de la langue français

En souvenir de Georges Bernanos, auteur de l’inoubliable « Les Grands cimetières sous la lune

Abbaye de Longpont : Séances, tarifs et réservation de la visite guidée —  MesSortiesCulture

Vous tous qui avez suivi et poursuivi ces deux êtres pitoyables à la conscience assassine, souvenez-vous de leur parcours inattendu, ils nous ont fait connaître et reconnaître, par l’entremise d’innombrables reporters spéciaux venus de la terre entière stupéfaite, une France oubliée, une terre de liberté aux joyaux millénaires, qui n’est pas, d’un point de vue historique, que le tour des Gaules d’Astérix et d’Obélix : même si Cambrai n’était pas loin, il n’était pas question dans la randonnée de nos deux terroristes de bêtises sans conséquence mais bien de crimes odieux.

Si nous ne pouvons pour cette raison saluer l’initiative voyageuse de ces deux tueurs implacables, ne craignons pas cependant de transmettre l’anecdote du vase de Soissons, où ils sont peut-être passés lors de leur équipée sauvage, suivant les traces de deux autres orphelins venus de Lorraine, à la fin du dix-neuvième siècle, pour nous conter un Tour de France qui n’était pas encore cycliste et qui fut longtemps un roman d’éducation à la française, pour tous les enfants de France.

C’est ce roman, portant le titre de Tour de France de deux enfants et écrit par une étrange Giordano Bruno, en réalité Augustine Fouillée,  née à Laval, val de Mayenne, en 1833, le genre d’historienne qui manque tant aujourd’hui à l’Education nationale pour apprendre le français, l’histoire et la géographie, et donc qui manque surtout à tous nos enfants pour leur apprendre à aimer la France et l’Europe, d’où qu’ils viennent et ce qu’ils sont. Il nous faut réinventer l’éducation donnée à nos enfants, aujourd’hui on préfère dire « réenchanter« , mais où est ce réenchantement lorsque le chant des rossignols s’éteint pour laisser cours, même brièvement mais si brutalement, aux rafales des kalachnikovs ?

Le Tour de France par deux enfants, le best seller de l'école ...

Lac d’Ailette, dans l’Aisne, à proximité du mémorial du chemin des Dames, route française entre les villes de Soissons et Reims. Le Chemin des dames d’une longueur d’une trentaine de kilomètres, a été le théâtre de batailles meurtrières pendant la Première guerre mondiale (1914-1918). De l’ordre de 100.000 à 200.000 combattants de multiples nations venues de la terre entière.

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