Voilà que l’idiot du village, le crétin alpestre, l’imbécile de quartier et l’abruti de base veulent ensemble interdire le port du foulard, s’en remettre à une grande loi générale que toute la Nation recueillie dans la douleur attendrait. Autant dire que l’auteur virtuel est bien décidé à entrer dans ce débat de la plus haute importance, pour s’y opposer de toutes ses forces. Voilà une facette que vous ignoriez vraisemblablement, mais le Maestro depuis sa plus tendre enfance a toujours été un expert en jeu du béret.
Il en a gardé une nostalgie qui, en son adolescence tardive , l’a conduit à hésiter entre les bérets verts et les bérets rouges, pour choisir en définitive les pompons rouges beaucoup plus burlesques et facétieux.
C’est qu’on s’amusait bien avec nos amis bretons au Bagad de Lann Bihoué. On y jouait, dans le monde entier, de la cornemuse écossaise et de la bombarde, l’ancêtre du hautbois. On est allé du Canada à l’Ethiopie, de Copenhague à Tahiti, colportant la richesse du patrimoine culturel celtique et la rigueur de la Marine Nationale, pour reprendre le communiqué officiel de présentation de notre corps de sonneurs et de sonneuses depuis qu’on accepte les femmes au tricorne. http://bagaddelannbihoue.tumblr.com/page/2
Alors, moi, le sonneur à pompon rouge, qui porte de temps en temps un bonnet tout aussi rouge quand il faut passer sous les portiques, je peux vous dire que jamais je n’accepterai une loi interdisant bérets, foulards et turbans, au risque de mettre le pompon dans l’engrenage et manger notre chapeau, comme la poule pondeuse :
Je ne connais rien de mieux que la preuve par l’image pour vous expliquer mon attachement au foulard si je puis me permettre ce jeu de mots facile. D’abord, je n’ai pas l’âme coloniale, ne comptez pas sur moi pour chanter Adieu Foulard, Adieu Madras cette vieille chanson guadeloupéenne, même si j’aimerais bien l’entendre une dernière fois avant d’être porté sur ma pirogue et qu’on y mette le feu sur la mer au milieu des foulards, à la méthode de mes ancêtres vikings.
En attendant, il n’est pas question de renoncer au madras, le volcan antillais gronde déjà, prévoir un tsunami de couleurs au prochain carnaval. Et s’il n’ y avait que le carnaval de menacé, il faudrait aussi oublier la Fête des cuisinières. Que deviendrions-nous sans langoustes et ouassous, dombrés et colombos ? J’aperçois déjà d’ici les citrons verts s’agiter dans les Ti’punch pour obtenir l’abolition de la loi scélérate.
Car pour protéger le bien-être familial des familles antillaises, le foulard est indispensable. Il donne la pêche. Il enivre les abeilles. Il est le secret de l’éternelle jeunesse. Il apporte le bonheur la joie de vivre, un sourire d’amoureuse.
Le turban est tout un art. Sauvons-le des prédateurs électoralistes qui veulent faire porter le chapeau de la xénophobie au malheureux foulard, ostracisé pour ce qu’il n’est pas, car tout est dans la façon de le porter, libre, joyeux et vivant, ou bien triste, sinistre et enchaîné.
Les plus habiles dans le port du foulard peuvent même dire si leur cœur est à prendre suivant le nombre des pointes, car il est aussi signe de vie, c’est dire qu’à force de généraliser on en perd tout sens commun.
Et si cela continue, demain je porte le foulard et la jupe. Kilt écossais au carnaval pour commencer histoire de défendre le genre humain. Pour plus d’audace, faut voir !
Cet article est dédié à toutes les Antillaises, âgées d’un jour à 120 ans et plus, pour qu’elles ne renoncent jamais au port du costume traditionnel les jours de fête, et encore moins au foulard, peu importe comment il est noué, l’essentiel est de vivre libre et en couleur, d’autant que même les photographies en noir et blanc témoignent d’un art de vivre qui se transmet de génération en génération au plus grand bonheur de tous.
Marchandes de corossol et de cocos à l’eau sur le marché de Pointe à Pitre en Guadeloupe.
Car au lieu d’interdire, le mieux est de sortir les foulards de couleur, de porter des carrés, de s’enrouler dans des écharpes et des châles, et de vivre dans la beauté des couleurs du monde entier.
(A suivre)