Ami lecteur,
Vous, libres penseurs ou croyants des trois grandes religions monothéistes, qui habitez des pays plus ou moins huppés, vous qui pensez à verser votre obole en achetant un journal à sept millions d’exemplaires au titre de la liberté d’expression bien secouée ces jours-ci, vous qui, comme moi, riez de tout et vous moquez de tout, mais peut-être moins de vous que des autres,
à l’occasion, une prière ou une pensée pour les chrétiens du Niger bien isolés ces temps derniers, ne seraient pas de trop. Ils ne sont guère à la fête tous ces jours-ci, et ce qui est certain, c’est qu’ils n’avaient rien demandé à personne avant que l’on vienne perturber violemment leur tranquillité pour des motifs qui ne les concernent pas n’en déplaise aux philosophes d’un jour. On ne les a pas invités à défiler l’autre jour et leurs églises, aujourd’hui, partent en fumée, une bonne dizaine depuis quelques jours. Sans l’intervention de l’armée, leur modeste cathédrale aurait connu le même sort. Quelques trois cents chrétiens ont été regroupés sous protection policière dans une caserne pour ne pas devenir le bouc émissaire de la fureur des hommes.
En cette occasion ce serait bien que les « donneurs de leçon » qui insultent gratuitement le premier venu comme si la vie des autres ne pouvait être en jeu à l’autre bout de la terre, lisent un peu René Girard qui depuis plus de soixante ans, réfléchit sur la question du mimétisme, du bouc émissaire et autres phénomènes anthropologiques à l’œuvre dans toutes les sociétés humaines depuis que l’homme existe, et qui sont fortement exacerbés actuellement. On lui doit « les Choses cachées depuis la fondation du monde » ou encore « les Feux de l’envie« , un livre d’exception consacré à l’œuvre de Shakespeare, que tout amateur de son théâtre devrait lire. Mais nous y reviendrons, forcément, prochainement.
Si vous le pouvez et si vous le voulez, en attendant, ce serait bien de venir en aide aux chrétiens du Niger. Ils ne sont pas très nombreux ; ils ne recevront pas une subvention d’un million d’euros et ils n’ont pas sept millions d’amis capables de se mobiliser du jour au lendemain. Pourtant, ils le mériteraient bien. Pour nous, ils sont nos sœurs et frères dans la foi, l’espérance et l’amour. Et pour vous, qui sont ils ? Des gens sans importance ? Juste des victimes collatérales de la prétendue guerre de la civilisation contre la barbarie, qui n’est que poutre et paille ? Ou bien à vouloir « écraser l’infâme », n’en devenons-nous pas infâme d’aveuglement en ne prêtant pas attention à celles et ceux qui se retrouvent en première ligne d’un soi-disant combat, bataille ou guerre qui ne les concernent absolument pas ?
Alors, dans votre impatience à défendre la liberté d’expression qui peut-être aussi mise en danger par des comportements caricaturaux, ayez la dignité de venir en urgence aux chrétiens du Niger qui sont là où ils sont, bien plus utiles à la liberté d’expression du monde entier qu’une simple caricature, car ce sont des femmes et des hommes et de sang qui vivent au milieu des vivants, et non des journaux ou du papier qui en voulant rendre hommage à des morts, sèment peut-être involontairement mais assurément hélas, l’esprit de la mort sur la terre.
J’en profite pour faire un peu de publicité pour une organisation qui œuvre pour l’unité des chrétiens et le dialogue interreligieux, si nécessaire par ces temps agités, le Conseil œcuménique des églises : http://www.oikoumene.org
Qu’ils soient remerciés ici pour tous leurs efforts entrepris pour « relier les hommes aux hommes »