Quand les baudets de Rimbaud rencontrent les badauds du Panthéon

Menacé d’expulsion du cimetière de Charleville où il demeure en famille, l’ idée saugrenue a germé un temps chez les Germanodôlatres d’ envoyer le Pauvre Arthur en punition au Panthéon qui est à la gloire ce que les pissenlits sont au coquelicots et aux bleuets, les glaïeuls ne poussent pas sur le marbre.

Heureusement de lointains héritiers se seraient opposés à la mascarade. L’ auteur virtuel n’a même pas eu le temps de conclure un chapitre appartenant au volume l’Eternité selon Rimbaud, lui aussi retrouvé en état d’ arrestation brouillonne. A l’occasion, on ajoutera le catafalque éditorial.

Et donc,

Voici que Rimbaud serait promis à à se retrouver au Panthéon en compagnie de Verlaine pour la plus grande gloire de la France et l’ébaudissement d’une populace hurlante pour reprendre une expression de Stéfan Zweig, car tel serait le sort réservé à notre pauvre Rimbaud si d’aventure se réalisait le funeste projet absurde et grotesque d’envoyer les cendres de Verlaine et Rimbaud au Panthéon sous la fresque de David D’Angers : A la queue du pauvre grison on a attaché un crucifix et la Bible ; ainsi à la pleine lumière du jour, pour l’ébaudissement d’une populace hurlante, l’évangile se balance à la queue d’un âne et traîne dans la boue du ruisseau (Stefan Zweig, Joseph Fouché, Grasset).

Matricule 1428

Il faut imaginer Rimbaud le déserteur de Salitaga et le partisan de la Commune dont le drapeau rouge flottait sur le panthéon en 1870, parmi les maréchaux, les généraux et tous ces soldats qui firent la gloire de l’Empire.

Les discussions du long hiver éternel risquent d’être animées à propos de son enrôlement dans l’armée coloniale hollandaise à destination de Java lorsque sous le matricule 1428, nommé Jean Nicolas Arthur Rimbaud, né le 20 octobre 1854 à Charleville, fils de Frédéric Rimbaud et de Marie Catherine Vitalie Cuif, mesurant 1,77 m, a été admis au bureau colonial de recrutement le 19 mai 1876 « en qualité d’engagé volontaire comme soldat pour six ans à partir de la date d’embarquement » et a reçu une prime de 300 florins, soit 750 francs or ».

Fils du militaire Frédéric Rimbaud qui se souciera fort peu de lui, Arthur Rimbaud dont le poème « le Dormeur du val » est une ode à tous les soldats anonymes tombés au combat, sera toute sa vie en délicatesse avec l’armée s’agissant de son service militaire obligatoire auquel il ne se présenta pas.

Sa situation au regard de ses obligations ne sera eclaircie que lors de son ultime rentrée en France alors que la mort s’annonce. Il l’apprend par une lettre de sa soeur Isabelle le 8 juillet 1891, qui fait état de sa position transmise par le commandant de recrutement Bertaux, le 7 juillet 1791 à Mézières :
« Le nommé Rimbaud, J.-N. Arthur, est en Arabie depuis le 16 janvier 1882; en conséquence, sa situation militaire est légale; il n’a pas à se préoccuper de sa période d’instruction, il est en sursis renouvelable jusqu’à sa rentrée en France ».

L’accueil du déserteur Rimbaud ainsi que de Verlaine par les généraux reclus du Panthéon, risque d’être frais et même glacial.

« j’irai sous la terre, me dit-il, et toi tu marcheras dans le soleil » (notes d’Isabelle Rimbaud du dimanche 4 octobre 1891).