Connaissez-vous Tamé ou Tompière ? Pas plus que Sra vraisemblablement, qui ne sont pas des footballeurs du PSG ou de Chelsea. Ce ne sont pas plus des rappeurs ou des acteurs de cinéma, toutes catégories habituelles dans lesquelles on range les artistes africains, car que voulez-vous , à l’ère des médias, un footballeur est aujourd’hui un artiste, misère de misère. Ce sont en fait des sculpteurs, de très grands sculpteurs.
Masque Baoulé, Côte d’ivoire (masque Beté, en introduction d’articles)
Le musée du quai Branly à Paris, qui serait toujours situé au quai Branly aux dernières nouvelles sauf s’il a dérivé dans la nuit, a l’excellente initiative d’organiser une exposition consacrée aux Maîtres de la sculpture de Côte d’Ivoire. En plus, on peut y entrer en obtenant un billet gratuit pour un billet acheté, que les amoureux se renseignent sur les conditions, mais vous pouvez aussi y emmener votre père qui perd la mémoire.
Masque Senufo, Côte d’ivoire
Car justement l’art africain retrouve la mémoire, ce qui est bon signe. Tout a commencé en 1935 lorsqu’un ethnologue allemand, Hans Himmelheber, a décidé d’appliquer les méthodes d’expertise scientifique de l’art, lorsqu’on recherche dans le moindre détail, une signature spécifique, une facture identique de différentes œuvres pour aller jusqu’à retrouver l’artiste d’origine derrière une appellation commune, comme par exemple en peinture flamande tel ou tel peintre appartenant à un atelier de Bruges, de Gand ou d’Anvers. Cette méthode a été aussi utilisée pour retrouver les artistes sculpteurs qui ont réalisé les tympans et retables des églises, abbayes et cathédrales.
Bracelet Senufo, Côte d’Ivoire
Au début du vingtième siècle, pendant l’ère coloniale faut-il le préciser, les artistes et intellectuels occidentaux se sont pris de passion pour les masques et statuettes africains, s’intéressant aux oeuvres et non aux artistes, s’inspirant pour leur propre production artistique de « l’art nègre » comme Picasso, Braque ou Matisse, mais encore Derain ou Vlaminck. Le cubisme s’en est notamment fortement inspiré. Ces ivoires, ces bronzes, ces laitons ou bois patinés furent considérés comme des travaux d’artisan au service de rituels sacrés, sans véritablement chercher plus loin la signification de ces objets d’art en distinguant ce qui relevait du profane ou du sacré, du décor ou du rite.
Masque Dan, Côte d’ivoire
L’ethnologue Himmelheber en 1935 va donc publier un ouvrage qui ne se contente pas de montrer de belles images comme souvent chez les experts d’art. Il va se demander qui sont les auteurs de ces masques et statuettes, prendre le temps de comparer et de rechercher, arrivant à la conclusion qu’il ne s’agit pas d’artisans anonymes au service de rituels mais de véritables artistes, réputés connus, appréciés, demandés, allant de cour en cour, abandonnant leur métier d’origine, forgeron, cultivateur, pour devenir des créateurs itinérants au même titre que des Raphaël, de Vinci ou le Caravage ont sillonné l’Europe à la Renaissance.
Sculpture Dan, Côte d’ivoire
Le travail d’Himmelheber a permis d’attribuer des noms à ses artistes africains en tenant compte des traits spécifiques de leurs œuvres. On parle alors du maître de la crête de coq ou du maître du dos cambré. Douze d’entre eux ont été identifiés dont Sra, Tamé ou Tompième. Vous y croiserez peut-être l’auteur virtuel. Il aime beaucoup ce musée comme le musée Guimet, car tout ce qui vient d’Inde ou d’Afrique ne lui est pas insensible. sans oublier les loas d’Haïti et les Khatchkars d’Arménie.
Bronze africain, Côte d’ivoire
Et puis, comme en témoigne la phot ci-après , la sculpture n’est qu’une question d’art en Afrique, cela peut être aussi une affaire de coiffure, on ne s’en plaindra pas ! Et si un jour vous vous rendez en Côte d’ivoire, n’oubliez pas de vous rendre au musée, quinze mille chefs d’œuvre vous y attendent. Des sculptures, pas des coiffures ! Pour les coiffures, il y a la presse féminine, la rue ou le métro parisien. Et il y a aussi le vélib 🙂
Et merci à Guy, mon veilleur africaniste de m’avoir rappelé l’échéance de l’exposition, il faut dire que je suis occupé, chaque jour de la semaine je fais la sieste, le hamac accroché au grand baobab de fer, juste à côté du musée !