Marcel Gottlieb a quitté ce monde alors qu’il était encore en vie fort peu de temps auparavant, grosso modo, à peine l’épaisseur d’un trait égal à un dernier souffle ce qui est fort peu, il faut en convenir et s’en soucier pour celles et ceux qui s’accrochent à la vie. Au premier abord, cela semble banal. Mais à la réflexion, de même que l’on naît qu’une fois, on ne meurt pas plus souvent, c’est comme attraper la rougeole, la variole la scarlatine ou la syphilis, la récidive n’est pas dans la nature, gardons-nous aussi de la peste ou du choléra par la même occasion. La bonne humeur peut y aider, c’est connu il faut rire au moins trois minutes par jour pour cumuler des heures négociables au dernier moment, ce qui n’est pas si simple quand personne ne vous prévient. En plus, pour remonter le temps d’une ultime grande vadrouille, il n’y a pas d’hélice, c’est là qu’est l’os, hélas.
Certains prétendent cependant qu’il est possible de ressusciter même si la technique n’est pas encore totalement au point pour être généralisée à ce jour. Il faut bien reconnaître qu’à l’exception des chanteurs de variétés, les retours à répétition sont rares et font polémiques. Et puis, encore faut-il avoir comme Lazare un bon camarade pour entrer dans le livre le plus vendu au monde, à défaut d’être dans le Guiness des records.
Toujours est-il que Marcel Gottlieb n’était pas qu’un humoriste dessinant à ses heures perdues entre deux steaks d’antilope. Il était surtout un remarquable éthologue dont les travaux ont marqué l’histoire de l’éthologie, cette science du comportement des animaux. Ce qui nous permet de consacrer un quart d’heure scientifiquement utile à l’ébahissement des foules. L’étude des moeurs animales a toujours attiré les plus grands esprits et on ne s’étonnera donc pas que l’auteur virtuel à la suite du petit Marcel y consacre une chronique entière en hommage au grand Descartes qui, avec cet esprit de finesse cher à son ami Pascal, a observé par le passé que les animaux sont intelligibles d’après le modèle de la machine.
Depuis lors, les éthologues qui n’ont rien à avoir avec l’éthylomètre, encore que dans les deux cas il s’agit de mesurer des comportements, les éthologues les plus célèbres donc, rencontrent un grand succès auprès du public. Il est vrai qu’entre l’homme et l’animal les différences sont minimes et que lorsqu’on étudie l’instinct ou qu’il est question de béhaviorisme, le comportement contrôlé par des réflexes, et encore de doctrine de Pavlov, l’étude des réflexes conditionnés, on ne sait plus trop faire la différence dans un zoo entre l’animal en liberté et le gardien en cage.
Pour en revenir à Marcel Gottlieb, ses travaux d’éthologues ont fortement influencé l’école de Konrad Lorenz et Nikolaas Tinbergen, qui privilégiait aussi l’observation objective des animaux dans des conditions naturelles, ouvrant la voie à une éthologie moderne s’intéressant aux relations humaines. Ainsi, avant même que l’éthologue Bruno Marchal n’étudie les relations de couple homme-cheval pour tendre à améliorer les relations humaines, Gottlieb de son côté a approfondi l’étude des relations entre le singe et l’homme, sans réussir à déterminer qui descend de l’un ou de l’autre, ce qui est une démonstration d’autant plus scientifique que le singe peut lui aussi faire la révolution depuis qu’il a voyagé dans l’espace.
Les aventures de Gai-Lurzan, parues dans Vaillant n°1119, en 1966
Les travaux d’éthologie de Gottlieb ont marqué des générations de scientifiques plus ou moins grands et donc moins ou plus petits, ce qui n’est pas rien. Ils ont été notamment publié dans la revue de vulgarisation l’Echo des savanes, qui compile des années de recherche dans le comportement animal. Gottlieb a toujours été très discret sur les origines de cette passion. Il semble avoir puisé dans les recherches descriptives de certains de ses prédécesseurs tels qu’Hergé ou Walt Disney, s’intéressant de près à l’enlèvement de King Kong ou encore aux ébats tumultueux de Jane avec Grolarzan, l’homme hippopotame. Son élève Mandryka a repris le flambeau avec talent et réussite, prouvant qu’une troupe d’éléphants vivant en circonstances humaines pouvait utiliser une baignoire à toutes fins utiles.
Une chose est sûre. C’est en lisant le journal de l’expédition ethnographique de Griaule, Larget, Leiris et Lutten en Afrique noire, d’Ouest en Est, de Dakar à Djibouti entre 1931 et 1933, qu’est venue l’idée de Gottlieb d’étudier les moeurs de la jungle pour tirer les leçons des comportements animaux les plus étonnants aux fins de les rapporter à l’échelle de nos misérables vies humaines. La création de la branche de dingozoologie est assurément l’une des avancées scientifiques les plus spectaculaires du siècle dernier.
Les résultats sont d’autant plus hors du commun que Gottlieb est probablement l’un des derniers éthologues à avoir pu étudier les animaux de la jungle dans leur environnement naturel, car les chiffres, en ce début de vingt-et-unième siècle sont là, atrocement là. Les derniers animaux sauvages d’Afrique disparaissent les uns après les autres, victimes de prédation humaine, et dans la jungle, terrible jungle…, l’indomptable, le redoutable, le lion est mort ce soir. Sur ce point, l’auteur virtuel soutient l’action d’ Elephants sans frontières, menée par la fondation Vulcan qui cherche avec de nombreuses autres organisations non gouvernementales (ONG), à protéger les derniers éléphants vivant en liberté.
Mais de quoi se nourrira la hyène si les animaux de la jungle disparaissent ?
En définitive, il apparaît aujourd’hui que le livre prétendument intellectuel de Michel Leiris intitulé l’Afrique fantôme, est bien plus fantaisiste que la ligne claire de Gotlib qui éprouvait une véritable tendresse pour l’Afrique et ses animaux. Son écho des savanes, alors que les hommes tranquilles s’endorment, retentira aussi longtemps qu’il sera possible de sauver ici une girafe ou un éléphant, là un léopard ou un lion, sans oublier rhinocéros et hippopotames, ces hippopotames du marais qui nous inspirent autant que les spécimens de gazelles appartenant à l’espèce humaine, qui renoncent à la brousse flamboyante pour prendre le chemin de l’Europe où elles s’enracinent pour notre plus grand bonheur.
Toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou ayant existé serait purement fortuite