
Alors que la nuit précédant le Fric-frac, un homme se promenait dans les jardins du Louvre, passant devant Scaramouche de Bagatelle, les invités se bousculaient dans la salle de bal du palais de Buckingham longue de 36,6 pieds environ et mesurant 7.200 pieds carrés, soit 170 convives pouvant assister à un banquet et qui étaient quatre cent debout, tandis que dans le salon jaune, l’horloge Kylin qui avait été restaurée pour la seconde fois en peu de temps après des décennies de bons et loyaux services données à la famille royale, était tombée en rade, signe de mauvais présage selon les journalistes qui se pressaient autour du Roi. L’ heure indiquait minuit pile, l’ heure du crime.
Celui-ci semblait heureux de la tournure prise par le discours donné par Jonathan Livingstone, surnommé affectueusement par la famille royale Petitjean depuis des lustres, au point de croire que l’illustre auteur de « Parlez-vous français ? « , vendu à des millions d’exemplaires au cours des cinquante dernières années, semblait bien être le seul homme de la Cour royale n’étant dans le Palais, ce qui ne lui arrivait jamais sauf quand il se promenait au Louvre ou en vaisseau spatial d’apparat.
Pourtant, son discours fini, le Roi avait été long à réagir. Un silence glacial s’était installé sans la salle de bal, aucun insecte ne tournoyait, pas même une mouche de coche, encore moins un moustique porteur de dengue, le Roi semblait comme hors du temps, sans que l’on sache si celui-ci désapprouvait ou non les libertés prises avec le cérémonial de cour par Sir Jonathan lors du discours.
D’abord, Jonathan avait délivré son discours en latin, dix longues minutes incompréhensibles pour le public, interloqué. Ensuite, il avait intitulé son discours Londinium Vocans ce qui voulait dire London calling, un titre de chanson rebelle des années soixante-dix, et puis, surtout il avait passé la parole à son astromobile qui partageait le vaisseau spatial passant au-dessus de Londres, tous feux et oriflammes allumés, un incertain Marcus Ellipsis, que personne ne connaissait ni d’Eve ni d’Adam à Londres, une sorte de mi-drone mi-robot, un gentilhomme qui ressemblait au colosse de Rhodes, tout de fer ganté, crâne d’acier et mollets en titane.
Pour ceux s’y connaissant un peu en latin, le discours paraissait parfaitement réussi, Marcus avait salué la foule quelque peu dubitative puis il s’était retiré en remerciant une dernière fois Jonathan James le Centenaire et le Roi remis de ses émotions, désormais visiblement enchanté par un discours auquel personne n’avait rien compris, à l’exception d’Olvia, la seconde astromobile qui n’était point du tout la compagne de Marcus Ellipsis mais bien une vague connaissance de la famille royale, ayant réussi à être invitée au discours royal de l’année, en contrepartie de quelques bonbons au caramel, des dragées à la menthe et des friandises affriolantes.
De son côté, une fois retiré dans ses appartements, PetitJean songeait à la farce qu’il venait de faire aux trois cents invités réunis dans la salle de bal à 14 Heures pour célébrer à 2 heures 40 du petit matin, l’anniversaire de la Reine défunte qui se trouvait être aussi la date de naissance du prétendu sir James Livingstone, de son véritable nom Frétault, Frétaut ou quelque chose comme Frébeaut, prétendument né en la ville de Biggleswade, dans le Bedfordshire, un 21 avril 2025 à 2 heures quarante assurément. Et le centenaire qui tournoyait dans l’espace passant cette nuit-là au-dessus du village de Brégy dans l’Oise, se portait bien, extrêmement bien, entrant dans sa cent-et-unième année, prêt à débarquer sur Mars dès que possible. Mais il ignorait qu’à sept heures, ce serait Chasse gardée.

Passage du vaisseau spatial Mars First, dans la nuit du 21 avril 2025, à 2H40 précisément.
Le principe de publication : Y en a pas, dixit Hitch