
Alors qu’un air de rhapsodie s’élevait tout en douceur du cabinet médical voisin, le commandant Olibrius réfléchissait tout en regardant par la fenêtre, la vue qui donnait à la fois sur le cimetière, la mer et la place tricolore du bourg qu’il arpentait depuis qu’il était à la retraite, à grands pas quelque peu désespérés de n’être plus actif à la poursuite des vauriens, des brigands et des bandits de grands chemins.
Quelque chose clochait, se dit-il en reconnaissant l’oeuvre pour piano et orchestre de George Gershwin créée un siècle plus tôt, jazz et musique entr’enlaçée pour le meilleur et pour le pire, une partition déroutante et envoûtante, expérimentale alors, qui avait été orchestrée pour la première fois à l’Aeolian Hall de New York le 12 février 1924 Par Rudolph von Grofé, animateur de radio, pianiste, compositeur et arrangeur à ses heures perdues, que tout le monde avait fini par oublier, sauf lui, le commandant Olibrius, ayant servi vingt ans sous les ordres de ce fou furieux de Lô Nicorps, aussi fanfaronneur que le cheval de course aux vingt victoires sur quatre-vingt dix courses, belle réussite pour son père Rockfeller Center et sa mère Miss Bonette, se souvint Olibrius, péhémuiste acharné à la recherche du trèfle à cinq feuilles, le quinté.
Alors que la rhapsodie in blue de Gershwin s’achevait et que son tour n’était pas passé pour sa visite semestrielle au médecin du bourg, une doctoresse en fait, comme on disait autrefois, Olibrius, tout étonné d’écouter en boucle We Will rock You, s’arrêta tout net. Il y avait effectivement quelque chose qui clochait dans la rhapsodie, mais ce n’était pas celle de Gershwin mais bien la Bohémienne ; et Olibrius se mit à chanter tout haut dans la salle d’attente : W’re are The Champions, my friend…
Le commandant Olibrius était déjà loin dans sa tête, quand il s’en retourna à la brigade de gendarmerie, ayant affiché sur son téléphone mobile les paroles de la chanson du groupe Queen, qu’il fredonnait à tue-tête.

Is this the real life? Is this just fantasy?
Caught in a landslide, no escape from reality
Open your eyes, look up to the skies and see
I’m just a poor boy, I need no sympathy
Because I’m easy come, easy go
Little high, little low
Any way the wind blows doesn’t really matter to me, to me
Mama, just killed a man
Put a gun against his head, pulled my trigger, now he’s dead
Mama, life had just begun
But now I’ve gone and thrown it all away
Mama, ooh, didn’t mean to make you cry
If I’m not back again this time tomorrow
Carry on, carry on as if nothing really matters
Too late, my time has come
Sends shivers down my spine, body’s aching all the time
Goodbye, everybody, I’ve got to go
Gotta leave you all behind and face the truth
Mama, ooh (any way the wind blows)
I don’t wanna die
I sometimes wish I’d never been born at all
I see a little silhouetto of a man
Scaramouche, Scaramouche, will you do the Fandango?
Thunderbolt and lightning, very, very frightening me
(Galileo) Galileo, (Galileo) Galileo, Galileo Figaro, magnifico
But I’m just a poor boy, nobody loves me
He’s just a poor boy from a poor family
Spare him his life from this monstrosity
Easy come, easy go, will you let me go?
بِسْمِ ٱللَّٰهِ
No, we will not let you go (let him go)
بِسْمِ ٱللَّٰهِ
We will not let you go (let him go)
بِسْمِ ٱللَّٰهِ
We will not let you go (let me go)
Will not let you go (let me go)
Will not let you go (never, never, never, never let me go)
No, no, no, no, no, no, no
Oh, mamma mia, mamma mia
Mamma mia, let me go
Beelzebub has a devil put aside for me, for me, for me
So you think you can stone me and spit in my eye?
So you think you can love me and leave me to die?
Oh, baby, can’t do this to me, baby
Just gotta get out, just gotta get right outta here
Ooh….
Arrivé at home, dans la modeste demeure qui lui servait de repaire en bord de mer depuis qu’il avait réussi à repousser les envahisseurs anglo-saxons de l’Anse vers leurs îles traditionnelles de New Zeland, Australia sans oublier Cornwall and co, Zi Commandante retrouva la boite de gâteaux de la Maison familiale la Trinitaine fondée en 1955, soixante-dix ans plutôt, dans laquelle pourrissait les docs de l’affaire dite du braquage à l’Antillaise, et se mit à lire les rapports de police quelque peu curieux qui y traînaient en compagnie de son fidèle chien renifleur, l’inspecteur Harry, le lézard des sables, shériff in the sand à défaut d’être celui de la ville, qu’il n’avait pas choisi d’être.

Résidence secondaire de l’inspecteur Harry Olibrius
Sauf qu’au moment où il allait s’attaquer au frigo qui lui servait de rhumerie et s’allonger sur le canapé défonçé pour s’endormir sur les rapports sortis de la boîte de chocolat fondu qui n’était pas une boîte de sablés, le commandant Olibrius fut dérangé par trois coups vigoureux donnés au bois mité qui lui servait de porte cache-misère, c’était le préfet qui servait d’huluberlu du bon coin, un artisan du bonheur tropical.

Chaturanga traditionnel, devenu Shatranj