Pourquoi sont-ils morts ? (1/2)

Le Bataclan, une construction chargée d'histoire | Les Maçons Parisiens

Quatre semaines après les massacres du vendredi 13 novembre, ce qui surprend le plus, c’est ce peu d’empressement d’éclairer les Français sur ce qui s’est réellement passé ce jour-là et dans les mois qui ont précédé.

Il existe une collusion entre le pouvoir politique, l’autorité judiciaire et le système médiatique pour taire des informations, ne pas regarder la vérité en face et passer à autre chose, que la vie reprenne son cours et les illusions aussi, en laissant entendre qu’avec un peu de chance, tout ira bien Madame la marquise. Heureusement qu’il existe Le Canard enchaîné pour regarder dans les coulisses le bazar qui règne et contribue au spectacle improvisé sur une scène qui ressemble à s’y méprendre à celle des Bouffes Parisiens.

Mais voilà, dans le même temps on perçoit un affolement persistant, troublant et inquiétant qui se dilue dans un océan de grande fatalité pour faire admettre aux citoyens bon public que les événements épouvantables du 13 novembre ne peuvent que se renouveler. Ce sentiment résulte de l’incapacité de nos hommes politiques à nommer ce qui doit être nommé, à savoir l’islam politique, comme si le projet de califat entretenus par une horde fanatique n’avait jamais existé, n’était qu’un cauchemar dissipé, un mirage du désert qui ne concernerait en rien l’Europe pourtant plus verte de peur qu’épanouie par le développement durable.

Personne n’est dupe. Que nous le voulions ou non, ces hommes qui ont commis ces massacres, ont revendiqué ces assassinats de masse au nom d’un certain islam archaïque mais un islam tout de même.

Il faut arrêter de jouer avec les mots, se rassurer, chercher des excuses, trouver des explications alambiquées : il est fort possible que le monde musulman dans sa plus grande majorité cherche à se dissocier des actions de Daech qui se revendique de l’Islam, mais Daech en est indissociable tant que cette secte existera et poursuivra ses actions de terreur, avec des ramifications dans le monde entier, bénéficiant de complicités politiques solidement établies dans le monde musulman, et plus particulièrement dans les pays arabes sunnites.

En attendant de prendre au niveau national et international le taureau islamiste par les cornes pour le terrasser, ce qui n’a que trop tardé par l’incapacité des nations concernées à se concerter et organiser une coalition aux buts de guerre clairement définis en Syrie et en Irak, il convient de revenir à notre question: pourquoi sont-ils mort Faudrait-il encore savoir comment ils sont morts.

Le monde politique et l’autorité judiciaire voudraient se contenter d’un communiqué de presse anodin, entre une nouvelle sportive et la publication de résultats électoraux, un soir de bouillabaisse au menu : ils sont morts de tirs de balles de kalachnikov et de l’explosion de bombes humaines, orchestrés par une horde sauvage d’une dizaine de terroristes fanatisés, tous morts à ce jour à l’exception d’un ou deux qui courent toujours, allez savoir le nombre exact. Fermez le ban.

Comme le communiqué est un peu court, en attendant des révélations qui ne viendront jamais, les médias « amusent la galerie » de façon assez étrange, à grands portraits sympathiques d’assassins qui ne sont que de vulgaires salopards transformés en héros de guerre ou bandits de grand chemin selon une psychologie de bazar digne du Cosmopolitan des années heureuses.

Voici donc nos braves petits gars de banlieue partis au djihad, victimes de la société capitaliste, se morfondant d’ennui. tellement. Ils ont pris leur billet sans retour pour apprendre à faire la guerre sans merci. Et les voici revenus par leurs propres moyens, à pied, à cheval, en voiture, en bateau, en avion, allez savoir, ils sont trop nombreux à suivre, ils ont trouvé des kalachnikov en pagaille, un peu de poudre et des détonateurs chez des marchands de sable, loué des voitures pour quelques virées en Hongrie ou ailleurs, et hop, ils se sont retrouvés un soir pour faire la bombe au stade de France, décimer les trottoirs parisiens et massacrer les spectateurs du Bataclan : jolie petite histoire comme dit la chanson!

Le récit étant un peu court, nos médias sans jugeote s’adressent aux malheureuses familles qui n’auraient rien vu venir de la transformation de leurs enfants sages en criminels assoiffés de sang : peut-être un peu délinquants, peut-être un peu trafiquants, promis juré, croissant de bois, croissant de fer, ils étaient simplement partis en vacances à Dubaï ou en Turquie, mais la dernière fois que nous avons communiqué avec eux, ils s’étaient tous retrouvés en Syrie en colonie de vacances pour djihadistes, tout allait bien pour eux, l’entraînement était un peu rude, les exercices quotidiens soulevaient un peu le coeur avec des décapitations éprouvantes au début. Mais ils semblaient bien s’habituer et commençaient à apprécier cette vie aventureuse et guerrière au point de la partager par Skype avec leurs frères et soeurs.

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Femmes syriennes victimes de 2011 à 2014 du régime Assad et de Daech (source FSD : Femmes pour la démocratie)

Une fois la famille entendue, les médias se sont intéressés à l’environnement intellectuel et spirituel. On découvre toujours un peu la même chose. Quelques imams fous autoproclamés à qui on donne la parole dans des mosquées sans trop la leur enlever, pour ne pas avoir d’histoires avec ces dangereux fanatiques capables de vous menacer, et qui poursuivent publiquement ou en petits comités avec des prêches incendiaires, des propos hallucinants qui violent tous les principes se rapportant aux Droits de l’Homme sur la terre même de la Nation qui les proclama voilà plus de deux siècles, tout cela visiblement considéré comme sans importance puisque ce petit manège durait depuis un quart de siècle : un jour l’imam fou autoproclamé est à Chartres, le lendemain à Roubaix, tandis qu’un autre qui n’aime pas la musique surgit à Brest, comme c’est étrange qu’il n’aime pas la musique alors qu’au Bataclan, brutalement, on n’entend plus que le feu des armes de guerre pour tout concert. Et les paroles d’ une petite musique en sourdine :

« C’est pour cela que celui qui mange du porc – na’am [oui] – a tendance à avoir le comportement d’un porc […] Et Allah ou bien le Prophète a informé que viendra un temps où Allah transformera certains êtres humains en singes et en porcs »… (Vidéo enregistrée lors de la prière du vendredi 15 novembre 2013 à la mosquée de Villetaneuse, et mise alors en ligne sur internet)

Certes, tout ce petit monde soulève l’intérêt des services du Renseignement aux maigres moyens et qui n’en peuvent plus à force de surveiller de plus en plus d’imams fous et d’apprentis djihadistes. Mais notre monde politique a mieux à faire. Il s’occupe de choses sérieuses, réorganise la carte territoriale en pleine guerre (c’est le chef des armées qui affirme que nous sommes en guerre), préparant surtout des élections autrement plus préoccupantes que la vague de terreur qui menace de submerger :

– on tue dans les écoles juives, c’est sans importance ou presque, ce sont des juifs qui ne sont pas véritablement des « Français innocents » comme l’avait résumé Raymond Barre en 1980 après l’attentat de la rue Copernic;

– on exécute les dessinateurs « pervers » et quelques Juifs traînant au mauvais moment dans une supérette, ceux-ci l’avaient après tout, bien cherché, un malheur qui permit de faire de belles photos des dirigeants du monde entier sur la place de La République.

– Et puis, on tente de tuer dans les églises, dans les trains, dans les usines, à proximité des casernes, la fatalité un jour ou l’autre, comprenez, chers citoyens, braves amis des réseaux sociaux, forcément, un jour ou l’autre, ce sera le tour cette fois, encore et encore des « Français innocents », n’importe quel quidam, n’importe quel pékinois, vous, nous, tous ensemble.

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3 octobre 1980, explosion d’une bombe devant la synagogue de la rue Copernic provoque 4 morts et 20 blessés

Tout cela est bel et bien bon, mais ne nous explique pas pourquoi 130 personnes sont mortes et 350 autres blessées par des tirs d’armes de guerre en plein Paris, un Paris qui n’était pas outragé, brisé et martyrisé, mais libre,et qui vit désormais dans la douleur, le malheur et l’anxiété, dans des rues surveillées en permanence par des hommes en armes qui normalement ne patrouillent pas dans un pays libre et en paix.

On s’habitue à tout même aux carnages souvenez-vous des guerres de Religion et des révolutions, de la gloire de l’Empire et de la débâcle de 40, des sinistres épopées coloniales et des rues d’Alger où des bombes glissées dans des landaus tuaient déjà aux terrasses des bistrots. On avait simplement oublié que les meurtres de masse ne sont pas que dans les pages d’histoire mais un lot commun à toutes les générations depuis des siècles.

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Attentats à l’aveugle à Alger en 1956, sur les terrasses et dans les restaurants

Peut-on pour autant accepter qu’une poignée de salopards, car il ne s’agit que d’une poignée au regard de 65 millions d’habitants, nous empêchent de vivre librement et en paix ?

En vérité planant au-dessus du carnage, il nous faut pourtant apprendre avec certitude pourquoi près de 500 personnes ont été tuées ou blessées, dont une vingtaine d’étrangers et autant de provinciaux parmi les 130 morts, incroyants ou de toutes confessions, chrétiennes, juives et musulmanes. C’est un impératif, c’est une urgence, un devoir moral. Ce ne sont pas les responsabilités qui doivent être recherchées, mais la Vérité, seule capable de restaurer la tolérance qui seule, peut faire reculer la violence.

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Le Christ, basilique Sainte Sophie de Constantinople

Car si dans un précédent article nous avons souligné à quel point l’intolérance engendre la violence, le mensonge perpétuel suscite l’impatience, l’impatience ourdit la colère et la colère donne naissance à cette intolérance qui provoque la violence. Et au regard du résultat des élections régionales du 6 décembre, les marches du mensonge et de l’impatience sont franchies, la colère gronde et l’intolérance surgit.

Carte élections régionales 2015 premier tour

Comment ne pas être en colère quand aucun homme politique ne se lève pour réclamer l’ouverture d’une enquête impartiale, transparente et approfondie, qui serait menée séance tenante, de concert, par les deux assemblées pour faire toute la lumière sur ces massacres d’une ampleur inédite en France ? Les Américains ont eu leur commission Warren après l’assassinat du Président Kennedy, ils ont tenté de comprendre ce qui s’était passé le 11 septembre au World Trade Center.

Nous, en France, comme toujours, nous devons nous contenter d’explications vaseuses d’un procureur n’ayant aucune légitimité démocratique, qui prend les Français pour des demeurés en expliquant, par exemple, à une heure de grande écoute, que 5.000 munitions ont été tirées dans une cage à lapin d’un marchand de sommeil, six heures de suite, pour répliquer aux terroristes, qui, en définitive, n’auraient disposé que d’une ou deux armes et d’engins explosifs. Comment est-ce possible ? Heureusement « Jawad » est là pour nous faire rire froid, un rire d’amertume inépuisable pour nous qui pleurons.

Autre exemple de ce que nous voulons comprendre : comment se fait-il qu’une salle de concert visée par le passé par des projets d’attentats et des menaces à répétition, pour avoir simplement été louée par des oeuvres de bienfaisance juives, ait été laissé sans surveillance après la vague d’attentat de janvier 2015 ?

Le Bataclan avec la tour Eiffel, Montmartre et les aéroports, font partie des sites ciblés par la propagande terroriste depuis plusieurs années. Il ne semble pourtant pas que le lieu bénéficiait d’une protection particulière de la part des services de l’Etat, ce qui, a posteriori, est énigmatique pour ne pas écrire incompréhensible.

Du Ba-Ta-Clan au Bataclan | Nautes de Paris

Le Bataclan de 1865. Les terroristes prennent tout leur temps pour commettre leurs méfaits annoncés à l’avance. L’article du journal le Monde du 15/11/15 en est une parfaite illustration

L’enquête actuelle sur le parcours des terroristes, leur « pedigree », l’obtention des armes, l’organisation des massacres, les complicités éventuelles, l’écheveau des mille et une incitations aux assassinats de masse, exige que celle-ci soit contrôlée par une commission indépendante chargée de faire toute la clarté sur les origines de cette dérive meurtrière, sur les complicités matérielles, intellectuelles et spirituelles, sur les décisions à prendre pour chercher véritablement à ce qu’une telle catastrophe ne se renouvelle pas.

E pour cela, il faut tout mettre sur la table, les compromissions anciennes avec le terrorisme, les anciens compagnons de route de la terreur, les insouciances et facilités hypocrites qui ont laissé les banlieues devenir des zones de non-droits, les dérives politiciennes qui ont favorisé depuis trente ans le développement du communautarisme, les sournoiseries électoralistes, tout ce qui a contribué dans ce pays à ce que l’on se retrouve dans une sorte d’impréparation au terrorisme de masse, lorsque le moment inéluctable survient.

Le Corbusier et son projet pour Paris | Grand Paris Métropole

Mais qui a inventé cette architecture de merde ? Le Corbusier n’y est pas pour rien, qui rêvait de raser le centre de Paris, du Châtelet à la gare du Nord, de la Madeleine au Marais, pour construire des tours dites futuristes. Formidable !

Car tout ce qui s’est passé le vendredi 13 novembre était peut-être envisageable, prévisible, probable, que ce soit au Stade de France en permanence ciblé, ou au Bataclan régulièrement menacé, même si les terrasses des trottoirs parisiens étaient des cibles potentielles hélas difficiles à protéger.

Cela n’empêche pas que nous devons apprendre à durablement nous défendre sans pour autant modifier quoique ce soit à nos habitudes de vie. Car si à l’heure actuelle, nous ne savons guère pourquoi les victimes du 13 novembre sont mortes ou ont été blessées, en revanche, nous leur devons de répondre pour quoi sont-elles mortes ou ont été blessées : pour que tout change!

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Burt Lancaster, dans le Guépard de Luchino Visconti