Etablir un autoportrait, c’est trouver ce qui nous ressemble le plus. Voilà un exercice compliqué et difficile, qui donne lieu à multiples interprétations contradictoires quand le peintre se représente. Rares sont les artistes qui ne cèdent pas à la tentation de dresser leur propre portrait. Et il faut reconnaître qu’en général, est-ce l’exercice lui-même qui conduit à ce résultat, les autoportraits sont assez réalistes, sans emphase ou caractère ostentatoire, de crainte probablement de soulever la risée générale : la prétention et l’orgueil sont des mauvais conseillers en matière d’autoportrait, ce qui explique que les écrivains, égotistes par nature, évitent ce genre littéraire tout en délicatesse.
Rembrandt, Van Gogh, Modigliani ou Schiele excellent dans l’autoportrait. Ils multiplient leurs capacités à se regarder, scruter leur visage avec perspicacité et originalité à tout âge de la vie. Je ne connais pas le nombre exact d’autoportraits du malheureux van Gogh mais celui-ci était si fauché qu’il n’avait le choix qu’entre faire appel à lui-même comme modèle ou peindre des tables, une chaise et surtout des bouquets de fleurs.
Il est clair aussi que les peintres aiment à se représenter avec leur palette pour bien signifier qu’il ne sont pas écrivains ou musiciens. Ainsi de Chagall ou Modigliani, ces frères de couleur rivaux.
Certains font dans l’extrème simplicité, à l’exemple de Picasso dont le nom pourtant n’est pas facile à retenir : Pablo Diego José Fransisco de Paula Juan Nepomuceno María de los Remedios Cipriano de la Santísima Trinidad Martyr Patricio Clito Ruiz y Picasso. Heureusement qu’il évitait de le signer en entier !
Basquiat, de son côté a une approche de lui-même qui aborde l’art primitif.
Les femmes peintres sont souvent ignorée par la critique, l’un des derniers univers peu enclins à trouver à la femme un quelconque talent artistique, ce qui est grand tort. L’autoportrait de la peintre russe Zinaida Serebriakova est tout en finesse et simplicité, d’une très grande distinction, à l’opposé de celui de Tamara de Lempicka, en pleine époque art déco, qui se représente en femme de séduction, d’une très grande assurance, au volant d’une Bugatti verte, une pose du plus bel effet. Les deux portraits attirent le regard comme un aimant dont on voudrait laisser tomber une voyelle pour mieux se concentrer sur l’objet du désir, le turban bleu ou la voiture verte.
Quant aux grands maîtres, ils nous fascinent par leur assurance. Que ce soit Van Eyck, Dürer ou Delacroix, tout le génie de la peinture est là, sans cesse renouvelé, traversant les siècles. Saisissant, admirable, bouleversant de présence.
Et l’auteur virtuel, comment se représente-t-il au milieu de cette galerie d’autoportraits ?
C’est tout simple. Voilà un quart de siècle, il a réalisé un premier autoportrait pas très réussi, car trop en phase avec son époque, manquant donc de distanciation. Aujourd’hui qu’il maîtrise son sujet, le voici en lion noir, lion ascendant lion de l’internet, lion noir dans la jungle numérique, aussi virtuel que l’auteur, échappant à toute réalité encore qu’il suffit de se rendre dans la savane ou dans un zoo, un seau d’encre à la main, pour que cette virtualité devienne réalité.
Attention cependant ! On dit le lion paresseux, mais sa vitesse de course atteint 80 Km/H, c’est moins que le guépard qui dépasse les 100, mais beaucoup plus que l’homme même quand on s’appelle Usain Bolt. Celui-ci n’atteint pas 38 Km/ H, et seulement sur cent mètres !